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Se préparer à recevoir le Divin



Deux mouvements se suivent ici, deux périodes dans ce yoga, et une étape de transition entre les deux ; l'une est celle du processus de soumission, l'autre, son couronnement et sa con­séquence. Dans la première, l'individu se prépare à recevoir le Divin dans toutes les parties de son être. Pendant toute cette période, il doit encore travailler en se servant des instruments de la Nature inférieure, mais de plus en plus aidé d'en haut. Mais avec l'étape de transition qui termine ce mouvement, notre effort personnel et nécessairement ignorant se réduit de plus en plus et c'est une Nature plus haute qui agit ; la Shakti éternelle descend dans notre forme mortelle limitée et progressivement la possède et la transmue. Pendant la seconde période, le mouve­ment supérieur remplace entièrement l'action inférieure du dé­but, autrefois indispensable; mais ceci ne peut se faire que quand notre soumission est complète. L'ego personnel en nous, n'a pas le pouvoir de se transformer en la nature du Divin par sa propre force, sa propre volonté ou sa propre connaissance, ni par aucune vertu qui lui appartienne en propre; tout ce qu'il peut faire, c'est de se préparer à la transformation et faire de plus en plus sa soumission à cela qu'il s'efforce de devenir. Tant que l'ego opère en nous, notre action personnelle appartient et appartiendra nécessairement et naturellement aux degrés inférieurs de l'existence ; c'est une action obscure ou à demi éclairée dont le champ est limité et le pouvoir très partiellement efficace. Si une transformation spirituelle doit vraiment avoir lieu et non une simple modification illuminatrice de notre nature, il faut faire appel à la Shakti divine pour qu'elle effectue ce travail mira­culeux dans l'individu ; elle seule a la force nécessaire, décisive, pleine de sagesse, illimitée. Mais on ne peut pas entièrement et d'un seul coup remplacer l'action humaine personnelle par l'action divine. Toutes les interventions d'en bas qui pourraient falsifier la vérité de l'action supérieure, doivent tout d'abord être prohibées ou réduites à l'impuissance, et ceci doit se faire par notre libre choix personnel. Un rejet continuel et constamment répété des impulsions et des mensonges de la nature inférieure est exigé de nous et un soutien persistant de la Vérité à mesure qu'elle croît dans les différentes parties de notre être; car, pour que la Lumière, la Pureté et le Pouvoir qui entrent en nous et nous forment, puissent s'établir progressivement dans notre na­ture, subsister et se développer jusqu'à leur perfection finale, il faut que nous les acceptions librement et que nous rejetions avec obstination tout ce qui est contraire, inférieur ou incompatible.
Pendant le premier mouvement de préparation, ou période d'effort personnel, la méthode à employer est cette concentra­tion de tout l'être sur le' Divin que nous cherchons, et, par conséquent, un rejet constant, une expurgation, katharsis, de tout ce qui n'est pas la vraie Vérité du Divin. Le résultat de cette persistance est une consécration complète de tout ce que nous sommes, pensons, sentons et faisons. À son tour, cette consé­cration doit culminer en un don de soi intégral au Suprême; car son couronnement, le signe qu'elle est complète, est la soumis­sion absolue de toute notre nature et de tout ce qu'elle contient.
Avec la seconde étape du yoga, ou transition de l'action humaine à l'action divine, viendront une passivité purifiée et vigilante de plus en plus grande, une réponse de plus en plus lumineuse et divine à la Force divine et à nulle autre, et, par suite, l'irruption grandissante d'une vaste action d'en haut, miraculeuse et consciente. Dans la dernière période, il n'y a plus aucun effort, aucune méthode établie, aucune sâdhanâ fixe : l'effort et la tapasyâ font place à l'éclosion spontanée, simple, puissante et joyeuse de la fleur du Divin sur le bourgeon d'une nature terrestre purifiée et perfectionnée. Tel est l'ordre de succession naturel dans l'action du yoga.
En fait, ces mouvements ne se suivent pas toujours dans un ordre absolument strict. La seconde étape commence en partie avant que la première soit achevée ; la première continue en partie jusqu'à ce que la seconde soit parfaite, et la dernière, l'étape de l'action divine, peut se manifester de temps en temps comme une promesse avant de s'établir définitivement et normalement dans notre nature. Mais toujours, même dans son labeur et dans son effort personnels, l'individu est dirigé par quelque chose de plus haut et de plus grand que lui-même. Souvent, il peut devenir et rester pleinement conscient pendant un certain temps de cette grande Direction derrière le voile, et même constamment conscient dans certaines parties de son être, et ceci peut se produire longtemps avant que toute sa nature dans toutes ses parties n'ait été purifiée de la direction inférieure indirecte. Il se peut même qu'il soit conscient dès le commencement ; son mental et son coeur, sinon les autres par­ties de son être, peuvent dès les premiers pas du yoga répondre avec une certaine totalité initiale à cette Direction saisissante et pénétrante. Mais l'action constante, complète et uniforme de la grande Direction directe est ce qui distingue de plus en plus l'étape de transition à mesure qu'elle avance et s'approche de la fin. La prédominance de cette Direction plus grande et plus divine qui ne nous est pas personnelle, indique que la nature est de plus en plus mûre pour une transformation spirituelle totale. C'est le signe indiscutable que la consécration a non seulement été acceptée en principe, mais qu'elle est un fait accompli en acte et en pouvoir. Le Suprême a posé sa main lumineuse sur un instrument humain choisi pour manifester sa Lumière, sa Puis­sance et sa Félicité miraculeuses.


 Sri Aurobindo,  
La Synthèse des yogas I -Le yoga des oeuvres, chp. II, La consécration de soi


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