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Âme, mon âme


Âme, mon âme, reprends ton essor par-delà les confins de la vie —
loin, loin du tumulte, brûle dans des cieux paisibles,
traverse les brillantes sphères du mental, sans un murmure, voyante, immaculée ; les pensées voguent vers la terre comme navires chargés de balles de lumière,
les formes de la vérité, robes tissées par les Voyants avec les fils de l'esprit,
venant de havres spacieux survolant des galions lumineux...
les divins échanges et marchandises de la Sagesse vêtue d'or ;
mais ne t'arrête point là, vole loin par-delà l'Espace et le Temps
où ta vraie demeure, immobile et vaste, silencieuse
attend la venue de tes pas ; trônant face à l'infinité
dépouillée dé toute pensée, vidée du monde, unis-toi au silence.
 Seule, cri paix, impassible, (J'en haut tu contempleras
empires et hiérarchies, divinités et puissances,
titans, démons et hommes, chacun en son rôle cosmique:
barrai eux tous au centre vivant des forces tourbillonnantes,
le Destin, sous tes pieds, tournant les roues du Temps,
tu verras la Loi du Monde tracée en ses codes sublimes,
mais toi-même demeureras hors toute loi, éternelle, libre.

  Sri Aurobindo, Poèmes, 1940-1950

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