Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo L'échelle de l'évolution II

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

L'échelle de l'évolution II

 

 [II]

Une série d'images et nombre d'indications ont été données hier par la chitra-drishti afin d'illustrer l'histoire des deux premiers Manwantaras & les vicissitudes au travers desquelles est passée l'idée humaine au cours de ces âges innombrables. Il n'est pas surprenant qu'il n'y ait aucune trace de ces vicissitudes dans les strates de la terre actuelle, car la terre actuelle n'est pas le sol de la planète tel qu'il était durant des premiers Manwantaras. Les érosions, soulèvements, convulsions et changements qu'elle a subis ne peuvent être évalués par les méthodes imaginatives & sommaires des géologues modernes, – hommes se pensant supérieurs & maîtres ès connaissance, mais qui ne sont que des bébés et des babillards dans leurs propres sciences. Il n'est pas utile à présent d'entrer dans la scène ou le lieu des péripéties & des populations montrés dans la drishti [vision]. Les faits suffisent.

    La première image était celle d'une jeune & belle femme fuyant, tenant deux enfants par la main, précédée d'un troisième enfant – mais qui n'était pas clairement visible – et suivie par un petit enfant, une fille avec un tissus à la main. Toutes du sexe féminin. Dans leur fuite elles renversent un jeune homme beau & bien habillé, qui lui aussi fuyait mais en travers de leur route – et qui est maintenant étendu sur le dos. Un sauvage âgé & barbu, nu & portant une sorte d'arme poursuit à quelque distance la femme & ses filles, et aurait vite rattrapé les fugitives n'eût été l'incident de la collision. La deuxième image montrait le jeune homme encore allongé, le sauvage au-dessus de lui le menaçant violemment de son arme, mais la bhava [l'atmosphère de la scène] indique que l'objectif du raid n'est pas de massacrer mais de faire des prisonniers & des esclaves. Le jeune homme est évidemment fait prisonnier par le poursuivant qui s'est détourné des femmes pour ce butin peut-être d'une valeur plus grande. La troisième image montre la petite fille de la première image capturée par un barbare jeune & beau qui a réussi à la consoler et à la calmer & l'a convaincue de le mener au refuge secret des fugitives. C'est par ce moyen – indique-t-on maintenant – qu'il est en mesure de découvrir leur refuge & de capturer toute cette colonie civilisée. Ce succès l'élève au rang de grand chef dans son peuple, car c'est son groupe d'attaquants qui a rendu la victoire vraiment profitable. La chitra-lipi « Indigènes » donnée maintenant montre que ces barbares sont les occupants originels de ce pays, les autres étant des colons & des conquérants. Le Vijnana suggère que les deux groupes – assaillants & assaillis – sont au stade Pashu & humains du premier ou deuxième Manu, mais le groupe civilisé a atteint un stade proche du Deva de type Gandharva, tandis que les sauvages sont une résurgence du type Asura Rakshasa des Pashus, ramené dans un âge plus avancé pour revigorer le type trop raffiné que le premier groupe était devenu. Le jeune chef de l'image est une sorte de César-Auguste ou d'Alaric des barbares. Il prend la tête de leur révolte, laquelle est tout d'abord un mouvement chaotique d'indignation (la lipi « indignation » alternait avec « indigènes »), l'organise, conquiert & asservit les Gandharvas, apprend d'eux leur civilisation et la modifie avec les coutumes barbares. La nouvelle race qui en est issue finalement domine le monde d'alors & fixe le type suivant de l'évolution Pashu.

    Mais que sont ces Pashus ? Car il ne s'agit pas ici du premier pratikalpa des Pashus, mais du sixième des Asuras, et il est indi­qué qu'aucune de ces visions n'appartient à un autre pratikalpa que l'actuel. Il s'ensuit que même ces sauvages ne peuvent être de purs Pashus, mais des Asuras ou des Asuras Rakshasas évo­luant à partir du stade Pashu – dans la mesure où l'Asura peut retourner à ce stade – et développant les potentialités d'une sorte d'Asura-Pashu avant de développer celle de sa nature d'Asura dans ses types les plus élevés, d'y parvenir & de s'élancer au-delà du pur Asura. Ceci est une modification importante. Elle signifie que chacun des types du Dashagavas traverse, dans le cadre du moule de son propre type, la totalité des dix gavas, du Pashu au Siddhadeva. Le Pashu-Asura sera différent du pur Pashu ou du Pashu-Deva, parce qu'il sera d'abord et avant tout de façon caractéristique un Asura, mais il se concentrera à par­tir de la buddhi sur les expériences du corps en tant que Pashu, et sur les expériences du vijnana en tant que Deva, & ainsi dans chaque type selon son domaine particulier d'activité. Par contre le Deva le fera à partir du vijnana, et la différence de levier & d'objectif dans l'action constituera une immense différence, tant pour le caractère de l'activité que pour ses résultats dans son domaine. En outre il est clair que le Pashu Asura traverse aussi les divers types à l'intérieur de sa nature mixte de Pashu & d'Asura avant de passer au Pishacha-Asura, qui doit subir un développement similaire. La grande variété de types qui résulte de ce système d'évolution est évidente.

     Les autres images vues en relation avec cet épisode Pashu­Asura sont au nombre de trois. D'abord le pays plat & désolé avec une colline au loin, à propos duquel le vijnana indique que telle n'était pas l'apparence du pays occupé par les barbares avant que les colons ne débarquent (venant de la mer, selon ce qui est sug­géré, puis s'avançant vers les étendues à l'intérieur des terres à partir des côtes occupées) & ne le peuplent que de façon éparse. La catastrophe est survenue en raison de leur hâte à conquérir la totalité du petit continent avant d'être capables de peupler tout le territoire inoccupé & de se constituer en un pouvoir fort & irré­sistible organisé en grandes cités & en nations peuplées. Cette hâte était due à la fertilité plus grande et donc attirante du sol occupé alors par les barbares qui, étant de piètres agriculteurs, ne s'étaient installés que sur les terres riches n'exigeant pas de compétences techniques particulières, & avaient laissé le reste en friche. Le contraste entre les terres desséchées vues d'abord & les rives du grand fleuve sur lesquelles les barbares s'étaient établis est typique du contraste entre les deux sortes de sols, cultivés & non cultivés. Les tentatives prématurées de conquête ont commencé par des attaques sur les villages barbares les plus proches, & le raid de la vision était la première représaille efficace menée en l'absence des guerriers de la colonie, c'est pourquoi, du côté attaqué, seules les femmes, les enfants & des hommes paisibles et désarmés ont été vus fuyant vers leur refuge secret habituel. Car cette colonie était juste à la frontière du pays barbare & toujours exposée à des incursions. La vision n'a pas montré clairement pourquoi les combattants de la colo­nie étaient absents, s'ils étaient eux-mêmes partis en raid chez les barbares ou engagés dans une querelle civile intestine.

     La deuxième image – la cité fortifiée sur le plateau – montre, d'après les terrasses découpées dans les pentes du plateau & la chitra [vision] de l'un des dômes de la cité, que c'était une métropole civilisée & magnifique, résultat final du mélange des barbares & des colons. Le village barbare originel se trouvait sur les rives du grand fleuve, visible par l'un de ses ghauts (ou ghat) à proximité de la base du plateau, mais après le raid – sur les instances du jeune chef victorieux à qui ils avaient désormais donné le commandement d'un commun accord – et pour se pro­téger eux-mêmes & leur butin, les sauvages s'étaient retirés sur le plateau alors en pente raide & difficile d'accès. Par la suite une grande ville fut construite sur le site de ce bastion barbare. La construction sur la rivière, qui semblait être une maison mais qui apparemment se tenait sur l'eau, n'était peut-être rien d'autre qu'un radeau aménagé en habitation & amarrée à un char du fleuve, ce qui a suggéré la première idée qu'il s'agissait d'une maison sur un îlot du fleuve.

     La troisième image, la grande hutte haute & spacieuse, construite presque avec élégance & dont la porte imposante était grand ouverte, était celle du chef et montre que malgré leur nudité ces sauvages n'étaient pas au plus bas de l'échelle, ni du point de vue de l'immaturité humaine ni de celui de la dégénérescence humaine. La silhouette, un prêtre à en juger d'après son habit & sa coiffe, n'est, en fait, pas un prêtre mais un émissaire, un des anciens de la colonie venu négocier la libération des captifs , la fille avec laquelle il parle et dont il se détourne, traumatisé et désespéré, est l'une des filles de la femme vue dans la première série d'images, maintenant esclave & concu­bine du chef. Au départ, les colons ne voulaient pas recourir à la violence de crainte que les captifs ne soient maltraités. L'ancien venait juste d'apprendre que l'une des plus importantes d'entre elles avait déjà été soumise à une irrémédiable indignité, ainsi que d'autres faits, par exemple que les chefs ne voulaient pas entendre parler d'une quelconque réparation, ce qui explique la réaction de l'envoyé qui manifeste son désespoir de ne pouvoir rétablir la paix ou négocier utilement. La série n'est pas encore complète, mais attend le déroulement d'événements ultérieurs que le vijnana a déjà, quoique très vaguement, laissé pressentir. L'autre image n'a rien à voir avec ces événements mais appartient plutôt à un Manvantara ultérieur, celui du Pramatha-Rakshasa du sixième Manu, dans l'un de ses stades les plus parfaits & les plus brillants. Elle doit rester très nette à l'esprit en vue d'une interprétation future.

 

Sri Aurobindo, Journal du Yoga,
  L'échelle de l'évolution [II], Notes sur les images vues en mars 1914.

 

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