Le sacrifice védique comprend trois éléments — en omettant pour l'instant le dieu et le mantra —, ceux qui offrent, l'offrande et les fruits de l'offrande. Si le yajna représente l'action consacrée aux dieux, le yajamàna, celui qui offre le sacrifice, devenait nécessairement l'auteur de l'action. Yajna, ce sont les œuvres, intérieures ou extérieures, yajamàna doit donc être l'âme ou la personnalité qui les accomplit. Mais il y avait aussi les prêtres officiants, hotâ, rtvij, purohita, brahmâ, adhvaryu, etc. Quel rôle jouaient-ils dans le symbolisme ? Car dès lors que notre hypothèse reconnaît un sens symbolique au sacrifice, elle doit également reconnaître une valeur symbolique à chacun des éléments de
la cérémonie. J'ai découvert qu'on parlait sans cesse des dieux comme
de prêtres de l'offrande et, dans de nombreux passages, c'était
clairement un pouvoir ou une énergie non humain qui présidait au sacrifice. Je me suis aperçu aussi que, partout dans le Véda, les composantes de notre personnalité sont elles-mêmes continuellement personnifiées. Je n'avais plus qu'à appliquer cette règle dans l'autre sens en supposant que la personne du prêtre dans l'image extérieure représentait, transposée aux activités intérieures, un pouvoir ou une énergie non humain, ou un élément de notre personnalité. Restait à fixer le sens psychologique des différentes fonctions des prêtres. Ici j'ai découvert que la langue même du Véda fournissait une clef grâce à des indications et des soulignements, tels que l'emploi du terme purohita écrit en deux mots, au sens du représentant « mis en avant », et de fréquentes allusions au dieu Agni, symbolisant cette Volonté ou Force divine dans l'humanité qui se charge d'agir dans toute consécration des œuvres.
La signification des offrandes était plus difficile à cerner.
Même
si, étant donnés son contexte, son emploi, son effet, ce que
suggéraient ses synonymes, l'interprétation du vin de Soma allait de
soi, que pouvait bien désigner dans le sacrifice le ghrtam, le
beurre clarifié ? Le terme pourtant, tel qu'il est employé dans le Véda,
nous imposait constamment sa propre signification symbolique. Que
pouvait-on faire, par exemple, de ce beurre clarifié ruisselant du ciel,
ou dégouttant des chevaux d'Indra, ou encore du mental ? Ce serait
manifestement absurde et grotesque, à moins que l'utilisation très
souple de ghrta au sens de beurre clarifié ne fût symbolique, si
bien que, dans l'esprit du penseur, le sens premier était souvent,
complètement ou partiellement, mis de côté. Rien n'empêchait
naturellement de choisir la facilité en modifiant au besoin le sens des
mots, de traduire ghrta tantôt par beurre et tantôt par eau, et manas
tantôt par mental, tantôt par nourriture ou gâteau. Mais j'ai constaté que ghrta avait
un rapport constant avec la pensée ou le mental, que le ciel dans le
Véda symbolisait le mental, qu'Indra représentait la mentalité illuminée
et ses deux chevaux les énergies doubles de cette mentalité, le Véda parlant même quelquefois ouvertement d'offrir aux dieux l'intellect, dhisana, comme du ghrta purifié, ghrtam na pùtam manisâm (I-110-6 et 111-2-1). Le mot ghrta peut aussi désigner, entre autres, une splendeur riche ou chaude. Tous les indices convergeant, je me sentis en droit d'attribuer un certain sens psychologique à l'image du beurre clarifié. Et je remarquai que la même règle et la même méthode pouvaient s'appliquer aux autres éléments du sacrifice.
Sri Aurobindo, LE SECRET DU VEDA
Sri Aurobindo, LE SECRET DU VEDA
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