Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo SRI AUROBINDO - YOGA INTEGRAL: avril 2015

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

Maîtriser l’impulsion sexuelle


Il n'est pas d'erreur plus périlleuse que d'accepter l'intrusion du désir sexuel et sa satisfaction subtile sous une forme quelconque et de considérer qu'ils font partie de la sâdhanâ. Ce serait le moyen le plus efficace d'aller droit à une chute spirituelle et de précipiter dans l'atmosphère des forces qui bloqueraient la descente supramentale en faisant descendre à sa place des puissances vitales adverses semant le trouble et le désastre. Il faut absolument rejeter cette déviation si elle essaie de se produire et l'extirper de la conscience afin que la Vérité puisse se manifester et l'œuvre s'accomplir.
«C'est aussi une erreur de s'imaginer qu'il suffise de rejeter physiquement l'acte sexuel, et que son imitation intérieure fasse partie de la transformation du centre sexuel. L'action de l'énergie sexuelle dans la Nature est un mécanisme à certaines fins particulières dans l'économie de la création matérielle ignorante. Mais l'excitation vitale qui l'accompagne produit une vibration dans l'atmosphère créant une occasion des plus favorables à l'irruption des forces et des êtres vitaux dont la seule occupation précisément est d'empêcher la descente de la lumière supramentale. Le plaisir qui s'y associe est une dégradation de l'ananda divin, non sa vraie forme. Le vrai ànanda divin dans le physique a une qualité, une substance, un mouvement différents; essentiellement existant en soi, sa manifestation ne dépend que d'une union intérieure avec le Divin. Vous parlez de l'Amour divin, mais l'Amour divin quand il touche le physique, n'éveille pas les grossières tendances du vital inférieur; s'y complaire ne ferait que le repousser et le ferait fuir à nouveau sur les hauteurs d'où il est déjà si difficile de l'attirer dans l'épaisseur de la création matérielle que lui seul peut transformer. Cherchez l'Amour divin par la seule porte qu'il consente à franchir: la porte de l'être psychique, et rejetez l'erreur du vital inférieur.
Sri Aurobindo, Lettre sur Yoga



 (À propos d’une lettre de Sri Aurobindo interdisant formellement les relations sexuelles parmi les disciples. Mère a fait imprimer cette lettre à quelques milliers d’exemplaires avec le titre suivant: «Conditions pour vivre à l’Ashram et devenir un disciple.»)
«... Il faut maîtriser l’impulsion sexuelle, devenir à tel point le maître du centre sexuel que l’énergie sexuelle soit tirée vers le haut au lieu d’être projetée au-dehors et gaspillée; c’est ainsi que la force séminale (rétas) peut se changer en l’énergie physique fondamentale (ojas) qui sert de support à toutes les autres. Aucune erreur n’est plus périlleuse que d’accepter l’intrusion du désir sexuel ou quelque satisfaction subtile du désir et de considérer cela comme faisant partie de la sâdhanâ. Ce serait le meilleur moyen d’aller tout droit à la chute spirituelle et de précipiter dans l’atmosphère les forces qui bloquent la descente supramentale, et inviter au contraire une descente de pouvoirs vitaux adverses pour semer le désordre et le désastre. Cette déviation doit être absolument rejetée si elle tente de se produire et elle doit être extirpée de la conscience si la Vérité doit descendre et le travail se faire.»

Sri Aurobindo
Lettres sur le Yoga, XXIV.1507

L'importance du corps

  «L'importance du corps est évidente: c'est parce que l'homme a développé ou a reçu un corps et un cerveau capables de recevoir et de servir une illumination mentale progressive qu'il s'est élevé au-dessus de l'animal. De même, c'est seulement en développant un corps, ou du moins un fonctionnement de l'instrument physique, capable de recevoir et de servir une illumination plus haute encore qu'il pourra s'élever au-dessus de lui-même et réaliser, non seulement dans sa pensée et dans son être intérieur mais dans la vie, une humanité parfaitement divine. Sinon, ou bien la promesse de la Vie est révoquée, son sens est annulé et les êtres terrestres n'ont qu'à réaliser le Satchidananda en s'abolissant eux-mêmes, se dépouillant du mental, de la vie et du corps, et en retournant au pur Infini, ou bien l'homme n'est pas l'instrument divin, il y a une limite prédestinée au pouvoir de progrès conscient qui le distingue de toutes les autres créatures terrestres, et, de même qu'il les a remplacées à la tête de l'évolution, de même il doit être remplacé finalement par une autre créature qui assumera son héritage.» (La Vie Divine)
The importance of the body is obvious; it is because he has developed or been given a body and brain capable of receiving and serving a progressive mental illumination that man has risen above the animal Equally, it can only be by developing a body or at least a functioning of the physical instrument capable of receiving and serving a still higher illumination that he will rise above himself and realise, not merely in thought and in his internal being but in life, a perfectly divine manhood. Otherwise either the promise of Life is cancelled, its meaning annulled and earthly being can only realise Sachchidananda by abolishing itself, by shedding from it mind, life and body and returning to the pure Infinite, or else man is not the divine instrument, there is a destined limit to the consciously progressive power which distinguishes him from all other terrestrial existences and as he has replaced them in the front of things, so another must eventually replace him and assume his , heritage.
Sri Aurobindo, The Life Divine, XVIII, 231)
 

La vraie place de l'argent et de la richesse matérielle



L'argent est le signe visible d'une force universelle qui, dans sa manifestation sur la terre, travaille dans les plans vital et physique et qui est indispensable à la plénitude de la vie extérieure. Dans son origine et son action vraie, elle appartient au Divin. Mais, comme les autres puissances du Divin, elle est déléguée ici-bas et, dans l'ignorance de la Nature inférieure, elle peut être usurpée pour les satisfactions de l'ego ou détenue par des influences asuriques et détournée à leurs fins. Elle est vraiment l'une des trois forces — le pouvoir, l'argent, le sexe — qui ont la plus forte attraction sur l'ego humain et sur l'asura et qui sont le plus généralement mal possédées et mal employées par ceux qui les détiennent. Les chercheurs et les détenteurs de la richesse sont plus souvent possédés par elle que ses possesseurs ; bien peu échappent entièrement à une certaine influence déformante qui a été imposée à cette richesse par sa longue capture et perversion par l'asura. Pour cette raison, la plupart des disciplines spirituelles insistent sur le complet contrôle de soi, le détachement et le renoncement à tout lien de la richesse et à tout désir personnel et égoïste de la posséder. Quelques-unes placent même un interdit sur l'argent et la richesse et déclarent qu'une vie pauvre et nue est la seule condition spirituelle. Mais ceci est une erreur qui laisse le pouvoir aux mains des forces hostiles. Reconquérir l'argent pour le Divin à qui il appartient et l'utiliser divinement pour la vie divine, telle est la voie supramentale pour le sâdhak.



Il ne faut ni vous détourner avec un recul ascétique du pouvoir de l'argent, des moyens qu'il vous donne et des objets qu'il vous apporte, ni entretenir un attachement rajasique pour ces choses ou un esprit de complaisance qui rend esclave des satisfactions qu'elles donnent. Regardez les richesses simplement comme une puissance qui doit être reconquise pour la Mère divine et placée à son service.



Toutes les richesses appartiennent au Divin et ceux qui les détiennent en sont les dépositaires et non les possesseurs. Elles sont avec eux aujourd'hui : demain elles peuvent être ailleurs. Tout dépend de la manière dont ils s'acquittent de leur charge tant qu'elle leur est confiée, et dans quel esprit ils le font, avec quelle conscience dans leur façon de s'en servir et pour quelles fins.

Dans votre usage personnel de l'argent, regardez tout ce que vous avez, gagnez ou apportez comme appartenant à la Mère divine. Ne lui demandez rien, mais recevez ce qui vous vient d'elle et utilisez-le pour les fins mêmes pour lesquelles cela vous est donné. Soyez entièrement désintéressé, entièrement scrupu­leux, exact, soigneux dans les détails : un bon gardien. Souvenez-vous toujours que ce sont les possessions de la Mère divine et non les vôtres que vous administrez. D'autre part, tout ce que vous recevez pour elle, placez-le religieusement devant elle : n'utilisez rien pour vous ni pour une autre personne.



N'ayez pas de respect pour un homme parce qu'il est riche et ne vous laissez pas impressionner par l'ostentation, le pouvoir ou l'influence. Quand vous demandez pour la Mère, vous devez sentir que c'est elle qui demande à travers vous très peu de ce qui lui appartient et que l'homme à qui vous demandez sera jugé par sa réponse.



Si vous êtes libre de la souillure de l'argent, mais sans aucun recul ascétique, vous aurez un plus grand contrôle sur l'argent. L'égalité d'âme, l'absence d'exigence et la dédication complète à la Shakti divine et à son œuvre de tout ce que vous avez et recevez et aussi

de votre pouvoir d'acquisition sont les signes de cette liberté. Tout trouble en ce qui concerne l'argent et son usage, toute exigence, tout regret est un indice sûr d'une imperfection ou d'un attachement quelconque.

En cette manière le sâdhak idéal est celui qui peut, si cela est nécessaire, vivre pauvrement sans qu'au­cun sens de manque ne l'affecte ni n'intervienne dans la plénitude du jeu intérieur de la Conscience divine : et s'il est nécessaire qu'il vive richement, il peut le faire aussi sans jamais, à aucun moment, se laisser tomber dans le désir ou l'attachement pour sa richesse ou pour les choses dont il se sert, ni dans la servitude de la satisfaction de ses propres plaisirs, ni dans un lien de faiblesse pour les habitudes créées par la possession des richesses. La Volonté divine et l'Ananda divin sont tout pour lui.



Dans la création supramentale, il faut que la force de l'argent soit restituée à la Puissance divine et qu'elle soit employée pour l'ordonnance et l'équipe­ment vrais, beaux et harmonieux d'une existence vitale et physique nouvelle et divinisée, et cela, de la manière, quelle qu'elle soit, que la Mère divine décidera dans sa vision créatrice. Mais d'abord il faut que la force de l'argent soit reconquise pour elle et ceux-là seront les plus forts pour cette conquête, qui sont, en cette partie de leur nature, fermes, vastes. libres de l'ego et consacrés sans aucune revendication, rétention ni hésitation, de purs et puissants canaux pour la Puissance suprême.


 Sri Aurobindo, La Mère, IV

Vers la lumière d'un idéal plus grand


La seule sécurité pour l'homme est d'apprendre à vivre du dedans vers le dehors; il ne doit pas dépendre des institutions et des mécanismes pour se perfectionner mais employer sa croissante perfection intérieure à façonner une forme de vie et un cadre plus parfaits; par cette intériorité, nous pourrons non seulement voir mieux la vérité des choses supérieures, dont maintenant nous parlons des lèvres seulement et faisons des constructions intellectuelles extérieures, mais nous pourrons aussi appliquer sincèrement leur vérité à toute notre existence extérieure. Si nous devons fonder le royaume de Dieu dans l'humanité, d'abord il nous faut connaître Dieu, voir et vivre en nous-mêmes la vérité divine de notre être; autrement, comment de nouvelles manipulations de la raison et des systèmes scientifiques de rendement, qui ont échoué dans le passé, pourraient-ils y prétendre? Il y a abondance de signes montrant que les vieilles erreurs continuent et que seule une minorité de guides – des guides en lumière, peut-être, mais pas encore en action – s'efforce de voir plus clairement, plus intérieurement et plus vraiment; c'est pourquoi nous devons nous attendre, pour le moment, au dernier crépuscule qui sépare l'âge mourant de l'âge qui doit naître, plutôt qu'à l'aurore véritable. Puisque le mental de l'homme n'est pas encore prêt, le vieil esprit et les vieilles méthodes peuvent encore être puissants pendant quelque temps et sembler momentanément prospérer, mais l'avenir appartient aux hommes et aux nations qui les premiers verront les dieux du matin au-delà du faux éclat et des ténèbres et se prépareront à être les instruments appropriés du Pouvoir qui pousse vers la lumière d'un idéal plus grand.

Sri Aurobindo, Lettre

About the present civilisation, it is not this which has to be saved; it is the world that has to be saved and that will surely be done, though it may not be so easily or so soon as some wish or imagine or in the way that they imagine. The present must surely change, but whether by a destruction or a new construction on the basis of a greater Truth, is the issue. The Mother has left... (riant) this question hanging and I can only do the same.
 «Quant à la civilisation actuelle, ce n'est pas elle qu'il faut sauver: c'est le monde qu'il faut sauver, et il le sera sûrement, quoique ce ne sera peut-être pas aussi facile ni aussi vite que certains l'imaginent ou le souhaitent, ni de la manière dont ils l'imaginent. Le présent doit sûrement changer, mais sera-ce par la destruction ou par une construction nouvelle sur la base d'une Vérité plus grande, telle est la question. La Mère a laissé... (riant) la question en suspens et je puis seulement faire de même.»
To bring the Divine Love and Beauty and Ananda into the world is, indeed, the whole crown and essence of our yoga. But it has always seemed to me impossible unless there comes as its support and foundation and guard the Divine Truth what I call the supramental and its Divine Power...
 «Amener dans le monde l'Amour, la Beauté et l'Ananda divins est certainement l'essence de notre yoga et son couronnement. Mais il m'a toujours semblé que c'était impossible à moins que la Vérité divine – ce que j'appelle le Supramental – et son Pouvoir divin ne viennent leur donner un appui, une assise et les protéger...»
 ...But it has always seemed to me impossible unless there comes as its support and foundation and guard the Divine Truth what I call the supramental and its Divine Power. Otherwise Love itself blinded by the confusions of this present consciousness may stumble in its human receptacles and, even otherwise, may find itself unrecognised, rejected or rapidly degenerating and lost in the frailty of man's inferior nature. But when it comes in the divine truth and power, Divine Love descends first as something transcendent and universal and out of that transcendence and universality it applies itself to persons according to the Divine Truth and Will, creating a vaster, greater, purer personal love than any the human mind or heart can now imagine. It is when one has felt this descent that one can be really an instrument for the birth and action of the Divine Love in the world.
 «... Sinon, aveuglé lui-même par les confusions de la conscience actuelle, l'Amour peut s'égarer dans ses réceptacles humains ou, même sans cela, il se peut qu'il ne soit pas reconnu et qu'on le rejette, ou qu'il dégénère rapidement et soit perdu dans la fragilité de la nature inférieure humaine. Mais quand l'Amour divin arrive avec la Vérité et le Pouvoir divins, il descend d'abord sous une forme transcendante et universelle, puis, de cette transcendance et de cette universalité, il choisit les personnes suivant la Vérité et la Volonté divines, créant un amour personnel plus vaste, plus grand, plus pur que le mental ou le coeur humain ne peuvent maintenant l'imaginer. C'est seulement quand on a eu l'expérience de cette descente, que l'on peut réellement être un instrument de la naissance et de l'action de l'Amour divin dans le monde.» (Lettres indédites)

L'évolution gnostique de l'Esprit avec la Matière



SRI AUROBINDO, LA VIE DIVINE
Part II La connaissance et l'évolution spirituelle
Chp XXVII L'être gnostique.
p.188-196 

Le pouvoir de la conscience spirituelle fera du corps un instrument de l'esprit qui sera vrai, capable, et réagira parfaitement.
  Ce nouveau rapport entre l'esprit et le corps suppose et permet une libre acceptation de toute la Nature matérielle au lieu d'un rejet. Il n'est plus obligatoire de s'écarter de cette Nature et de refuser toute identification ou acceptation, ce qui est la première nécessité normale de la conscience spirituelle qui se libère. Cesser de s'identifier avec le corps, se séparer de la conscience corporelle, est une mesure reconnue nécessaire pour avancer soit vers la libération spirituelle. soit vers la perfection spirituelle et la domination sur la Nature. Cette rédemption une fois obtenue, la descente de la lumière et de la force spirituelles peut envahir aussi le corps, s'en emparer, et il peut y avoir une nouvelle acceptation, libérée et souveraine, de la Nature matérielle. Cela n'est possible, il est vrai, que s'il y a un changement dans la communion de l'Esprit avec la Matière, une maîtrise, un renversement de l'équilibre actuel d'interaction qui permet à la Nature physique de voiler l'Esprit et d'affirmer sa propre domination. A la lumière d'une plus vaste connaissance, on peut voir que la Matière est, elle aussi, le Brahman, énergie de soi émanée par le Brahman, une forme et une substance du Brahman. Éveillées à cette conscience secrète dans la substance matérielle, assurées dans cette connaissance plus vaste, la lumière et la puissance gnostiques peuvent s'unir avec la Matière ainsi vue et l'accepter comme instrument d'une manifestation spirituelle. Il est même possible d'avoir un certain respect pour la Matière et une attitude sacramentelle dans tous lest rapports que l'on a avec elle. De même que la Gîta décrit l'acte de prendre nourriture comme un sacrement matériel, un sacrifice, une offrande de Brahman faite à Brahman par Brahman, la conscience et le sens gnostiques peuvent envisager de même toutes les opérations de l'Esprit avec la Matière.

    L'Esprit s'est fait Matière afin de s'y donner en instrument, yogakshema, pour le bien-être et la joie des êtres créés, polir une offrande de soi d'utilité et de service physiques universels. L'être gnostique, utilisant la Matière, mais sans attachement ni désir matériel ou vital, sentira qu'il emploie Esprit en cette forme avec son consentement et sa sanction pour ses propres fins. Il y aura en lui un certain respect pour les choses physiques, un éveil à la conscience occulte qui est en elles, à leur volonté muette d'utilité et de service, il rendra un culte au Divin, au Brahman dans ce qu'il emploie, il prendra soin d'utiliser parfaitement et sans faute ce matériel divin pour un rythme vrai, une harmonie ordonnée, la beauté dans la vie de la Matière et dans l'utilisation de la Matière.
    Comme conséquence de cette relation nouvelle entre l’Esprit et le corps, l'évolution gnostique réalisera la spiritualisation, la perfection et la plénitude de l'être physique ; elle fera pour le corps ce qu'elle fait pour le mental et pour la vie. Débarrassée de l'obscurité, des débilités et des limitations dont cette transformation triomphera, la conscience corporelle est un serviteur patient et, par sa vaste réserve de possibilités, peut être un instrument puissant de la vie individuelle, et elle ne demande que peu de chose pour elle-même : ce qu'elle implore, c'est la dureté, la santé, la force, la perfection physique, le bonheur corporel, la libération de la souffrance, le bien-être. En elles-mêmes ces exigences  ne sont pas inacceptables, mesquines ou illégitimes, car elles rendent en termes de Matière la perfection de la forme et de la substance, le pouvoir et la félicité qui devraient être l'épanchement naturel, la manifestation expansive de l'Esprit. Lorsque la force gnostique peut agir dans le corps, ces choses peuvent être établies; en effet, leurs opposés résultent d'une pression exercée par les forces extérieures sur le mental physique, sur la vie nerveuse et matérielle, sur l'organisme corporel, d'une ignorance qui ne sait pas comment faire face à ces forces ou n'est pas capable de le faire comme il convient et avec puissance, et aussi de quelque obscurité qui imprègne la substance de la conscience physique et en fausse les réactions, qui réagit à ces forces de façon inadéquate.
  Une conscience et connaissance supramentale qui agit d'elle-même et se réalise elle-même, lorsqu'elle remplacera cette ignorance, libérera dans le corps let instincts intuitifs obscurcis et gâtés, les illuminera et leur ajoutera une action consciente plus grande. Cette transformation instituerait et maintiendrait une juste perception physique des choses, un juste rapport et une juste réaction aux objets et aux énergies, un rythme juste du mental, des nerfs et de l'organisme. Elle amènerait, dans le corps, une puissance spirituelle plus haute, une force de vie plus grande unifiée avec la force de vie universelle et capable d'y puiser, une harmonie lumineuse avec la Nature matérielle, et le contact vaste et calme du repos éternel qui peut lui donner sa force et sa facilité plus divine. Et par dessus tout — car c'est la transformation la plus nécessaire et fondamentale — elle inonderait l'être tout entier d'une énergie suprême de Conscience-Force qui ferait face aux formes d'existence entourant et opprimant le corps, les assimilerait et les harmoniserait avec elle-même.
    La douleur et la souffrance sont causées par l'imperfection et la faiblesse de la Force de Conscience qui se manifeste dans l'être mental, vital et physique, par son incapacité à recevoir ou à refuser à volonté ou, si elle reçoit, à assimiler et à harmoniser les contacts qui lui sont imposés avec l’Énergie universelle. Dans le domaine matériel, la Nature commence par une entière insensibilité. Il faut observer que, dans les débuts de la vie, chez l'animal, chez l'homme primitif ou peu développé, on trouve soit une sensibilité relative ou une sensibilité déficiente, soit, plus souvent encore, une plus grande endurance et une plus grande résistance à la souffrance. A mesure que l'être humain progresse dans l'évolution, il progresse aussi en sensibilité et souffre davantage dans son mental, sa vie et son corps. En effet, la croissance en conscience n'est pas suffisamment appuyée par une croissance en force; le corps devient plus subtil et plus raffiné dans son action, mais moins solidement efficace dans sont énergie extérieure ; l'homme doit faire intervenir sa volonté et sa puissance mentale pour dynamiser, corriger et maîtriser son être nerveux, pour le contraindre aux tâches ardues qu'il exige de ses instruments, pour le cuirasser contre la souffrance et le désastre.
    Ce pouvoir de la conscience et de sa volonté sur les instruments, cette maîtrise de l'esprit et du mental intérieur sur la mentalité extérieure, l'être nerveux et le corps, se développent immensément dans la montée spirituelle. Une tranquille et vaste équanimité à tout choc et tout contact s'établit et devient l'attitude habituelle, et cela peut passer du mental aux parties vitales et installer, là aussi, une vastitude immense et durable de force et de paix même dans le corps, cet état peut se constituer et faire intérieurement face aux chocs du chagrin, de la douleur et de toutes sortes de souffrances. Il peut même intervenir un pouvoir d'insensibilité physique voulue; on petit aussi acquérir un pouvoir de séparation mentale d'avec tous les chocs et toutes les blessures, et ce pouvoir montre que les réactions habituelles et la soumission par faiblesse du moi corporel aux réactions habituelles normales de la Nature matérielle ne sont ni obligatoires, ni inchangeables. Ce qui est encore plus significatif, c'est le pouvoir qui vient sur le plan du mental spirituel on du Surmental pour transformer les vibrations de douleur en vibrations d'Ananda. Même si cela ne pouvait se réaliser que jusqu'à un certain point, cela indiquerait la possibilité de renverser complètement la règle habituelle des réactions de la conscience. Ce pouvoir peut aussi s'associer avec un pouvoir d'autoprotection écartant les chocs qu'il serait plus difficile de supporter ou
de transmuer.

  A un certain stade, l'évolution gnostique doit amener l'achèvement de ce renversement et de ce pouvoir d'autoprotection qui, ainsi, donnera au corps ce qu'il exige : immunité et sérénité de son être et libération de la souffrance, et qui y édifiera une faculté d'éprouver le total délice de l'existence. Un Ananda spirituel peut se déverser dans le corps, inonder les cellules et les tissus ; une matérialisation lumineuse de cet Ananda supérieur pourrait à elle seule provoquer une, transformation totale des sensibilités déficientes ou adverses de la Nature physique.

  Dans toute la structure de notre être existe secrètement une aspiration au délice suprême et total de l'existence et une exigence correspondante, mais elle y est masquée par la séparation entre les différentes parties de notre nature et leurs impulsions, divergentes, elle y est obscurcie par leur incapacité à concevoir ou saisir plus qu'un plaisir superficiel. Dans la conscience corporelle, cette exigence prend la forme d'un besoin de bonheur corporel dans nos parties vitales, c'est une soif de bonheur vital, d'une réaction intense et vibrante aux joies et aux ravissements de toutes sortes et à toutes surprises de satisfaction; dans le mental, elle prend la forme d'une réceptivité spontanée à toutes formes de délice mental ; sur un niveau plus élevé, elle apparaît dans l'aspiration du mental spirituel à la paix et à l'extase divine.

  Cette tendance est fondée sur la vérité de l'être, car l'Ananda est l'essence même du Brahman, c'est la nature suprême de l'omniprésente Réalité. Le Supramental lui-même émerge de l'Ananda dans les degrés descendants de la manifestation et se fond en l'Ananda dans la montée évolutive. Il ne s'y fond pas, il est vrai, par extinction ou abolition, mais il y est inhérent, indistinguible du Moi conscient, de la Béatitude de l' Être et de sa force de réalisation. Dans la descente involutive comme dans le retour évolutif, le Supramental est soutenu par le Délice originel de l'Existence et le porte en lui dans toutes les activités dont il est l'essence et le soutien. On peut dire que la Conscience en est le pouvoir géniteur dans l'Esprit, mais que l'Ananda est la matrice spirituelle à partir de laquelle il se manifeste, ainsi que la source et le soutien dans lequel il ramène l'âme lorsque celle-ci retourne au Statut de 1'Esprit. Dans son ascension, une manifestation supramentale aurait pour suite immédiate et pour point culminant de son développement une manifestation de la Béatitude du Brahman ; l'évolution de l'être de gnose serait suivie par une évolution de l'être de béatitude; une incarnation de l'existence gnostique aurait pour conséquence une incarnation de l'existence béatifique. Dans l'être de gnose, dans la vie de la gnose, il y aurait toujours quelque pouvoir de l'Ananda comme signification inséparable de la supramentale expérience de soi et imprégnant toute cette expérience.
  Lorsque l'âme se libère de l'Ignorance, son premier fondement est formé par la paix, le calme, le silence et la quiétude de l'Eternel et Infini, mais un pouvoir consommé et une formation plus vaste de l'ascension spirituelle élève cette paix de la libération en la béatitude d'une expérience et d'une réalisation parfaites de la béatitude éternelle, la béatitude de l'Éternel et Infini. Cet Ananda serait inhérent dans la conscience gnostique en tant que délice universel, et il croîtrait avec l'évolution de la nature gnostique.
  On a prétendu que l'extase est un passage inférieur et transitoire et que la paix du Suprême est la réalisation suprême, l'expérience permanente consommée. Cela peut être vrai sur le plan du mental spirituel, où la première extase éprouvée est bien un ravissement spirituel, mais peut être — et est très fréquemment — mélangée avec un suprême bonheur des parties vitales dont s'empare l'esprit. Il y a une exaltation, une exultation, une excitation, une intensité suprême dans la joie du cœur et la pure sensation intérieure de l'âme qui peuvent être un passage magnifique ou une force élévatrice, mais ne sont pas l'ultime fondement permanent.

  Dans les ascensions les plus hautes de la béatitude spirituelle, cependant, il n'y a pas cette exaltation et cette excitation véhémentes; elles y sont remplacées par une intensité inimitable de participation à une extase éternelle qui repose sur l'Existence éternelle et, par conséquent, sur une tranquillité béatifique de paix éternelle. Paix et extase cessent d'être différentes et ne font plus qu'un. Le Supramental qui concilie et fond toutes les différences comme toutes les contradictions fait apparaître cette unité. Un calme vaste et un délice profond de la toute existence figurent parmi les premiers pas de la réalisation de soi supramentale, mais ce calme et ce délice s'élèvent ensemble, comme un même état, en une intensité croissante et culminent dans l'éternelle extase, dans la béatitude qui est l' Infini. Dans la conscience gnostique à tous les degrés. il y aura toujours, dans quelque mesure, ce délice conscient fondamental et spirituel de l'existence dans toute la profondeur de l'être, mais tous les mouvements de la Nature en seront imprégnés, ainsi que toutes les actions et réactions de la vie et du corps ; aucun ne peut se soustraire à la loi de l'Ananda.
  Avant même la transformation gnostique, il peut y avoir un commencement de cette extase fondamentale de l'être qui se traduise en une beauté et un délice multiples. Dans le mental, il se traduit par le délice calme et intense de perception, de vision et de connaissance spirituelles ; dans le cœur, il se traduit par un délice vaste ou profond ou passionné d'union, d'amour et de sympathie universels et dans la joie des êtres et la joie des choses. Dans la volonté et les parties vitales, il petit être ressenti comme l'énergie de délice d'une divine puissance vitale en action ou comme une béatitude des sens qui perçoivent et trouvent l'Un partout, percevant comme leur aesthesis normale des choses une beauté universelle et une harmonie secrète de la création, dont notre mental ne peut saisir que des aperçus imparfaits ou une rare sensation supranormale. Dans le corps, il se révèle comme une extase qui se déverse en lui des sommets de l'esprit, comme la paix et la béatitude d'une existence physique pure et spiritualisée. Une beauté et une gloire universelles de l'être commencent à se manifester ; tous les objets révèlent des lignes, de vibrations, des pouvoirs, des significations harmoniques cachés que le mental normal et les sens physiques normaux ne voient pas. Dans le phénomène universel se révèle l'Ananda éternel.
  Tels sont les premiers résultats majeurs de la transformation spirituelle qui suit comme une conséquence nécessaire de la nature du Supramental. Mais s'il doit y avoir non seulement une perfection de l'existence intérieure, de la conscience, d'un délice intérieur de l'existence, mais aussi une perfection de la vie et de l'action, il se pose, de notre point de vue mental, deux autres questions qui ont une importance considérable et même primordiale pour nos concepts humains sur notre vie et ses dynamismes. En premier lieu, quelle place aura l'être gnostique? 





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