Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo Enée entra dans l'éclatant mégaron

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. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

Enée entra dans l'éclatant mégaron



Encor dans l'élan de sa course, Thrasymachos salua Enée :
"Héros Enée, que ton pas se porte en hâte au sommet de la colline iliaque.
Fais vite, Dardanide ! les dieux sont au travail ; ils se sont levés avec le matin,
Chacun de sa couche étincelante, et ils s'y sont mis ardemment.
Nous pouvons voir rougeoyer la Fatalité
Sur leurs enclumes de la destinée, et entendre le fracas de leurs marteaux.
Là ils forgent quelque chose, se tenant incognito dans le silence éternel :
Malheur, bonheur, ils choisiront, eux qui sont des maîtres calmes, irrésistibles
Ce sont des dieux, et ils réalisent leurs caprices inflexibles.
Troie est leur scène, Argos leur décor ; nous sommes leurs marionnettes.
Nos voix sont toujours poussées à parler pour une fin que nous ignorons,
Nous croyons toujours actionner, mais sommes actionnés nous-mêmes.
Acte et impulsion, désir et pensée sont leurs moteurs, notre vouloir est leur reflet et leur auxiliaire 
Tel maintenant, persuadé qu'il vient dans un dessein formé par un mortel,
Flèche du vouloir des dieux décochée sur l'arc de l'assiégeant grec,
Eux-mêmes cinglant ses coursiers, Talthybios envoyé d'Achille."
"Les dieux sont toujours occupés, Thrasymachos fils d'Arétès,
A tisser le Destin sur leurs métiers, et hier, aujourd'hui et demain
Ne sont que les cadres charpentés par eux avec le bois d'œuvre de l'Espace et du Temps,
Et ne font que circonscrire la danse de leur navette.
Quel regard exempt de stupéfaction devant leurs travaux
Pourra jamais percer à jour où ils demeurent, et dévoiler leur dessein lointain ?
Ils peinent en silence, cachés dans les nuées, enveloppés dans la ténèbre de minuit.
Pourtant je prie Apollon, l'Archer ami des mortels,
Et m'abaisse devant celui qui chevauche le Destin, celui qui manie la foudre,
Pour détourner malheur et ruine de la terre de mes ancêtres.  Toute la nuit Morphée,
Lui qui de ses mains indistinctes entasse erreur et vérité sur les mortels,
Se tint à mon chevet produisant ses images. Dans mon rêve, impuissant comme un spectre, J'errais dans les rues d'Ilion, environné de toutes parts par le feu et l'ennemi.
Rouge, la fumée montait triomphante jusqu'au faîte de la maison de Priam,
Le cliquetis des armes des Grecs était dans Troie, et déjouant le fracas métallique
Des voix criaient et m'appelaient par-delà le violent Océan
Amenées par les vents, d'ouest d'une terre où s'abrite Hespéros."
Sombres ils se turent, car leurs pensées, soudain muettes, pesaient sur eux.
Puis se séparant sur un bref adieu, irréfléchi et inconscient de son sens,
Ils se tournèrent vers leurs tâches et leurs vies maintenant proches mais bientôt dissociées:
Destiné à périr avant même sa nation périssante,
Thrasymachos, à toute allure, courut reprendre sa garde à la porte;
A grands pas rapides, mais Vœil absorbé, le regard absent,
Chassé le long des avenues par le fouet de ses pensées comme un attelage des dieux,
Le héros né d'une déesse se dirigea vers son puissant avenir.
C'était un être choisi pour s'élever à la grandeur par la chute et le désastre,
Perdeur de son monde par la volonté d'un ciel qui paraissait sans merci et contraire,
Fondateur d'un monde plus neuf et plus grand par l'aventure audacieuse.
A présent, du pied de la citadelle qui dominait une foule de bourgs,
Montant toujours plus haut vers des édifices songeurs et le Palladium mystique,
Confronté au rayon du matin et rejoint par les brises de l'océan,
Le Destin sur ses épaules, le vaillant Enée, pensif, gravissait à grandes enjambées
                                                                                                                  la pente de Troie,
Au-dessous de lui, silencieux, les toits ensommeillés de la cité d'Ilos
Rêvaient dans la lumière de l'aurore ; au-dessus, la citadelle, toujours en éveil, faisait le guet,
Solitaire et puissante comme une déesse au corps de blancheur qui resplendit sur une éminence,
Portant ses regards au loin sur la mer, l'ennemi et le danger qui rôdait.
Il monta sur la croupe de la colline et vit le palais de Priam,
Foyer des dieux de la terre, vision merveilleuse de Laomédon
Contenue dans la pensée qui familiarisa sa volonté avec une entreprise au delà du terrestre,
Et dans le brasier de son esprit qui en imposa la grandeur au ciel,
Palais rêvé par la harpe d'Apollon, mélodie sculptée dans le marbre.
Chant après chant, comme une épopée, il avait surgi de son mental;
Chacune de ses salles était une strophe, ses chambres les vers d'une épode,
L'hymne de victoire de la destinée d'Ilion. Préoccupé, et par sa pensée frappé de mutisme,
Enée entra dans l'éclatant mégaron peuplé de peintures,
Pavé d'une splendeur de marbre, et vit Déiphobos,
Fils de l'antique maison, assis près du foyer opulent de ses pères,
Et comme un spectre à ses côtés, le gris et sinistre Argien.


Sri Aurobindo,
Ilion ou LA CHUTE DE TROIE, épopée, Le Livre du héraut (Livre un- v.296 à v. 357 )

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