Le rejet du désir consiste
essentiellement à rejeter l'élément de convoitise en
l'expulsant de la conscience elle-même comme un élément étranger qui n'appartient pas au vrai
moi ni à la nature intérieure. Mais le refus
d'obéir aux suggestions du désir
fait aussi partie du rejet; s'abstenir de l'action suggérée
si elle n'est pas l'action juste, doit être inclus dans la discipline yoguique. C'est seulement quand le rejet est fait de la mauvaise manière, suivant un principe mental
ascétique ou un principe moral sévère, que l'on peut appeler cela
refoulement.
La différence entre le refoulement et
le rejet intérieur essentiel est la
même qu'entre une maîtrise mentale ou morale et
une purification spirituelle.
Quand on vit dans la vraie conscience, on sent les désirs hors de soi, venant du dehors, de la Prakriti universelle
inférieure, et entrant dans le mental ou dans le vital. Dans
la condition humaine ordinaire, on ne le sent pas; les hommes prennent conscience du désir seulement lorsqu'il
est là, quand il est entré et qu'il a
trouvé en eux un gîte ou un accueil
habituel, alors ils pensent qu'il est à eux et qu'il fait partie d'eux-mêmes. Par conséquent, la première
condition pour se débarrasser du désir
est d'acquérir la vraie conscience, car
alors il est beaucoup plus facile de le chasser que si l'on doit lutter contre lui comme s'il était une partie
constituante de soi-même qu'il fallait
rejeter hors de l'être. Il est plus aisé de se débarrasser d'une excroissance que d'amputer ce que l'on
sent comme un morceau de sa substance.
Quand l'être psychique est au premier
plan, il devient facile de se
libérer du désir, car l'être psychique n'a aucun désir en lui-même: il aspire seulement au Divin, le
recherche et l'aime ainsi que toutes les
choses qui appartiennent au Divin ou qui
tendent vers lui. La prééminence constante de l'être
psychique tend spontanément à faire émerger la vraie conscience et à rectifier presque automatiquement les mouvements
de la nature."
Sri Aurobindo, Lettres sur le Yoga V, p. 366-367