Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo SRI AUROBINDO - YOGA INTEGRAL: mai 2014

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

LA ZONE INTERMÉDIAIRE



— Toutes ces expériences sont de même nature, et ce qui s'applique à l'une s'applique à l'autre. À l'excep­tion de certaines expériences qui ont un caractère person­nel, ce sont des vérités-idées comme il en descend d'en haut dans notre conscience lorsqu'on prend contact avec certains plans de l'être, ou encore de puissantes forma­tions des mondes mental et vital plus vastes qui — si l'on est directement ouvert à ces mondes — se précipitent en le sâdhak et veulent l'utiliser pour leur propre accomplisse­ment.
Lorsque ces choses descendent à flots ou pénètrent, elles se présentent avec une grande force, un sens frap­pant d'inspiration ou d'illumination, une grande sensation de lumière et de joie, une impression d'élargissement et de pouvoir. Le sâdhak se sent libéré de ses limites normales, projeté dans un merveilleux nouveau monde d'expérience, empli, agrandi, exalté. Par ailleurs, ce qui vient s'associe à lui, à ses aspirations, ses ambitions, ses concepts de réa­lisation spirituelle et de siddhi yoguique ; cela se présente même comme étant cette réalisation et cet accomplis­sement.
Le sâdhak est facilement emporté par la splendide ruée en lui de ce qui lui arrive et il croit avoir réalisé plus qu'il n'a obtenu en réalité, quelque chose de final ou tout au moins de souverainement vrai. À ce stade, il lui manque généralement la connaissance et l'expérience nécessaires pour voir que ce n'est qu'un début très incertain et mélangé ; il peut ne pas se rendre compte tout de suite qu'il est encore dans l'Ignorance cosmique et non pas dans la Vérité cosmique, encore moins dans la Vérité transcendentale, et que toutes les vérités-idées formatives ou dynamiques qui peuvent être descendues en lui ne sont que partielles et sont encore réduites par la façon dont les lui présente une conscience qui reste mêlée. Il peut ne pas se rendre compte non plus que s'il applique précipitam­ment ce qu'il a reçu ou réalisé comme si c'était quelque chose de définitif, il peut ou bien tomber dans l'erreur ou la confusion, ou bien se laisser enfermer dans quelque formation partielle. Dans cette formation il peut y avoir un élément de Vérité spirituelle, mais il sera probablement plus que compensé par des accrétions mentales et vitales plus douteuses qui le déformeront complètement.
C'est seulement s'il est capable — immédiatement ou après quelque temps — de se retirer de ces expériences, de s'élever au-dessus d'elles avec la conscience impartiale du témoin, d'observer leur nature réelle, leurs limitations, leur composition mélangée qu'il pourra poursuivre sa rou­te vers une véritable liberté et une siddhi plus haute, plus vaste et plus vraie. C'est ce qu'il devra faire à chaque pas.
En effet, tout ce qui vient ainsi au sâdhak de notre yo­ga n'est ni définitif ni final, que cela provienne du Sur-mental, de l'Intuition ou du Mental illuminé ou de quel­que Plan de vie très élevé, ou de toutes ces sources à la fois ; ce n'est pas la Vérité suprême dans laquelle il puisse s'installer, mais seulement un stade. Néanmoins il faut traverser toutes ces étapes, car la Vérité supramentale ou suprême ne peut pas être atteinte en un seul bond, ni mê­me en beaucoup de bonds. Il faut progresser calmement, patiemment, régulièrement à travers de nombreux stades intermédiaires sans se laisser lier ou attacher à leurs moin­dres Vérité, Lumière, Pouvoir ou Ananda.
Il s'agit en fait d'un état intermédiaire, une zone de transition entre la conscience ordinaire dans le mental et la véritable connaissance yoguique. On peut la traverser sans en pâtir si l'on se rend compte tout de suite ou assez rapidement de sa nature réelle et si l'on refuse de se lais­ser arrêter par ses demi-lumières et par ses expériences tentantes mais imparfaites et souvent mélangées et falla­cieuses. On peut s'y égarer, suivre des voix fausses et des instructions mensongères, ce qui aboutit à un désastre spi­rituel. On peut aussi s'installer dans cette zone in­termédiaire, ne pas vouloir aller plus loin et y édifier quelque serai-vérité que l'on prend pour la vérité, ou encore devenir l'instrument des pouvoirs qui sont dans ces plans de transition.
C'est ce qui arrive à beaucoup de sâdhaks et de yogins. Ils sont submergés par cette première irruption, par le sens de pouvoir que donne une condition supranormale ; ils sont éblouis par une petite lumière qu'ils prennent pour une formidable illumination ou par un toucher de force qu'ils prennent pour la pleine Force divine ou tout au moins pour une très grande Shakti yoguique. Ou encore ils acceptent comme étant le Suprême quelque Puissance intermédiaire (qui n'est pas toujours d'origine divine) ou une conscience intermédiaire qu'ils prennent pour la réalisation suprême. Ils en arrivent très vite à penser qu'ils sont dans la pleine conscience cosmique alors que ce n'en est qu'une petite partie ou une façade ou quelque Mental ou Puissance de vie plus vastes ou quelques strates physiques subtils avec lesquels ils se sont trouvés en rapports dynamiques. Ou bien ils ont l'impression d'être en une conscience entièrement illuminée alors qu'en fait ils ne reçoivent d'en haut que des choses imparfaites grâce à une illumination partielle provenant de quelque plan mental ou vital.
En effet, ce qui arrive est diminué et souvent déformé en passant à travers ces plans. Souvent aussi le mental et le vital du sâdhak qui le reçoit comprennent et transcri­vent mal ce qui lui parvient, ou encore ils le rejettent pour le mêler à ses propres désirs, idées, sentiments. Et cepen­dant le sâdhak s'imagine que ces désirs, idées et senti­ments ne sont pas les siens, mais une partie de la Vérité qu'il reçoit parce qu'ils y sont mêlés, en imitent la forme, sont éclairés par son illumination et prennent une valeur exagérée du fait de cette association et de cette lumière empruntée.
Dans cette zone intermédiaire d'expérience il se présente des dangers encore plus graves. Car les plans auxquels le sâdhak a maintenant ouvert sa conscience — non pas comme auparavant, en en recevant quelques aperçus ou quelques influences, mais directement, en en recevant le plein impact — envoient toute une foule d'idées, d'impul­sions, de suggestions, de formations de toutes sortes, sou­vent absolument opposées les unes aux autres, inconséquentes ou incompatibles, mais présentées de telle sorte que leurs différences et leurs insuffisances s'estom­pent ; elles arrivent avec beaucoup de force, de plausibi­lité, une abondance d'arguments et un sens convaincant de leur certitude. Submergé par ce sens de la certitude, cette vividité, cette apparence de profusion et de richesse, l'esprit du sâdhak est plongé dans une grande confusion qu'il prend pour une organisation et un ordre plus vas­tes ; ou encore il tourbillonne en une succession de chan­gements incessants de toutes sortes qu'il prend pour un progrès rapide, mais qui ne conduit nulle part.
Il y a aussi le danger contraire qu'il devienne l'instru­ment de quelque formation apparemment brillante mais ignorante. En effet ces plans intermédiaires sont pleins de petits Dieux ou de puissants Daïtyas ou de plus petits êtres qui veulent créer, matérialiser quelque chose ou im­poser dans la vie terrestre une formation mentale et vitale et qui désirent ardemment utiliser ou influencer ou même posséder la pensée et la volonté du sâdhak et faire de lui leur instrument à cette fin.
Cela est tout autre chose que le danger bien connu présenté par des êtres réellement hostiles dont le seul but est de créer la confusion, la fausseté, la corruption dans la sâdhanâ et des erreurs désastreuses qui n'ont rien de spirituel. Quiconque se laisse saisir par un de ces êtres —qui souvent s'affuble de l'un des noms de Dieu — s'écar­tera de la voie du yoga.
Par contre, il est parfaitement possible que le sâdhak soit accueilli à son arrivée dans cette zone par un Pouvoir du Divin qui l'aide et le guide jusqu'à ce qu'il soit prêt pour de plus grandes choses, mais même cela n'est pas une protection sûre contre les erreurs et les faux-pas dans cette zone, car rien n'est plus facile aux puissances de ces zones ou puissances hostiles que d'imiter la Voix ou l'Image qui peut guider et ainsi de tromper et d'égarer le sâdhak, ou au sâdhak lui-même d'attribuer au Divin les créations et formations de son propre mental, de son vital ou de son ego.
En effet cette zone intermédiaire est une région de semi­vérités, ce qui en soi n'aurait pas d'importance, car en deçà du Supramental il n'est pas de vérité complète, mais là cette serai-vérité est si partielle ou d'une application si ambiguë qu'elle laisse la porte largement ouverte à la confusion, la délusion et l'erreur. Parce qu'il se sent en contact avec quelque chose de plus vaste ou de plus puis­sant, le sâdhak pense qu'il n'est plus dans la petite conscience où il se trouvait auparavant, et pourtant cette vieille conscience est toujours là, n'est pas véritablement abolie. Il se sent sous le contrôle ou l'influence de quelque Puissance, Etre ou Force plus grand que lui, il aspire à en être l'instrument et il pense s'être débarrassé de son ego, mais cette illusion d'absence d'ego cache souvent un ego exagéré. Des idées qui ne sont que partiellement vraies s'emparent de lui et dirigent son mental ; en les appliquant mal avec trop de confiance il les transforme en erreurs, ce qui vicie les mouvements de la conscience et ouvre la porte à l'illusion. Le sâdhak reçoit des suggestions, parfois de nature romantique, qui le flattent et lui donnent l'impression qu'il est important, qui sont conformes à ses désirs, et il les accepte sans les examiner, sans discriminer. Même ce qu'elles contiennent de vrai est tellement exagéré, dépasse tellement toutes limites et mesures que cela engendre l'erreur.
C'est une zone que de nombreux sâdhaks doivent tra­verser, dans laquelle beaucoup errent longtemps et dont un grand nombre n'émergent jamais. En particulier lors­que leur sâdhanâ se situe surtout dans le mental et le vital ils doivent y affronter beaucoup de difficultés et de grands dangers. Seuls ceux qui suivent scrupuleusement et strictement leur guide ou ceux dans la nature de qui le psychique est au premier plan traversent facilement cette zone intermédiaire comme sur une route sûre et claire­ment signalisée. Une sincérité centrale, une humilité fon­damentale contribuent aussi à écarter bien des dangers et bien des troubles. On peut alors passer rapidement au-delà en une Lumière plus claire — où il y a encore beau­coup de mixtures, d'incertitude et de lutte, mais dans la­quelle on s'oriente vers la Vérité cosmique et non vers un prolongement à demi éclairé de Mâyâ et de l'ignorance.
C'est en termes généraux, avec ses principaux caractères et possibilités que j'ai décrit cet état de conscience qui est juste de l'autre côté de la limite de la conscience normale, car c'est là que ces expériences semblent se produire. Mais les divers sâdhaks s'y comportent différemment et réagis­sent parfois à un genre de possibilités et parfois à un autre. 
Dans votre cas, il semble que vous soyez entré dans cette zone intermédiaire parce que vous avez essayé de faire descendre la conscience cosmique ou d'y pénétrer de force. Peu importe d'ailleurs comment cela s'est fait et peu importe aussi que l'on soit conscient de ce que l'on fait, ou qu'on le comprenne en ces termes ; en substance c'est ce que je vous ai dit.
Ce n'est pas dans le Surmental que vous êtes entré, car il est impossible d'y pénétrer directement. En fait le Sur-mental est derrière toute l'action de la conscience cosmi­que et au-dessus d'elle, mais au début on ne peut avoir avec lui qu'un rapport indirect. Les choses descendent du Surmental à travers des strates intermédiaires, en un plan mental, un plan vital, un plan physique subtil plus vastes. Au cours de cette transmission, elles sont très modifiées et diminuées, elles n'ont plus rien de tel que la pleine puis­sance, la pleine vérité qu'elles possèdent dans le Surmen­tal même, là où elles ont pris naissance.
La plupart des mouvements ne viennent pas du Surmental, mais des niveaux supérieurs du mental. Les idées dont ces expériences sont imprégnées et sur lesquelles elles semblent faire reposer leur prétention à la vérité ne vien­nent pas du Surmental, mais du Mental supérieur, parfois du Mental illuminé, mais elles sont mêlées à des sugges­tions provenant des régions inférieures du mental et du vi­tal, leur possibilité d'application est fortement affaiblie et bien souvent elle est mal utilisée. Tout cela serait sans im­portance, c'est normal et coutumier, il faut y passer pour parvenir à une atmosphère plus claire où les choses sont mieux organisées et situées sur une base plus sûre. Mais vous avez agi dans un esprit de hâte et d'avidité excessi­ves, avec une estime de soi et une confiance en soi fort exagérées, avec une certitude prématurée, en ne voulant vous laisser guider que par votre propre mental ou par le « Divin » tel qu'il est conçu ou ressenti à un stade de con­naissance très limitée. Or la sensation et la conception du Divin chez le sâdhak, même si elles sont fondamentalement authentiques, ne sont jamais dans un état pur et total ; elles sont mêlées à toutes sortes d'imputations men­tales et vitales. Associées à la façon dont le Divin nous guide sont toutes sortes de choses que l'on croit en faire partie et qui en réalité proviennent de tout autres sources. Même en supposant que le Divin nous guide directement — et dans ces conditions le Divin agit surtout, le plus souvent, de derrière le voile — il ne le fait qu'occasionnel­lement, et le reste s'opère par un jeu de forces. Erreurs, trébuchements, mélange d'Ignorance se donnent libre cours. Tout cela est permis parce que le sâdhak doit être mis à l'épreuve par les forces cosmiques, doit apprendre par expérience, doit passer par l'imperfection pour s'élever à la perfection — s'il en est capable, s'il est disposé à apprendre, à ouvrir les yeux à ses propres erreurs, à en ti­rer la leçon et à en profiter pour croître en une Vérité, une Lumière et une Connaissance plus pures.
L'effet de cet état d'esprit est que l'on commence à af­firmer tout ce qui arrive dans cette région mélangée et douteuse comme si tout cela était la Vérité et la pure Vo­lonté divine. Les idées et les suggestions qui se répètent constamment sont exprimées impérieusement, avec auto­rité, comme si elles étaient la Vérité entière et indiscuta­ble. On a l'impression que l'on est devenu impersonnel, que l'on est libéré de l'ego, alors que tout le mode d'ex­pression du mental, ce qu'il exprime et son esprit même sont pleins d'une outrecuidance véhémente justifiée par cette affirmation que l'on pense et agit comme un instru­ment, sous l'inspiration du Divin. On met en avant, de façon progressive, des idées qui peuvent être valables pour le mental, mais qui ne sont pas spirituellement valables ; et pourtant on les affirme comme si elles étaient des abso­lus spirituels. Par exemple l'équanimité qui dans ce sens — car la samatâ yoguique est tout autre chose — n'est qu'un simple principe mental, la revendication d'une indépendance sacrée, le refus d'accepter qui que ce soit comme gourou, ou encore le fait d'opposer le Divin au Divin humain, etc. Toutes ces idées que le mental et le vi­tal peuvent adopter comme positions et transformer en principes qu'ils essaient d'imposer dans la vie religieuse et même dans la vie spirituelle, mais qui ne sont pas spiri­tuelles de nature et qui ne peuvent pas l'être.
Il commence aussi à venir du plan vital des suggestions, un pullulement d'imaginations romantiques, fantaisistes ou ingénieuses, d'interprétations cachées, de pseudo­intuitions, de prétendues initiations en des choses de l'au-delà qui excitent ou obnubilent le mental et sont souvent présentées de telle sorte qu'elles magnifient l'ego et le sen­timent de sa propre importance, mais qui ne sont fondées sur aucune réalité spirituelle ou occulte bien établie et véritable. Cette région est pleine d'éléments de ce genre et, si on le leur permet, ils s'accumulent sur le sâdhak, mais si celui-ci veut sérieusement atteindre le Suprême, il suffit qu'il les observe et passe son chemin.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait dans ces choses au­cune vérité, mais pour une qui est vraie, il y en a neuf qui sont des imitations ou des faussetés ; seul un occultiste bien entraîné et doué du savoir-faire infaillible que donne une longue expérience peut s'orienter dans cette zone sans trébucher et sans être pris dans le labyrinthe. Toute l'atti­tude, toute l'action, toute l'expression peuvent être telle­ment surchargées des erreurs de cette zone intermédiaire que poursuivre cette route serait s'écarter bien loin du Divin et du yoga.
À ce stade, le sâdhak est encore libre de choisir entre suivre les indications fort mêlées qu'il reçoit au milieu de ces expériences et accepter de suivre le véritable guide. Chacun de ceux qui pénètrent dans le royaume de l'expérience yoguique est libre de suivre son propre che­min, mais notre yoga n'est pas un chemin que n'importe qui puisse suivre ; il est seulement pour ceux qui cherchent à en atteindre le but et qui suivent la voie sur laquelle un guide sûr est indispensable. Il serait oiseux pour quiconque de s'imaginer qu'il peut suivre cette route bien loin — moins encore jusqu'au bout — en ne comptant que sur sa propre force et sa propre connaissance intérieures sans recevoir les aides et les influences authentiques. Même les yogas ordinaires pratiqués depuis longtemps sont difficiles à suivre sans l'aide du gourou ; dans celui-ci où, à mesure que l'on progresse, on traverse des régions inexplorées, des pays inconnus où tout est enchevêtré, c'est absolument impossible.
Quant au travail qu'il faut y faire, il ne convient pas à n'importe quel sâdhak engagé sur n'importe quelle voie ; ce n'est pas non plus le travail du Divin « impersonnel » qui, d'ailleurs, n'est pas une Puissance active, mais sou­tient impartialement tout le travail de l'univers. C'est un terrain d'entraînement pour ceux qui devront parcourir la route difficile et compliquée de ce yoga et de nul autre. Ici tout travail doit se faire dans un esprit d'acceptation, de discipline et d'abandon, non pas en posant des condi­tions et des exigences, mais en se soumettant consciem­ment et avec vigilance aux directives et instructions re­çues. Fait dans n'importe quel autre esprit, le travail conduit à un désordre, une confusion et un trouble de l'atmosphère qui n'ont rien de spirituel. Dans ce yoga aussi erreurs et trébuchements sont fréquents, car les gens doivent s'y laisser conduire patiemment — en laissant une certaine place pour leur propre effort et pour l'expérience — hors de l'ignorance propre à la Vie et au Mental vers un esprit plus large et une connaissance lumineuse. Le danger d'errer sans guide dans les régions de l'autre côté de la frontière est que les bases mêmes de notre yoga peu­vent être attaquées et que les conditions dans lesquelles le travail peut se faire risquent de disparaître complètement. La transition par cette zone intermédiaire — transition qui n'est pas obligatoire car il y en a beaucoup qui pas­sent par une voie plus étroite mais plus sûre — est un pas­sage crucial ; ce qui en émerge a des chances d'être une création riche et très vaste, mais lorsqu'on s'y embourbe, il est difficile et pénible de s'en dégager, et on ne peut le faire qu'après une longue lutte et de grands efforts.

Sri Aurobindo, Extraits du recueil « On Yoga ».

A PROPOS DE LA ZONE INTERMÉDIAIRE


— Ce que j'entends par la zone intermédiaire, c'est que lorsque le sâdhak passe au-delà des barrières de son propre mental personnel incorporé en lui, il pénètre dans un vaste domaine d'expériences qui ne sont pas la vérité physique solide limitée des choses et qui pourtant ne sont pas encore la vérité spirituelle des choses. C'est une zone de formations mentales, vitales et physiques sub­tiles, et tout ce que le sâdhak forme en lui avec les forces de ces mondes ou tout ce que ces forces forment en lui devient pour lui pendant quelque temps la vérité — à moins qu'il ne soit guidé et qu'il n'écoute son guide. Plus tard, lorsqu'il en est ressorti, il découvre ce que c'était et il passe à la vérité subtile des choses. C'est une marche où se rencontrent tous les mondes, mental, vital, subtil phy­sique, pseudo-spirituel, mais où il n'y a ni ordre, ni prise ; c'est un passage entre le domaine physique et le véritable domaine spirituel.

Sri Aurobindo, Extraits du recueil « On Yoga ».


LA ZONE INTERMÉDIAIRE

AUTHENTICITÉ DES EXPÉRIENCES


[...] Il y a deux sortes de choses qui se produisent dans le yoga : des réalisations et des expériences. Les réalisations sont la réception dans la conscience et l'établissement dans la conscience des vérités fondamentales du Divin, de la Nature supérieure ou divine, de la conscience mondiale et du jeu des forces, de son propre Soi et de sa nature réelle ; c'est aussi le fait que la nature intérieure de ces choses, le pouvoir de ces choses, croissent en nous jusqu'à ce qu'elles fassent partie de notre vie, de notre existence intérieures. Ce sont par exemple la réalisation de la Présence divine, de la Descente et de l'installation dans la conscience de la Paix, la Lumière, la Force, l'Ananda supérieurs et de l'action qu'ils y exercent, la réalisation de l'amour divin ou spirituel, la perception de notre propre être psychique, la découverte de notre être mental vrai, de notre être vital vrai, de notre être physique vrai, la réali­sation du Surmental ou de la conscience supramentale, la claire perception du rapport entre toutes ces choses et no­tre nature inférieure actuelle, et de leur action sur cette nature inférieure pour la transformer. Evidemment cette liste pourrait être allongée indéfiniment. Ces mêmes choses sont souvent appelées des expériences lorsqu'elles
viennent seulement par éclairs, par bribes, en de rares ap­paritions ; on n'en parle comme de pleines réalisations que lorsqu'elles deviennent très positives ou fréquentes ou continues ou normales.
Il y a aussi des expériences qui aident, ou qui condui­sent vers la réalisation de choses spirituelles ou divines, qui amènent dans la sâdhanâ des ouvertures ou des pro­gressions, ou qui sont des soutiens sur la voie : expérien­ces de caractère symbolique, visions, contacts d'un genre ou d'un autre avec le Divin ou avec le jeu de la Vérité supérieure, des choses telles que l'éveil de la kundalinî, l'ouverture des chakras, des messages, des intuitions, des ouvertures de pouvoirs intérieurs, etc. La seule chose dont il faille prendre soin, c'est de s'assurer qu'elles sont au­thentiques et sincères, et cela dépend de notre propre sincérité. Car si l'on n'est pas sincère, si l'on est plus oc­cupé de l'ego, ou d'être un grand yogin, ou de devenir un surhomme que d'atteindre le Divin ou d'obtenir la con­science divine qui nous permet de vivre en le Divin ou avec lui, alors se précipite en nous un flot de pseudo­expériences ou d'expériences mélangées, on est entraîné dans les labyrinthes de la zone intermédiaire où l'on tourne en rond dans les ornières de ses propres forma­tions. Telle est la vérité sur toute cette question.


Alors pourquoi N dit-il qu'il ne faut pas aller à la pour­suite des expériences, mais seulement aimer le Divin et le chercher ? Cela signifie simplement que vous n'avez pas à faire des expériences votre but principal, mais que le Di­vin doit être votre but. Et si vous agissez ainsi, vous avez davantage de chances d'obtenir les expériences utiles et vraies et d'éviter les mauvaises. Si l'on cherche surtout des expériences, le yoga peut devenir un simple laisser-aller dans les moindres choses des mondes mental, vital et physique subtil ou dans les choses spirituelles secondaires, ou il peut amener un tourbillon, un maelstrom des expériences mélangées et de celles qui sont entièrement ou à demi des pseudo-expériences, et s'interposer entre l'âme et le Divin. C'est une règle fort saine dans la sâdhanâ. Mais toutes ces règles et ces affirmations doivent être ac­cueillies avec un certain sens de mesure, et dans leurs pro­pres limites. Cela ne signifie pas que l'on ne doive pas bien accueillir des expériences utiles, ni qu'elles soient sans valeur. Et aussi, lorsque s'ouvre une saine ligne d'expériences, il est parfaitement permis de la suivre jus­qu'au bout, tout en gardant toujours devant les yeux le but central. Tous les contacts qui nous aident ou nous soutiennent, dans le rêve ou la vision, tels que ceux dont vous parlez, doivent être bienvenus et acceptés. Les expériences de la bonne espèce sont un appui et une aide vers la réalisation ; elles sont en tous points acceptables.

Sri Aurobindo, Lettres sur le Yoga I

LA SYNTHÈSE DE L'AVENIR

Nous, hommes d'aujourd'hui, nous sommes au seuil d'une ère nouvelle de développement qui doit conduire à une synthèse nouvelle et plus vaste. Nous n'avons pas à être des védantistes orthodoxes de l'une des trois écoles, ni des tantriques, ni à nous rattacher à l'une des religions théistes du passé, ni à nous retrancher à l'intérieur des enseignements de la Gîtâ. Ce serait nous limiter et vouloir créer notre vie spirituelle avec l'être, la connaissance et la nature d'autrui, d'hommes du passé, au lieu de construire avec ce que nous sommes et ce qui est latent en nous. Nous n'appartenons pas aux aurores du passé, mais aux midis de l'avenir. Une masse d'éléments nouveaux se déverse en nous ; il nous faut, non seulement assimiler les influences des grandes religions théistes de l'Inde et du monde, ainsi qu'un sens retrouvé de ce que représente le Bouddhisme, mais aussi tenir pleinement compte des révélations puissantes, quoique limitées, de la science et des recherches modernes ; en outre, un passé lointain, immémorial et qui paraissait mort, revient à nous avec tout l'éclat de nombreux secrets lumineux depuis longtemps perdus pour la conscience de l'humanité, et qui maintenant surgissent à nouveau de derrière le voile. Tout cela nous annonce une nouvelle synthèse, très riche et très vaste. Une harmonisation nouvelle et compréhensive de nos acquisitions est, intellectuellement et spirituellement, une nécessité de l'avenir. Et tout comme les synthèses passées ont pris pour point de départ celles qui les ont précédées, la synthèse de l'avenir doit aussi, pour avoir une base solide, procéder de ce qu'ont donné les grandes sommes de pensée et d'expérience spirituelles réalisées dans le passé. Parmi elles, la Gîtâ occupe une place primordiale.   

Sri Aurobindo, introduction à la Bhagavad-Gîtâ

L’utilité véritable du yoga

L’utilité véritable du yoga, son objet complet, ne peuvent être atteints que quand le yoga conscient dans l’homme, de même que le yoga subconscient dans la Nature, coïncide extérieurement avec la vie, et que, une fois de plus, regardant à la fois le chemin et la réalisation, nous pouvons dire d’une façon plus parfaite et plus lumineuse : En vérité, la vie tout entière est un yoga . 

Sri Aurobindo La Synthèse des Yogas I.


APHORISMES: BHAKTI (500-541)

Sri Aurobindo
PENSÉES ET APHORISMES
BHAKTI (500-541)

*
BHAKTI
(L’Amour et la Dévotion)


501 — La souffrance nous rend capables de supporter
la force complète du Maître des Délices ; elle
nous rend capables aussi de supporter l’autre jeu du
Maître du Pouvoir. La douleur est la clef qui ouvre les
portes de la force ; c’est le grand chemin qui mène à la
cité de la béatitude.

502 — Cependant, ô Âme de l’homme, ne recherche
point la douleur, car telle n’est pas Sa volonté,
recherche seulement Sa joie ; quant à la souffrance,
elle viendra sûrement à toi en Sa providence, autant et
aussi souvent qu’elle t’est nécessaire. Alors endure-la
afin de pouvoir découvrir enfin son âme de ravissement.

503 — Ô homme, n’inflige pas de douleur non plus à
ton semblable ; Dieu seul a le droit d’infliger la
douleur, ou ceux qu’Il en a chargés. Mais ne crois pas
fanatiquement, tel Torquémada, que tu es l’un d’eux.

504 — Dans les temps anciens, il existait une noble
manière d’affirmation pour les âmes uniquement pétries
de force et d’action : « Aussi sûrement que Dieu
vit. » Mais pour nos besoins modernes, une autre affirmation
serait plus appropriée : « Aussi sûrement que Dieu aime. »

505 — Le service est utile pour celui qui aime Dieu et
pour celui qui connaît Dieu, surtout parce qu’Il leur
donne l’occasion de comprendre en détail et d’admirer
les étranges merveilles de Son art matériel. L’un
s’instruit et s’écrie : « Admire comme l’Esprit s’est
manifesté dans la matière » ; l’autre : « Admire le
toucher de mon Amant et Maître, l’Artiste parfait, la
main toute-puissante. »

506 — Ô Aristophane de l’univers, tu observes le
monde et ris doucement en toi-même. Mais ne
me laisseras-tu pas voir aussi avec des yeux divins et
partager tes rires universels ?

507 — D’une image hardie, Kâlidâsa¹ dit que les
glaciers de Kaïlâsa² sont les bruyants rires
universels de Shiva empilés dans une absolue blancheur
pure sur les cimes. Ceci est vrai, et quand leur image
tombe sur le cœur, les soucis du monde fondent
comme les nuages d’en bas et se réduisent à leur réelle
inexistence.
¹Poète et auteur dramatique sanskritiste du IlIe siècle avant J.-C.,
que Sri Aurobindo comparait à Shakespeare.
²L’un des sommets de l’Himâlaya et la demeure de Shiva.

508 — La plus étrange des expériences de l’âme est
celle-ci : quand l’âme cesse de se soucier de
l’image et de la menace des afflictions, elle s’aperçoit
que les afflictions mêmes n’existent nulle part dans
notre voisinage. Alors, derrière ces nuages irréels, nous
entendons Dieu qui rit de nous.

509 — Ô Titan, ton effort a-t-il réussi ? Trônes-tu tels
Râvana et Hiranyakashipou* , servi par les
dieux et maître du monde ? Mais ce que ton âme
pourchassait vraiment t’a échappé.
*Deux rois démons.

510 — Le mental de Râvana pensait qu’il avait soif de
la souveraineté universelle et de la victoire sur
Râma, mais le but que son âme regardait tout le temps
était de retourner au ciel de l’âme le plus tôt possible
et d’être de nouveau le valet de Dieu. C’est pourquoi,
puisque c’était le chemin le plus court, il s’est précipité
contre Dieu dans la furieuse étreinte de l’ennemi* .
*Râvana a été détruit par Râma, l’Avatâr.

511 — La plus grande des joies est d’être l’esclave de
Dieu, tel Nârada ; le pire des enfers, d’être le
maître du monde, abandonné de Dieu. Ce qui semble
le plus proche de Lui selon notre ignorante conception
de Dieu, est réellement le plus loin de Lui.

512 — Le serviteur de Dieu est déjà quelqu’un ; l’esclave
de Dieu est plus grand.

513 — Être le maître du monde serait en vérité la
suprême félicité, si l’on était aimé universellement; 
mais pour cela, il faudrait être en même temps l’esclave 
de toute l’humanité.

514 — Après tout, si tu fais le compte de ton long
service de Dieu, tu t’apercevras que ton suprême
travail était le petit bien défectueux que tu avais fait
pour l’amour de l’humanité.

515 — Il est deux travaux qui plaisent parfaitement à
Dieu en Son serviteur : balayer en silencieuse
adoration le sol de Son temple, et combattre sur le
champ de bataille du monde pour Sa réalisation divine
dans l’humanité.

516 — Celui qui a fait ne serait-ce qu’un peu de bien
aux êtres humains, même s’il est le pire des
pécheurs, est accepté de Dieu dans les rangs de ceux
qui L’aiment et Le servent. Il verra la face de
l’Éternel.

517 — Ô dupe de ta faiblesse, ne couvre pas la face de
Dieu d’un voile de terreur, ne t’approche pas
de Lui avec une faiblesse suppliante. Regarde ! tu
verras sur Sa face non pas la solennité du Roi ni du
Juge, mais le sourire de l’Amant.

518 — Tant que tu n’auras pas appris à t’empoigner
avec Dieu comme un lutteur avec son camarade,
la force de ton âme te sera à jamais cachée.

519 — Tout d’abord, Soumbha* aima Kâlî avec son
cœur et son corps, puis il devint furieux et se
battit contre elle, enfin il l’emporta sur elle, la saisit
par les cheveux et la fit tournoyer trois fois autour de
lui dans les cieux ; le moment d’après, il était tué par
elle. Telles sont les quatre enjambées du Titan pour
parvenir à l’immortalité, et, des quatre, la dernière est
la plus longue et la plus puissante.
*Roi démon ou Titan.

520 — Kâlî est Krishna se révélant sous forme de
Pouvoir terrifiant et d’Amour courroucé. De
ses coups furieux, elle tue le moi dans le corps, dans le
vital et dans le mental afin de le libérer et d’en faire un
esprit éternel.

521 — Selon le profond apologue sémitique, nos
ancêtres déchurent parce qu’ils avaient goûté le fruit
de l’arbre du bien et du mal. S’ils avaient tout de suite
goûté à l’arbre de la vie éternelle, ils auraient échappé
à la conséquence immédiate ; mais le dessein de Dieu
dans l’humanité aurait été déjoué. Sa colère est notre
avantage éternel.

522 — Si l’enfer était possible, ce serait le plus court
chemin des plus hauts cieux. Car, en vérité, Dieu
aime.

523 — Dieu nous chasse de chaque Éden pour nous
forcer à traverser le désert et à atteindre un Paradis
plus divin. Si tu t’étonnes qu’un passage si desséché et
si féroce soit nécessaire, c’est que tu as été mystifié par
ton mental et n’as pas étudié ton âme derrière, ni ses
désirs muets ni ses ravissements secrets.

524 — Un mental sain hait la douleur, car le désir de
la douleur que parfois les hommes entretiennent
dans leur mental est morbide et contraire à la Nature.
Mais l’âme ne se soucie pas plus du mental et de ses
souffrances que le maître de forge de la douleur du
minerai dans la fournaise : elle suit ses propres besoins
et sa propre faim.

525 — La compassion sans distinction est le plus noble
don du caractère ; ne pas faire même le moindre
mal à une seule chose vivante est la plus haute de toutes
les vertus humaines ; mais Dieu ne pratique ni l’une ni
l’autre. L’homme est-il donc plus noble et meilleur que
le Tout-Aimant ?

526 — S’apercevoir que sauver de la souffrance le
corps ou le mental d’un homme n’est pas
toujours pour le bien de l’âme ni du mental ni du
corps, est l’une des expériences les plus amères pour
celui qui est humainement compatissant.

527 — La pitié humaine est issue de l’ignorance et de
la faiblesse, elle est l’esclave des impressions
sentimentales. La compassion divine comprend,
discerne et sauve.

528 — La pitié est parfois un bon substitut de l’amour,
mais ce n’est jamais rien de plus qu’un
substitut.

529 — La pitié de soi naît toujours de l’amour de soi ;
mais la pitié des autres ne naît pas toujours de
l’amour de son objet. C’est parfois un regard sur soi
qui recule à la vue de la douleur, et parfois l’aumône
dédaigneuse de l’homme riche pour le pauvre. Cultive
la compassion divine de Dieu plutôt que la pitié
humaine.

530 — Non pas la pitié qui pince le cœur et amollit la
substance intérieure, mais une compassion et
une charité divines, puissantes, sans trouble, telle est
la vertu que nous devons encourager.

531 — Aime et sers les hommes, mais prends garde de
ne pas désirer leur approbation. Obéis plutôt à
Dieu au-dedans de toi.

532 — Ne pas avoir entendu la voix de Dieu et de Ses
anges, c’est ce que le monde appelle avoir le
jugement sain.

533 — Vois Dieu partout et ne te laisse pas effrayer
par des masques. Crois que tout mensonge est
une vérité en construction ou une vérité en démolition ;
tout échec, une efficacité dissimulée ; toute faiblesse,
une force qui se cache à sa propre vue ; toute douleur,
une extase secrète et violente. Si tu le crois fermement
et inlassablement, à la fin tu verras le Tout-Vrai, le
Tout-Puissant et le Tout-Heureux et tu en auras
l’expérience.

534 — L’amour humain s’éteint par sa propre extase ;
la force humaine s’épuise par son propre effort ;
la connaissance humaine jette une ombre qui cache de
sa propre lumière solaire la moitié du globe de la
vérité ; mais la connaissance divine embrasse les vérités
opposées et les réconcilie, la force divine croît par la
prodigalité de sa propre dépense, l’amour divin peut
se dissiper complètement sans être jamais perdu ni
diminué.

535 — Le rejet du mensonge par le mental en quête de
la vérité absolue est l’une des causes principales de
son incapacité à atteindre à la vérité stable, ronde et
parfaite ; l’effort du mental divin n’est pas d’échapper
au mensonge, mais de saisir la vérité qui s’est masquée
derrière l’erreur, même la plus grotesque et la plus
divagante.

536 — La complète vérité sur un sujet quelconque est
un globe rond et contenant tout, qui tourne à jamais
autour du seul sujet et du seul objet de la connaissance
— Dieu — mais ne le touche jamais.

537 — Il est bien des vérités profondes qui sont comme
des armes dangereuses pour celui qui les manie sans
expérience. Maniées correctement, elles sont les plus
précieuses et les plus puissantes dans l’arsenal de
Dieu.

538 — La tenace obstination avec laquelle nous nous
accrochons à notre existence individuelle, mince, fragmentaire,
assaillie par la nuit et la douleur, alors que
la béatitude inviolable de notre vie universelle nous
appelle, est l’un des plus étonnants mystères de Dieu.
Il n’a d’égal que l’aveuglement infini avec lequel nous
projetons l’ombre de notre ego sur le monde entier et
appelons cela l’être universel. Ces deux obscurités
sont l’essence même et le pouvoir de Mâyâ.

539 — L’athéisme est l’ombre ou le côté sombre de la
suprême perception de Dieu. Chaque formule que
nous concevons de Dieu, bien que toujours vraie en
tant que symbole, devient fausse quand nous
l’acceptons comme une formule suffisante. L’athée et
l’agnostique sont là pour nous rappeler notre erreur.

540 — Les négations de Dieu sont aussi utiles pour
nous que Ses affirmations. C’est Lui qui, en tant
qu’athée, nie Sa propre existence pour perfectionner
la connaissance humaine. Il ne suffit pas de voir Dieu
dans le Christ et dans Râmakrishna ni d’entendre Ses
paroles ; nous devons aussi Le voir et L’entendre dans
Huxley et dans Haeckel.

541 — Peux-tu voir Dieu dans celui qui te torture et te
tue, à l’instant même de ta mort ou à l’heure de
ta torture ? Peux-tu Le voir dans ce que tu es en train
de tuer — voir et aimer même pendant que tu tues ?
Tu as posé ta main sur la connaissance suprême.
Comment peut-il atteindre Krishna celui qui n’a
jamais adoré Kâlî ?

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