•Dénigrer les anciens yoga comme une chose très facile, dénuée d'importance et de valeur, et dénigrer Bouddha, Yâjnavalkya et d'autres grandes figures spirituelles du passé, n'est-ce pas à première vue absurde?
•Notre yoga a pour but l'union consciente avec le Divin dans le supramental et la transformation de la nature. Les yoga ordinaires vont droit du mental à un certain état sans forme du silence cosmique, et à travers cet état essaient de disparaître en s'élevant dans le Très-Haut. Le but de notre yoga est de transcender le Mental et d'entrer dans la Vérité divine du Satchidânanda qui n'est pas seulement statique mais dynamique, et d'élever l'être tout entier jusqu'à cette vérité.
•Par transformation je n'entends pas quelque changement de nature – je ne veux pas dire, par exemple, sainteté, ou perfection éthique, ou siddhi yoguiques (comme celles des tantriques) ou corps transcendantal (chinmaya). J'emploie le mot transformation dans un sens spécial, celui d'un change¬ment de conscience radical, complet et d'une espèce particulière, conçu de manière à amener un pas en avant puissant et sûr dans l'évolution spirituelle de l'être, d'une qualité plus grande et plus haute, d'une envolée et d'une totalité plus grandes que ce qu'il est advenu quand l'être mental est apparu pour la première fois dans le monde animal vital et matériel. Si quoi que ce soit de moindre se produit, ou si au moins un véritable commencement ne se fait pas sur cette base, un progrès fondamental en direction de cet accomplissement, alors mon but n'est pas atteint. Une réalisation partielle, quelque chose de mélangé, de non définitif, ne satisfait pas ce que j'exige de la vie et du yoga.
La Lumière de réalisation n'est pas la même chose que la Descente. La réalisation par elle-même ne transforme pas nécessairement l'être dans sa totalité; elle peut apporter seulement une ouverture, ou une ascension, ou un élargissement de la conscience à son sommet de manière à réaliser quelque chose dans le Pourousha sans aucun changement radical dans la Prakriti. On peut avoir une certaine lumière de réalisation au sommet spirituel de la conscience, mais les parties au-dessous restent ce qu'elles étaient. J'en ai vu quantité d'exemples. Une descente de la lumière doit se produire non seulement dans le mental ou une partie du mental, mais dans tout l'être jusqu'au physique et au-dessous avant qu'une véritable transformation puisse avoir lieu. Une lumière dans le mental peut spiritualiser ou changer d'une autre façon le mental ou une partie du mental d'une manière ou d'une autre, mais elle ne change pas forcément la nature vitale; une lumière dans le vital peut purifier et élargir les mouvements vitaux, ou encore rendre l'être vital silencieux ou immobile, mais laisser le corps et la conscience physique tels quels, ou même les laisser inertes, ou troubler leur équilibre. Et la descente de la Lumière n'est pas suffisante, ce doit être la descente de la conscience supérieure tout entière, sa Paix, son Pouvoir, sa Connaissance, son Amour, son Ânanda. De plus, la descente peut suffire à libérer, mais non à rendre parfait, ou elle peut suffire à produire un grand changement dans l'être intérieur, alors que l'être extérieur demeure un instrument imparfait, maladroit, malade ou sans expression. Finalement, la transformation effectuée par la sâdhanâ ne peut pas être complète si elle n'est pas une supramentalisation, de l'être. La psychicisation n'est pas suffisante, elle n'est qu'un début; la spiritualisation et la descente de la conscience supérieure n'est pas assez, ce n'est que le stade intermédiaire; pour l'accomplissement ultime, l'action de la Conscience supramentale et de la Force supramentale est nécessaire. L'individu peut fort bien se contenter de moins, mais ce n'est pas suffisant pour que la conscience terrestre entreprenne la marche en avant décisive qu'elle doit accomplir un jour ou l'autre.
Je n'ai jamais dit que mon yoga était quelque chose de tout neuf dans tous ses éléments. Je l'ai appelé
le yoga intégral et cela signifie qu'il reprend l'essence des anciens yoga et beaucoup de leurs procédés – sa nouveauté réside dans son but, son point de vue et la totalité de sa méthode. Dans les premiers stades, dont je traite dans des livres comme "l'Énigme" ou les "Lumières", ou dans le nouveau livre qui va être publié, il n'y a rien qui le distingue des anciens yoga sauf le but qui détermine son caractère global, l'esprit de ses mouvements et la signification ultime qu'il garde devant lui –et aussi le schéma de sa psychologie et de ses méthodes, mais comme cela n'a pas été et ne pouvait pas être développé systématiquement ou schématiquement dans ces lettres, ceux qui ne sont pas familiarisés avec lui par le mental ou par une certaine pratique ne l'ont pas saisi. Quant aux détails ou à la méthode des stades ultérieurs du yoga qui s'avancent dans des régions peu connues ou inexplorées, je ne les ai pas rendus publics et n'ai pas actuellement l'intention de le faire.
Je sais très bien aussi qu'il a existé des idéaux et des anticipations apparemment similaires – la perfectibilité de l'espèce, certaines sâdhanâ tantriques,
la recherche d'une siddhi physique complète par certaines écoles de yoga, etc. J'y ai fait allusion moi-même et j'ai émis l'opinion que le passé ,spirituel de l'espèce a été une préparation de la Nature, non seulement pour atteindre le Divin au-delà du monde, mais aussi en vue de ce même pas en avant que doit encore accomplir l'évolution de la conscience terrestre. Il m'est en conséquence parfaitement indifférent – même en dépit du fait que ces idéaux étaient jusqu'à un certain point parallèles au mien, et cependant n'étaient pas identiques – que mon yoga, ses objectifs et sa méthode soient reconnus comme .nouveaux ou non; en soi, c'est une question mineure. Qu'il soit reconnu comme vrai en lui-même par ceux qui peuvent l'accepter ou le pratiquer, et que sa vérité soit démontrée par son résultat est la seule chose qui compte; peu importe qu'il soit qualifié de nouveauté ou de répétition ou de renaissance d'un ancien yoga oublié. J'ai insisté sur sa nouveauté dans une lettre à certains sâdhak pour leur expliquer qu'une répétition du but et de l'idée des anciens yoga n'était pas suffisante à mes yeux, que je proposais une chose à accomplir qui n'avait encore jamais été accomplie, ni même clairement visualisée, même si elle est le produit naturel, mais encore secret, de tout l'effort spirituel passé.
Il est nouveau, par rapport aux anciens yoga:
(1) Parce qu'il a pour but non l'abandon du monde et de la vie pour le Paradis ou le Nirvâna, mais un changement de la vie et de l'existence, non comme quelque chose de subsidiaire et d'accidentel, mais comme un objectif distinct et central. S'il y a une descente dans les autres yoga, ce n'est qu'un incident sur le chemin ou un résultat de l'ascension – l'ascension est la vraie chose. Ici l'ascension est le premier pas, mais elle est un moyen d'obtenir la descente. C'est la descente de la nouvelle conscience atteinte par l'ascension qui est la marque et le sceau de la sâdhanâ. Même le Tantra et le vishnouïsme se terminent dans une libération de la vie; ici l'objectif est l'accomplissement divin de la vie.
(2) Parce que le but poursuivi n'est pas l'accomplissement individuel de la réalisation divine pour l'individu, mais quelque chose qui doit être gagné pour la conscience terrestre ici même, et non pas seulement un accomplissement supra-cosmique. Ce qui doit être gagné, c'est aussi la venue d'un Pouvoir de Conscience (le supramental) qui n'est pas encore organisé ou actif dans la nature terrestre, pas même dans la vie spirituelle, mais qui doit être organisé et rendu directement actif.
(3) Parce qu'une méthode a été préconisée, pour atteindre cet objectif, qui est aussi totale et intégrale que le but qui lui est assigné, c'est-à-dire le changement total et intégral de la conscience et de la nature, reprenant les anciennes méthodes, mais seulement comme une action partielle et une aide présente pour d'autres qui en sont distinctes. Je n'ai pas trouvé cette méthode (dans son ensemble) ni rien de semblable qui ait été professé ou réalisé dans les anciens yoga. Si cela avait été le cas, je n'aurais pas perdu mon temps à tracer une route et passé trente ans en recherches et en création intérieures alors que j'aurais pu trotter en toute sécurité vers mon but par des sentiers déjà tracés, codifiés, parfaitement relevés, macadamisés, rendus sûrs et publics. Notre yoga ne retrace pas les anciens chemins, c'est une aventure spirituelle.
•J'entendais par là la descente de la conscience supramentale sur la terre; toutes les vérités au-dessous du supramental (même celles du spirituel le plus haut sur le plan mental, qui est le plus haut qui se soit jusqu'ici manifesté) sont soit partielles ou relatives, soit insuffisantes et inaptes à transformer la vie terrestre; elles peuvent tout au plus la modifier et l'influencer. Le supramental est la vaste Conscience-de-Vérité dont parlaient les anciens voyants; il y en a eu jusqu'à présent des lueurs, parfois une influence ou une pression indirecte, mais il n'a pas été amené ici-bas dans la conscience de la terre et fixé en elle. Le faire descendre ainsi est le but de notre yoga.
Mais il vaut mieux ne pas entrer dans de stériles discussions intellectuelles. Le mental intellectuel ne peut même pas concevoir ce qu'est le supramental; à quoi bon, par conséquent, l'autoriser à discuter ce qu'il ne connaît pas? Ce n'est pas par le raisonnement mais par l'expérience constante, la croissance de la conscience et son élargissement dans la Lumière que l'on peut atteindre ces niveaux supérieurs de conscience au-dessus de l'intellect, d'où le regard peut commencer à s'élever vers la Gnose divine. Ces niveaux ne sont pas encore le supramental, mais ils peuvent recevoir un peu de sa connaissance.
Les rishi védiques n'ont jamais atteint le supramental pour la terre et n'ont peut-être même jamais tenté de le faire. Ils ont essayé de s'élever individuellement jusqu'au plan supramental, mais ils ne l'ont pas amené ici pour en faire un élément permanent de la conscience terrestre. Les Oupanishad suggèrent même dans certains versets qu'il est impossible de passer les portes du Soleil (symbole du supramental) en conservant un corps terrestre. C'est en raison de cet échec que l'effort spirituel de l'Inde a trouvé son sommet dans le Mâyâvâda. Notre yoga est un double mouvement de montée et de descente; on s'élève à des niveaux de conscience de plus en plus hauts, mais en même temps on fait descendre leurs pouvoirs non seulement dans le mental et la vie, mais à la fin jusque dans le corps. Et le plus élevé de ces niveaux, son but, est le supramental. Ce n'est que lorsqu'il pourra être amené ici-bas que la transformation divine sera possible dans la conscience terrestre.
•Je ne saurais dire si aucun d'entre eux (les rishi védiques) a atteint le plan supramental, mais la montée à ce plan était leur but. Svar signifie évidemment les régions illuminées du Mental, entre le supramental et l'intelligence humaine, formées par les rayons du Soleil. Selon les Oupanishad, ceux qui montent dans les rayons du Soleil reviennent, mais ceux qui montent jusqu'au Soleil même ne reviennent pas. C'est pourquoi la montée jusqu'au Supramental était envisagée, mais la descente et l'organisation du supramental ici-bas (distincte de la descente des Rayons) ne l'étaient pas. Nous ne devons pas nous préoccuper de la réincarnation des rishi –ils viendront si besoin est, je suppose.
•Les rishi védiques étaient des mystiques du type ancien qui partout, en Inde, en Grèce, en Égypte et ailleurs, considéraient les vérités et les méthodes cachées qu'ils détenaient comme des choses très sacrées et très secrètes, ne devant pas être dévoilées aux individus inaptes qui les comprendraient mal, les appliqueraient mal, les emploieraient mal et dégrade¬raient la connaissance. Leurs écrits étaient en conséquence rédigés de manière à n'être intelligibles dans leur sens secret que par l'initié, ninyâ vatchânsi nivatchanâni kavayé (Rig-véda, IV, 3-16), mots secrets qui ne transmettent leur signification qu'au voyant. Ils étaient dotés d'un sens apparent exotérique et religieux pour le temple, ésotérique, occulte et spirituel pour les initiés. Que le peuple ne puisse pas découvrir la Vraie Vérité, telle était leur intention; ils voulaient qu'il ne connaisse que les vérités extérieures qui étaient à sa portée.
•Il est très possible que le shloka se rapporte à une montée dans les mondes supérieurs de félicité et de lumière et cela peut être appelé une libération ou une délivrance. Plus tard on croyait fortement que de tous ces mondes le retour est inévitable et que seule la délivrance de toute existence cosmique donne la moukti. Les rishi védiques semblent avoir envisagé une ascension dans un état ou un monde lumineux au-dessus du mensonge et de l'ignorance. Dans les Oupanishad le soleil est le symbole de la Vérité supramentale et il est dit que ceux qui entrent dans ce monde lumineux peuvent revenir, mais que ceux qui passent les portes du soleil ne reviennent pas; cela signifie peut-être qu'une ascension dans le supramental lui-même au-dessus du couvercle d'or du surmental était la libération définitive. Le Véda parle de la Vérité cachée par une Vérité, où le Soleil détache ses chevaux de son char, et là les milliers de rayons sont rassemblés en un seul, et c'était considéré comme le but. L’Isha Oupanishad parle aussi du couvercle d'or cachant la face de la Vérité; en le retirant on voit la loi de la Vérité, et la plus haute connaissance où l'unique Pourousha est connu (so'hamasmi) est décrite comme la forme "kalyânatama" du Soleil. Tout cela semble se rapporter aux états supramentaux dont le Soleil est le symbole.
•La différence fondamentale est dans l'enseignement qu'il existe une Vérité divine dynamique (le supramental) et que dans le monde actuel d'Ignorance cette Vérité peut descendre, créer une nouvelle Conscience-de-Vérité et diviniser la Vie. Les anciens yoga vont droit du mental au Divin absolu, considérant toute existence dynamique comme une Ignorance, une Illusion ou une Lîlâ; quand vous entrez dans la Vérité divine statique et immuable, disent-ils, vous sortez de l'existence cosmique.
•Union divine, oui – mais pour les écoles ascétiques c'était l'union avec le Brahman sans forme, l'Inconnaissable au-delà de l'existence ou, s'il s'agissait de l’Ishwara, c'était tout de même l'Îshwara dans une conscience supracosmique. De ce point de vue l'aphorisme de Patanjali (Yogastchittavrittinirôdhah) est assez fondé. Quand il dit yoga, il entend le processus du yoga, l'objectif qui doit être gardé présent à l'esprit dans le processus – car par la cessation de chittavritti on entre en samâdhi et le samâdhi est le seul moyen de s'unir exclusivement et complètement avec le Brahman au-delà de l'existence.
•Dans les yoga d'autrefois, ce que l'on cherchait, c'était l'expérience de l'Esprit, qui est toujours libre et un avec Divin. Il suffisait que la nature changeât assez pour cesser d'être un obstacle à cette connaissance et à cette expérience. La transformation complète, y compris celle du physique, n'a été cherchée que par un petit nombre, et encore la cherchait-on comme une siddhi plutôt qu'autre chose, non comme la manifestation d'une Nature nouvelle dans la conscience terrestre.
•Il y a beaucoup de plans au-dessus du mental de l'homme – le supramental n'est pas le seul, et sur chacun d'eux le Moi peut être réalisé – car ce sont tous des plans spirituels.
Le mental, le vital et le physique ne sont inextricablement mêlés que dans la conscience de surface – le mental intérieur, le vital intérieur, le physique intérieur sont séparés. Ceux qui cherchent le Moi par les anciens yoga se séparent du mental, de la vie et du corps et réalisent le moi de tout cela comme séparé du reste. Il est très facile de séparer le mental, le vital et le physique entre eux sans l'aide du supramental. Cela se fait par les yoga ordinaires. La différence entre notre yoga et les anciens yoga n'est pas qu'ils sont incompétents et ne peuvent pas le faire – ils le peuvent parfaitement – mais qu'ils vont de la réalisation du Moi jusqu'au Nirvâna ou à quelque Paradis et abandonnent la vie, alors que le nôtre n'abandonne pas la vie. Le supramental est nécessaire à la transformation de la vie et de l'être terrestres, non pour atteindre le Moi. On doit réaliser le Moi d'abord, et ce n'est qu'ensuite qu'on peut réaliser le supramental.
•On peut sentir les expériences de n'importe quelle sâdhanâ comme une partie de celle-ci.
LE YOGA INTÉGRAL DE SRI AUROBINDO -PURNA YOGA- PAR SRI AUROBINDO lui-même - Vie et oeuvre
SRI AUROBINDO . ॐ . YOGA INTÉGRAL
Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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