Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo SRI AUROBINDO - YOGA INTEGRAL: décembre 2015

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

La grandeur de la Révolution française




La grandeur de la Révolution française ne réside pas dans ce qu'elle accomplit, mais dans ce qu'elle pensa et qu'elle fut. Son action fut surtout destructrice. Elle prépara beaucoup, elle ne fonda rien. Même l'activité constructive de Napoléon ne fit que bâtir un gite à mi-chemin où les idées de 1789 pouvaient se reposer jusqu'à ce que le monde fût prêt à mieux les comprendre et à les réaliser réellement. En elles-mêmes, les idées n'étaient pas neuves; elles existaient dans le Christianisme, et préalablement au Christia­nisme dans le Bouddhisme; mais en 1789 elles sor­tirent pour la première fois de l'Église et de la Bible et s'efforcèrent de remodeler gouvernement et société. Ce fut une tentative infructueuse, mais même l'échec changea la face de l'Europe. Ce dernier résultat fut en grande partie dû à la force, à l'enthousiasme, à la sincérité avec lesquels on s'empara de l'idée et l'ap­plication avec laquelle on chercha à la réaliser. La cause de l'échec fut le manque de connaissance, l'excès d'imagination. Les idées fondamentales, les types, ce qui était à instaurer étaient connus; mais dans la pratique, il n'y avait eu aucune expérience de ces idées. Jusqu'alors, la société européenne avait été imprégnée non de liberté, mais d'esclavage et de répression; non d'égalité mais d'inégalité; non de fraternité mais de force et de violence égoïstes...
Considérez quelles étaient les idées sous la bannière desquelles l'esprit moderne renversa le Titan médié­val; nous voyons le jaillissement final de ces idées avec la Révolution française. Nous connaissons la devise de la Révolution : liberté, égalité et fraternité; nous connaissons l'esprit qu'elle professait mais ne put atteindre : l'humanité. Dans la liberté, l'union de la liberté morale individuelle du Christianisme avec la liberté civique de la Grèce; dans l'égalité, l'égalité spirituelle démocratique du Christianisme appliquée à la société; dans la fraternité, l'aspiration à l'amour fraternel universel, qui est l'idée particulière et dis­tinctive du Christianisme; dans l'humanité, l'esprit Bouddhique de compassion, de pitié et d'amour, dont l'Europe ignorait tout jusqu'au moment où le Chris­tianisme l'exhala par-delà la Méditerranée et, avec une pureté plus grande, sur l'Irlande, mêlé au sens de la divinité en l'homme, lui-même emprunté à l'Inde par le truchement des anciens Gnostiques et Platoniciens : telles sont les idées qui influencent encore profondément l'Europe; le matérialisme scientifique a été obligé d'emprunter ou tolérer beaucoup d'entre elles, et jusqu'à présent il n'a été capable d'en déraciner entièrement aucune. 
Le Christianisme fut une affirmation de l'égalité  humaine dans l'esprit, une grande affirmation de l'unité de l'esprit divin en l'homme, qui ne cherchait pas à renverser les systèmes gouvernementaux et sociaux établis, mais à les imprégner de l'esprit de fraternité et d'unité humaines. Il fut grandement entravé dans cette tâche par le fait que les races européennes étaient dans un état de transition entre l'ancienne civilisation aryenne de la Grèce et de Rome et une autre moins avancée et éclairée. Les nations germaniques s'étaient fixées à une civilisation militaire totalement incompatible avec les idéaux du Christianisme, et entre leurs mains la nouvelle religion devint quelque chose d'absolument méconnaissable pour l'esprit asiatique qui l'avait engendrée...
L'Inde, dès les temps anciens, avait reçu l'évangile du Védanta[1] qui s'efforçait d'établir l'unité divine de l'homme en esprit; mais visant à assurer une société ordonnée dans laquelle elle pût développer son intui­tion spirituelle et parfaire sa civilisation, elle avait inventé le système des castes, qui à la suite de corruptions et de déviations des idéaux de caste, finit par être un obstacle à la réalisation de l'idéal Védan­tique dans la société. Depuis l'époque de Bouddha jusqu'à celle des saints du Maharashtra[2], chaque grand éveil religieux s'est efforcé de restaurer l'ancienne signification de l'Hindouisme et de ramener la caste à l'importance secondaire qu'elle avait à l'origine en tant que commodité sociale, de manière à exorciser dans la société l'esprit d'orgueil lié aux castes, et à rétablir l'esprit de fraternité ainsi que les principes éternels d'amour et de justice. Mais l'esprit féodal avait pris possession de l'Inde, et l'esprit féodal est obstinément attaché à l'inégalité et à l'orgueil de caste.
Quand le système féodal fut brisé en Europe par le soulèvement de la classe moyenne, les idéaux du Christianisme commencèrent à émerger une fois de plus à la lumière, mais dès ce temps-là l'Église Chrétienne était elle-même féodalisée, et on assiste au curieux spectacle d'idéaux chrétiens luttant pour S'établir eux-mêmes par la destruction de l'institution même qui avait été créée pour préserver le Christia­nisme. Au temps de la Révolution française, quand les idéaux de liberté, égalité et fraternité furent proclamés et que le genre humain exigea qu'ils fussent reconnus par la société comme le fondement de sa structure, ils furent associés à une brutale révolte contre les vestiges du féodalisme et contre le traves­tissement de la religion chrétienne qui en était devenu partie intégrante. Ce fut là la faiblesse de la démocratie européenne et l'origine de son échec. Elle prit pour mobile les droits de l'homme, et non le dharma[3] de l'humanité; elle fit appel à l'égoïsme des classes inférieures contre l'orgueil des supérieures; elle fit de la haine et de la guerre d'extermination réciproque les alliés permanents des idéaux chrétiens et produisit une confusion inextricable qui est la maladie moderne de l'Europe. C'est en vain que le génie de Mazzini redécouvrit le cœur du Christianisme et s'efforça de remodeler les idées européennes; la Révolution fran­çaise était devenue le point de départ de la démocratie européenne et avait coloré l'esprit européen. 
Sri Aurobindo
L'Heure de Dieu et autres écrits - La révolution française -
Bande Mataram

1. Védanta : Un des systèmes de la philosophie indienne.
2. Maharashtra : État de la côte ouest de l'Inde.
3. Dharma : On dit que la démocratie est basée sur les droits de l'homme, d'autres ont répliqué qu'elle devrait plutôt avoir pour support les devoirs de l'homme; mais aussi bien les droits que les devoirs sont des idées européennes. Le dharma est cette conception indienne où les droits et les devoirs perdent l'antagonisme artificiel créé par une vision du monde qui fait de l'égoïsme la racine de l'action, et regagnent leur profonde et éternelle unité. [Le dharma de l'homme désigne en effet la loi d'être fondamentale de l'humanité. En ce sens, il représente tout à la fois le principe d'une juste revendication de ses droits, et, SIMULTANÉMENT, l'obligation de ne pas trahir l'exigence de sa nature la plus haute.] (Sri Aurobindo Asiatic Democraty — Édition du Centenaire Vol. 1)

L'action de la Révolution française

L'action de la Révolution française fut la danse macabre et terrible de Kâli[1], piétinant aveuglément, dans sa fureur, les ruines qui étaient Sa propre oeuvre, ivre de pitié pour le monde et par conséquent, impitoyable au dernier degré. Elle appela en elle le secours de la Yatudhani[2] et invoqua la Rakshasi[3]. La Yatudhani est le délice de la destruction, la fureur du massacre, Rudra[4] dans l'Etre Universel, Rudra qui se sert du Bhuta[5], le criminel, le maître de l'animal en l'homme, le seigneur du démoniaque, Pashupati, Pramathanatha. La Rakshasi est l'affirmation de soi de l'ego, effrénée et licencieuse, qui exige la satisfac­tion de tous ses instincts, bons et mauvais, et qui brise furieusement toute opposition. C'est la Yatudhani et la Rakshasi qui lancèrent leur cri rauque à travers toute la France, ajoutant au lumineux Mantra « Liberté, Égalité, Fraternité », le sombre et terrible additif « ou la mort ». Mort à l'Asura[6] , mort à tous ceux qui s'opposent à l'évolution de Dieu, tel en était le sens. Avec ces deux terribles Shakti[7], Kâli fit Son oeuvre. Elle voila Sa connaissance divine dans les ténèbres de la colère et de la passion, Elle but le sang comme un vin; nue de toute tradition et convention, Elle dansa d'un bout à l'autre de l'Europe et le continent entier s'emplit du cri de la guerre et du carnage, résonnant du hunkara[8] et du attahasyam[9]. C'est seulement quand Elle s'aperçut qu'Elle piétinait Mahadeva[10], Dieu exprimé dans le principe du natio­nalisme, qu'Elle se ressaisit, rejeta Napoléon, le puis­sant Rakshasa[11] , et s'attela tranquillement à son travail : parfaire la nationalité comme la coque extérieure au-dedans de laquelle la fraternité put être organisée en toute sécurité et à grande échelle. 
 
Sri Aurobindo
L'Heure de Dieu et autres écrits, La révolution française 

[1] Kâli : L'aspect de destruction et de transformation de La Mère Divine.
[2]Yatudhani : Démone et sorcière.
[3] Rakshasi : Pouvoir titanesque féminin.
[4] Rudra : Nom attribué au Divin en tant que Maître de l'évolution par la violence et la bataille. Dans la Trinité divine : Brahmâ — Vishnou — Shiva (Création — Conservation — Destruction), il est l'expression du processus de destruction.
[5] Bhuta : Désigne ici un pouvoir ou esprit élémentaire.
[6] Asura : Force démoniaque du monde mental.
Les asuras sont en réalité la face obscure du mental, ou plus strictement du plan mental vital. Ce mental est le champ d'action propre des asuras. Ils sont surtout caractérisés par la force et la lutte égoïstes qui refusent la loi supérieure. L'asura possède la maîtrise de soi, le tapas et l'intelligence, mais tout cela à l'usage de son ego. Sur le plan vital inférieur, nous appelons les forces correspondantes les râkshasas, qui représentent les passions et les influences violentes. Sur le plan vital, il y a encore d'autres espèces d'êtres qu'on appelle les pishâchas et les pramathas. Ils se manifestent plus ou moins dans le physico-vital. Sur le plan physique, les forces correspondantes sont des êtres obscurs, des forces plus que des êtres, ce que les théosophes appellent les élémentaux. Ce ne sont pas des êtres fortement individualisés comme les râkshasas et les asuras, mais des forces ignorantes et obscures qui travaillent dans le plan physique subtil. Ce qu'en sanskrit nous appelons les bhûtas entre généralement dans cette catégorie. Mais il y a deux espèces d'élémentaux, les uns maléfiques, les autres non.(Sri Aurobindo, Lettres sur le Yoga, vol. 2)
[7] Shakti : Énergie, force, volonté, pouvoir du Suprême s'exprimant dans la Nature.
[8] Hunkara : Le son « hum », syllabe mantrique d'un grand pouvoir.
[9] Attahasyam : Le rire retentissant qui se gausse de la défaite, de la mort, des pouvoirs de l'ignorance.
[10] Mahadeva : « La Suprême Divinité », autre nom donné à Shiva.
[11] Rakshasa: Pouvoir titanesque masculin. De même qu'il y a des Puissances de Connaissance ou des Forces de la Lumière, de même il y a des Puissances d'Ignorance et de ténébreuses Forces d'obscurité dont la tâche est de prolonger le règne de l'Ignorance et de l'Inconscience. De même qu'il y a des Forces de Vérité, de même il y a des Forces qui vivent par la Fausseté, la soutiennent et travaillent à sa victoire. De même qu'il y a des Pouvoirs dont la vie est intimement liée à l'existence, à l'idée et à l'impulsion du Bien, de même il y a des Forces dont la vie est liée à l'existence, à l'idée et à l'impulsion du Mal. C'est cette vérité de l'Invisible cosmique que symbolisait l'antique croyance en une lutte entre les puissances de Lumière et de Ténèbres, de Bien et de Mal, pour la possession du monde et la domination de la vie de l'homme. C'est la signification du combat entre les Dieux védiques et leurs adversaires, fils des Ténèbres et de la Division, que figurent dans une tradition ultérieure les Titans, les Géants et les Démons, asuras, râkshasas, pishâchas. On trouve la même tradition dans le double Principe de Zoroastre et, plus tard, dans l'opposition sémitique, Dieu et ses anges d'un côté, Satan et ses cohortes de l'autre. (Sri Aurobindo, LA VIE DIVINE, p895 sq)

Le yoga n'est pas une question d'idées mais d'expérience


  Le yoga n'est pas une question d'idées, mais une question d'expérience spirituelle intérieure. Le simple fait d'être attiré par un ensemble quelconque d'idées religieuses ou spirituelles n'apporte aucune réalisation. Le yoga entraîne un changement de conscience; une simple activité mentale n'amènera pas un changement de conscience, elle ne peut apporter qu'un changement mental. Et si votre mental est suffisamment mobile, il continuera à passer d'une chose à une autre jusqu'à la fin sans parvenir à aucune route sûre ni à aucun havre spirituel. Le mental peut penser, douter, questionner, accepter, retirer son acceptation, faire des formations et les défaire, prendre des décisions et les révoquer, en jugeant toujours à la surface et par des indications de surface, et par conséquent n'arrivant jamais à aucune expérience profonde et ferme de la Vérité, mais par lui-même il ne peut pas faire plus. Le mental n'a que trois manières de se changer en un chenal ou un instrument de la Vérité. Ou bien il devient silencieux dans le Moi et laisse place à une conscience plus large et plus grande; ou il se fait passif à la Lumière intérieure et permet à cette Lumière de l'utiliser comme moyen d'expression; ou encore, il se transforme lui-même de mental intellectuel superficiel et questionneur qu'il est en une intelligence intuitive, un mental de vision apte à percevoir directement la divine vérité.


Sri Aurobindo,
Lettres sur le Yoga, vol I

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