L'idée fondamentale peut s'énoncer ainsi : l'humanité est la
divinité que l'homme doit adorer et servir; le respect, le service, le progrès
de l'être humain et de la vie humaine sont le devoir principal et le but
principal de l'esprit humain. Nulle autre idole ne doit prendre sa place, ni la
nation, ni l'État, ni la famille, ni rien autre ; et ceux-ci ne sont dignes de
respect que dans la mesure où ils sont des images de l'esprit humain,
consacrant sa présence et aidant à sa manifestation. Mais lorsque le culte des
idoles cherche à usurper la place de l'esprit et montre des exigences
incompatibles avec son service, il doit être rejeté. Aucune injonction des
vieilles croyances, fussent-elles religieuses, politiques, sociales ou
culturelles n'est valable quand elle contredit les droits de l'esprit. La
science elle-même, bien qu'idole en chef moderne, ne doit pas être autorisée à
avoir des exigences contraires au tempérament éthique de l'esprit et à ses fins
morales, car la science n'a de valeur que dans la mesure où, par la
connaissance et le progrès, elle aide et sert la religion de l'humanité. La
guerre, la peine de mort, la destruction de la vie humaine, la cruauté sous toutes
ses formes, qu'elle soit commise par l'individu, l'État ou la société (et non
seulement la cruauté physique mais la cruauté morale, la dégradation de tout
être humain ou de toute classe d'êtres humains sous n'importe quel prétexte
spécieux ou dans n'importe quel intérêt), l'oppression et l'exploitation de
l'homme par l'homme, d'une classe par une autre, d'une nation par une autre, et
toutes les habitudes de vie, toutes les institutions sociales du même genre,
que la religion et la morale ont pu tolérer autrefois ou même favoriser en pratique,
quoi qu'elles en disent dans leurs règles ou leur credo idéal, sont
des crimes contre la religion de l'humanité. Abominables à sa pensée éthique,
interdits par ses principes primordiaux, ils doivent être toujours combattus
et, jamais, à aucun degré, tolérés. L'homme doit être sacré pour l'homme, indépendamment
de toute distinction de race, de croyance, de couleur, de nationalité, de
statut, de position politique ou sociale. Le corps de l'homme doit être
respecté, protégé de la violence et des outrages, fortifié par la science
contre la maladie et contre une mort évitable. La vie de l'homme doit être
tenue pour sacrée, garantie, fortifiée, ennoblie, exaltée. Le cœur de l'homme
doit être considéré comme sacré aussi ; il doit avoir le champ libre, être
protégé de toute profanation, tout étouffement, toute mécanisation et libéré
des influences amoindrissantes. Le mental de l'homme doit être délivré de
toute entrave ; il doit avoir la liberté, l'espace et des facilités, recevoir
tous les moyens d'éducation et de développement, et organiser le jeu de ses
pouvoirs au service de l'humanité. Et en outre, tout ceci ne doit pas être
considéré comme un pieux sentiment ni comme une abstraction, mais être
pratiquement et pleinement reconnu en la personne des hommes, des nations et du
genre humain. Tel est, dans ses grandes lignes, l'idée ou l'esprit de la
religion intellectuelle de l'humanité.
Sri Aurobindo, L’IDÉAL DE L’UNITÉ HUMAINE
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