Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo SRI AUROBINDO - YOGA INTEGRAL: juin 2012

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

PLAN VITAL, PLAN ASTRAL, ZONE INTERMÉDIAIRE

La descente de la Lumière gnos­tique


  
SRI AUROBINDO, La Vie divine, Part II La Connaissance et l'Evolution spirituelle,
 Chp 26, L'ascension vers le supramental (The Ascent towards Supermind).

[…]
En s'emparant du mental, ainsi que de la vie et du corps qui en dépendent et en les pénétrant, le Surmental, avec les pouvoirs qui lui sont délégués, soumettrait tout à un processus d'agrandissement ; à chaque stade de ce processus pourraient s'établir une puissance plus grande et une intensité plus haute de la gnose, de moins en moins mélangée à la substance mentale lâche, diffuse, qui diminue et se dilue, mais dans son origine, toute gnose est un pouvoir du Supramental et cela se tradui­rait dans notre nature par un influx toujours plus grand d'une lumière et d'un pouvoir supramentaux à demi voilés et indirects. Cela se poursuivrait jusqu'au point où le Surmental commencerait lui-même à se transfor­mer en Supramental ; la conscience et la force supramentales prendraient directement en main la transfor­mation, révéleraient au mental, à la vie et à l'être corporel terrestres leur propre vérité spirituelle et leur divinité et finalement déverseraient dans toute notre nature la connaissance, la puissance et la signification parfaites de l'existence supramentale. L'âme passerait au-delà des frontières de l'Ignorance et retraverserait la ligne où elle s'est originellement séparée de la Connais­sance suprême ; elle pénétrerait dans l'intégralité de la gnose supramentale ; la descente de la Lumière gnos­tique effectuerait une transformation complète de l’Ignorance.
On pourrait considérer cela — ou quelque plan ana­logue plus vaste — comme un exposé schématique, logique ou idéal, de la transformation spirituelle, comme un itinéraire structural de l'ascension vers le sommet supramental, ascension qui serait envisagée comme une succession d'étapes séparées, dont chacune devrait être achevée avant que ne puisse être abordée la suivante. Ce serait comme si l'âme, mettant en avant une individualité naturelle organisée, était un voya­geur qui gravit les degrés de conscience taillés dans la Nature universelle, chaque montée la portant tout entière comme une entité intégrée définie, comme une forme individuelle de l'être conscient, d'un état de son existence à l'état qui y fait suite. Jusqu'ici, il est exact que l'intégration d'un état doit être suffisamment complète avant que ne puisse être entièrement assurée l'ascension à la station immédiatement supérieure ; cette claire succession pourrait aussi être la voie sui­vie par un petit nombre, même aux premiers stades de cette évolution, et elle pourrait aussi devenir le processus normal une fois que l'échelle de l'évolution a entièrement été construite et consolidée.
Cependant, la Nature évolutive n'est pas une série logique de segments séparés ; elle est une totalité de pouvoirs ascendants de l'être qui s'interpénètrent, s'imbriquent les uns dans les autres et dans leur action exercent l'un sur l'autre un pouvoir de modification mutuelle. Lorsque la conscience supérieure descend dans la conscience inférieure, elle la modifie, mais aussi cette dernière la modifie et la diminue; quand la conscience inférieure s'élève, elle est sublimée, mais en même temps elle affaiblit la substance et la puissance sublimatrices. Cette interaction crée un enchevêtre­ment, une diversité et une abondance de degrés intermédiaires dans la force et la conscience de l'être, mais elle rend aussi difficile une intégration complète de tous les pouvoirs sous la pleine autorité d'un pouvoir unique. Pour cette raison, il n'y a pas, en fait, dans l'évolution de l'individu, une série de stades successifs simples et bien délimités ; au lieu de cela, un mouvement complexe et global qui est mi-clair et mi-confus.
On peut aussi décrire l'âme comme un voyageur ou un alpiniste qui progresse pas à pas vers le but élevé de sa course, et qui doit tailler chaque marche comme une entité isolée mais doit fréquemment redescendre pour refaire et consolider les marches précédentes de telle sorte qu'elles ne s'écroulent pas sous lui. L'évolution de la conscience dans son ensemble présente néanmoins plutôt le mouvement d'un océan montant de la Nature ; on peut la comparer à une marée, à une montée des eaux dont la frange la plus haute atteint les niveaux supérieurs d'une falaise ou d'une colline tandis que la masse en reste encore loin en dessous. A chaque stade, les parties supérieures de notre nature peuvent être organisées provisoirement mais incomplètement dans la nouvelle conscience, tandis que les parties inférieures sont dans un état de flux ou de formation, continuent en partie à se mouvoir sur les vieux sentiers bien qu'elles soient influencées et commencent à changer et appartiennent en partie au stade nouveau, bien que le chan­gement soit encore imparfait et mal assuré.
On pourrait donner une autre image, celle d'une armée dont les colonnes avancent et conquièrent du terrain tandis que le gros de l'armée reste encore en arrière, dans un territoire qui a été envahi mais qui est trop vaste pour pouvoir être efficacement occupé, si bien qu'il faut fréquemment faire halte et revenir partiellement en arrière dans les territoires déjà tra­versés pour consolider et assurer une maîtrise des pays conquis et assimiler leurs peuples. Une conquête ra­pide serait possible, mais elle serait de la nature d'un campement ou d'une domination établie en pays étran­ger ; ce ne serait pas l'occupation, l'assimilation totale, l'intégration nécessaires pour la transformation su­pramentale complète.
Cela entraîne certaines conséquences qui modifient la claire succession de l'évolution et l'empêchent de suivre le cours clairement déterminé et fermement disposé que notre intelligence logique exige de la Na­ture, mais n'en obtient que rarement. De même que la vie et le mental commencent à paraître lorsque la Ma­tière est suffisamment organisée pour les recevoir, mais que l'organisation plus complète et parfaite de la Matière ne se produit qu'avec l'évolution de la vie et du mental, de même que le mental apparaît lorsque la vie est suffisamment organisée pour admettre une vibration plus développée de la conscience, mais que la vie n'acquiert sa pleine organisation et son plein développement que lorsque le mental peut agir sur elle, de même que l'évolution spirituelle commence lorsque l'homme en tant que mental est capable des mouvements de spiritualité, mais que le mental aussi ne s'élève à sa propre perfection suprême que par la croissance des intensités et des luminosités de l'esprit, il en va de même pour cette évolution supérieure des puissances ascendantes de l'Esprit.
Dès que le développement spirituel est suffisant, commencent à se manifester de l'intuition, de l'illu­mination de l'être, de l'opération des degrés spirituels de la Conscience, parfois l'un, parfois l'autre, parfois tous ensemble, et ils n'attendent pas que chaque pou­voir dans cette série soit complet avant qu'entre en action un pouvoir supérieur. Une lumière et une puis­sance du Surmental peuvent descendre en quelque sorte, créer dans l'être une forme partielle d'elles-mêmes et assumer un rôle prépondérant ou surveiller ou intervenir, tandis que le mental intuitif, le mental illuminé et le mental supérieur sont encore incom­plets. Ces derniers subsisteraient donc dans l'ensemble, agissant en même temps que la Puissance plus grande, souvent pénétrés ou sublimés par elle ou s'élevant en elle pour former une intuition supérieure ou surmentale, une illumination supérieure ou surmentale, une pensée spirituelle supérieure ou surmentale.
Cette action complexe vient de ce que chaque puis­sance qui descend, par l'intensité même de sa pression sur notre nature et par son effet exaltant, rend l'être capable d'accueillir un pouvoir encore plus haut avant même que le pouvoir venu antérieurement ne soit complet dans sa formation propre ; mais cela vient aussi de ce que le travail d'élévation et de transforma­tion de la nature inférieure ne peut s'effectuer que difficilement s'il ne se produit pas une intervention toujours plus haute. L'illumination et la pensée supé­rieure ont besoin d'être aidées par l'intuition, l'intui­tion a besoin d'être aidée par le surmental pour com­battre les ténèbres et l'ignorance où travaillent péniblement les uns et les autres et pour trouver leur propre plénitude. Par ailleurs, le statut surmental et l'intégra­tion surmentale ne peuvent pas finalement être achevés tant que le mental supérieur et le mental illuminé n'ont pas été intégrés et absorbés en l'intuition et qu'ensuite l'intuition n'a pas été intégrée et absorbée dans l'éner­gie surmentale qui agrandit tout et sublime tout. La loi de gradation doit être observée même dans la com­plexité du processus évolutif de la Nature.
La nécessité de l'intégration amène encore une autre cause de complexité, car le processus ne comporte pas seulement l'ascension de l'âme à un statut supérieur, mais une descente de la conscience supérieure ainsi acquise qui doit absorber et transformer la nature inférieure. Or, cette dernière tient de sa formation antérieure une densité qui résiste à la descente et y fait obstruction. Même lorsque la puissance supérieure a abattu cette barrière, est descendue et s'est mise à l'oeuvre, nous avons vu que la nature de l'Ignorance résiste encore à son action et y fait obstruction, soit qu'elle s'efforce de refuser complètement toute trans­formation, soit qu'elle essaie de modifier la puissance nouvelle pour la faire se conformer, dans une certaine mesure, à son propre fonctionnement, soit même qu'elle se jette sur cette puissance nouvelle pour s'en saisir, la dégrader et l'asservir à son propre mode d'ac­tion et à ses fins inférieures. En général, lorsqu'elles se chargent d'assumer et d'assimiler cette substance ré­calcitrante de la Nature, les puissances supérieures descendent d'abord dans le mental et occupent les centres mentaux parce que ce sont les plus proches d'elles en intelligence et en pouvoir de connaissance ; si elles descendent d'abord dans le coeur ou dans l'être vital, siège de la force et des sensations — comme elles le font parfois parce qu'il se trouve que, chez certains individus, ces centres sont plus ouverts et sont les pre­miers à les appeler — les résultats sont plus mélangés et plus douteux, moins parfaits et moins assurés que si les choses se passaient dans l'ordre logique.
Même si elle agit normalement et prend l'être en main, la puissance qui descend et s'empare de l'être, secteur par secteur, dans l'ordre naturel de la des­cente, ne peut pas effectuer une occupation et une transformation totales de chaque secteur avant d'aller plus loin. Elle ne peut effectuer qu'une occupation générale et incomplète, si bien que dans chaque secteur le fonctionnement continue d'appartenir en partie à l'ordre nouveau supérieur, en partie à un ordre mixte et en partie à l'ancien ordre inférieur inchangé. Le mental ne peut pas être transmué immédiatement dans tous ses registres, car les centres mentaux ne forment pas une région isolée du reste de l'être ; l'action mentale est pénétrée par l'action des parties vitales et physiques et dans ces dernières elles-mêmes il y a des formations inférieures du mental, un mental vital, un mental physique, qui doivent eux-mêmes être changés avant qu'il ne puisse y avoir entière transformation de l'être mental.
La puissance transformatrice supérieure doit, par conséquent, le plus tôt possible et sans attendre un changement mental intégral, descendre dans le cœur afin d'occuper et de transformer la nature émotive, et ensuite descendre dans les centres vitaux inférieurs pour occuper et transformer toute la nature vitale dynamique et sensorielle et finalement descendre dans les centres physiques pour y occuper et transformer toute la nature physique. Même ce point d'aboutisse­ment n'est pas encore final car il reste les secteurs subconscients et la fondation inconsciente.
La complexité et l'enchevêtrement de ces pouvoirs et des parties de l'être sont tellement grands que l'on peut presque dire que rien n'est accompli dans cette transformation avant que tout n'ait été accompli. Il y a flux et reflux, les forces de l'ancienne nature re­culant, puis de nouveau occupant en partie leur ancien domaine, battant lentement en retraite avec des ac­tions d'arrière-garde, des contre-attaques et des retours agressifs ; la force supérieure qui intervient occupe chaque fois un territoire plus vaste, mais n'est jamais complètement sûre de sa domination tant qu'il subsiste quelque chose qui ne soit pas encore intégré au domaine lumineux où elle règne en maîtresse.
Un troisième ordre de complexité vient de ce que la conscience est capable de vivre simultanément en plus d'un état ; en particulier, la division de notre être en une nature intérieure et une nature extérieure ou de surface crée une difficulté que vient encore compliquer l'existence d'une circumconscience secrète ou conscience ambiante dans laquelle sont déterminés nos rapports invisibles avec le monde extérieur. Dans l'ouverture spirituelle, c'est l'être intérieur éveillé qui volontiers reçoit et assimile les influences supérieures et revêt la nature supérieure ; le moi extérieur de surface, plus entièrement façonné par les forces de l'Ignorance et de l'Inconscience, est plus lent à s'éveiller, plus lent à recevoir, plus lent à assimiler. Il y a donc une longue période pendant laquelle l'être intérieur est suffisam­ment transformé tandis que l'être extérieur est encore entraîné dans un mouvement mélangé et difficile de transformation imparfaite.
Ce décalage se représente à chaque pas de l'ascension, car à chaque changement l'être intérieur suit plus vo­lontiers, tandis que l'être extérieur suit en boitillant, à contrecœur, quand il ne reste pas impuissant malgré son aspiration et son désir. Cela exige un labeur cons­tamment répété pour absorber, adapter, orienter, un labeur qui se présente chaque fois dans des termes nouveaux mais reste toujours le même dans son principe. Même lorsque la nature extérieure et la nature intérieure de l'individu sont unifiées en une conscience spirituelle harmonisée, la partie qui est encore plus externe mais occulte et par laquelle son être se mêle à l'être du monde extérieur, à travers laquelle aussi le monde extérieur envahit sa conscience, reste un domaine d'imperfection. Il se fait là, nécessairement, un échange entre des influences disparates : l'influence spirituelle inté­rieure se heurte à des influences complètement opposées qui exercent une forte maîtrise sur l'ordre mondial actuel ; la nouvelle conscience spirituelle doit suppor­ter le choc des puissances non spiritualisées qui se sont établies dans l'Ignorance et la dominent. Cela crée une difficulté d'importance capitale à tous les stades de l'évolution spirituelle et de son élan à transformer notre nature.
Il peut s'édifier une spiritualité subjective qui refuse ou réduit au minimum tout commerce avec le monde ou qui se contente d'en observer l'action et de repousser ou d'expulser ses influences envahissantes, sans se permettre aucune réaction à ces influences ou sans admettre leur intrusion, mais si la spiritualité intérieure doit être objectivée en libre action dans le monde, si l'individu doit se projeter lui-même dans le monde et, en un sens, absorber le monde en lui-même, cela ne peut se faire dynamiquement sans qu'il reçoive les influences du monde à travers son propre être circumconscient ou « ambiant ». La conscience intérieure spirituelle doit alors s'occuper de ces influences de telle sorte que, dès qu'elles approchent ou pénètrent, elles soient ou bien annulées et sans effet, ou bien, par leur entrée même, transformées en son propre mode et sa propre substance. Elle peut aussi les obliger à recevoir l'in­fluence spirituelle et à retourner avec une puissance transformatrice dans le monde d'où elles proviennent, car exercée sur la Nature universelle inférieure une contrainte de ce genre fait partie de l'action spirituelle parfaite.
Pour cela cependant, l'être circumconscient ou « am­biant » doit être tellement imprégné de lumière spirituelle et de substance spirituelle que rien ne puisse pénétrer en lui sans subir cette transformation ; les influences extérieures envahissantes ne doivent aucune­ment apporter leur perception inférieure, leur vision inférieure, leur dynamisme inférieur. C'est là, toute­fois, une perfection difficile, parce qu'en général le circumconscient n'est pas en totalité le moi que nous avons nous-même formé et réalisé, mais notre moi plus la nature du monde extérieur. Aussi est-il toujours plus facile de spiritualiser les parties intérieures auto­nomes que de transformer l'action extérieure. La per­fection d'une spiritualité introspective, demeurant en nous, subjective et qui se tient à l'écart du monde, ou encore s'en protège, est plus facile à réaliser qu'une perfection de la nature entière dans une spiritualité dynamique et cinétique objectivée dans la vie, embras­sant le monde, maîtresse de son milieu, souveraine dans ses rapports avec la Nature du monde. Cependant, puisque la transformation intégrale doit embrasser l'être dynamique dans sa totalité et absorber en lui la vie d'action et le Moi mondial qui est en dehors de nous, cette transformation plus complète est exigée de notre nature en évolution.
La difficulté essentielle provient du fait que la subs­tance de notre être normal s'est façonnée à partir de l'Inconscience. Notre ignorance est une croissance de la connaissance dans une substance d'être qui est nesciente ; la conscience qu'elle produit, la connaissance qu'elle instaure sont toujours harcelées, pénétrées, en­veloppées, par cette nescience. C'est cette substance de nescience qui doit être transformée en une substance de supraconscience, une substance où la conscience, et aussi la perception spirituelle, sont toujours pré­sentes même lorsqu'elles ne sont pas actives, ni expri­mées, ni mises sous forme de connaissance. Jusqu'à ce que cela soit réalisé, la nescience envahit ou enveloppe ou même engloutit et absorbe en son obscurité oublieuse tout ce qui y pénètre ; elle oblige la lumière qui descend à faire un compromis avec la lumière moindre où elle pénètre ; il y a mélange, diminution et dilution d'elle-même, diminution, altération et incomplète authentici­té de sa vérité et de son pouvoir. Tout au moins la nescience en limite la vérité et en circonscrit la force, en fragmente l'applicabilité et la portée ; à la vérité de son principe est interdite une pleine vérité de réalisation individuelle ou une complète vérité de son appli­cation cosmique.
Ainsi l'amour, en tant que loi de la vie, peut s'affirmer pratiquement comme un principe intérieur actif mais, à moins qu'il n'occupe en totalité la substance de l'être, tous les actes et les sentiments individuels ne sauraient être façonnés par la loi d'amour. Même s'il arrive à la perfection dans l'individu, l'amour peut être rendu unilatéral et inefficace du fait de la nescience générale qui lui est hostile et refuse de le voir, ou en­core il peut être contraint à circonscrire le champ de son application cosmique. Une action complète en harmonie avec une nouvelle loi de l'être est toujours difficile pour la nature humaine, car la substance de l'Inconscience recèle une loi protectrice de Nécessité aveugle et impérative qui limite le jeu des possibilités lorsqu'elles émergent de l'Inconscience ou pénètrent en elle et les empêche d'établir leur libre action et leurs libres résultats ou de réaliser l'intensité de leur propre absolu. Tout ce qui leur est permis, c'est un jeu mélangé, relatif, restreint et réduit. Autrement, elles aboliraient le cadre de l'Inconscience et troubleraient violemment l'ordre mondial sans en transformer effectivement la base. Aucune d'entre elles, en effet, ne possède, dans son jeu mental ou vital, la puissance divine nécessaire pour remplacer ce sombre principe originel et pour organiser un ordre cosmique complètement nouveau.
Une transformation de la nature humaine ne peut s'opérer que lorsque la substance de l'être est telle­ment imprégnée du principe spirituel que tous ses mouvements sont un dynamisme spontané et un pro­cessus harmonisé de l'esprit. Même lorsque les puis­sances supérieures et leurs intensités pénètrent dans la substance de l'Inconscience, elles se heurtent à l'opposition de cette Nécessité aveugle et elles sont soumi­ses à la loi restreignante et amoindrissante de la subs­tance nesciente. L'Inconscience leur oppose les droits puissants que lui confère une Loi établie, inexorable, elle oppose toujours aux prétentions de la vie la loi de la mort, à l'exigence de la Lumière la nécessité d'ombres qui font contraste et d'obscurité qui fournit un arrière-plan, à la souveraineté, à la liberté et au dynamisme de l'esprit sa propre force qui ajuste en limitant, fixe des bornes par incapacité, fonde l'énergie sur le repos d'une Inertie originelle.
Derrière ces négations, il y a une vérité occulte que seul le Supramental — qui réconcilie les contraires dans la Réalité originelle — peut absorber, découvrant ainsi la solution pragmatique de cette énigme. Seule la Force supramentale peut entièrement triompher de cette difficulté qu'oppose la Nescience fondamentale, car elle amène avec elle une Nécessité opposée, impérative et lumineuse, sous-jacente à toutes choses, qui est une vérité-force, autodéterminatrice, originelle et finale, de l'Infini existant en soi. Cette Nécessité spirituelle lumineuse plus grande, avec son impératif souverain, peut seule écarter l'ananké aveugle de l'Inconscience ou en­tièrement la pénétrer, la transformer en elle-même et ainsi la remplacer.
Une transformation supramentale de toute la subs­tance de l'être et donc, nécessairement, de tous ses caractères, ses pouvoirs et ses mouvements, se produit lorsque le supramental involué dans la Nature émerge pour rejoindre la lumière et la puissance supramentales qui descendent de la Supranature et s'y associer. L'individu doit être l'instrument et le premier champ de la transformation, mais une transformation individuelle isolée ne suffit pas et il se peut qu'elle ne soit pas entière­ment réalisable. Même lorsqu'elle est accomplie, cette transformation individuelle n'aura une signification permanente et cosmique que si l'individu devient un centre de la Conscience-Force supramentale et le signe qu'elle s'est établie en tant que pouvoir ouvertement opérant dans le fonctionnement terrestre de la Nature — de la même manière dont le Mental pensant s'est établi au travers de l'évolution humaine en tant que pouvoir ouvertement opérant dans la Vie et la Matière.
Cela signifierait l'avènement dans l'évolution d'un être ou Purusha gnostique et d'une Prakriti gnos­tique, d'une Nature gnostique. Il doit y avoir, dans l'ensemble terrestre, une Conscience-Force supramentale libérée et active qui émerge, et organise dans la vie et le corps un ensemble d'instruments supramentaux de l'Esprit, car la conscience corporelle doit, elle aussi, s'éveiller suffisamment pour être un instrument adé­quat de l'action de la nouvelle Force supramentale et de son ordre nouveau.
Jusqu'alors toute transformation intermédiaire ne saurait être que partielle ou incertaine ; on peut obtenir des instruments surmentaux ou intuitifs de la Nature. Mais ils ne seraient qu'une formation lumineuse surim­posée à une Inconscience fondamentale ambiante. Une fois qu'un principe supramental aura été établi de façon permanente sur sa propre base et qu'il aura commencé son action cosmique, les pouvoirs intermédiaires du Surmental et du Mental spirituel pourront se fonder sur lui avec sécurité et parvenir à leur propre perfec­tion ; ils formeront alors dans l'existence terrestre une hiérarchie d'états de conscience qui s'élèveront depuis le Mental et la vie physique jusqu'au niveau spirituel suprême. Le Mental et l'humanité mentale subsisteront comme un échelon dans l'évolution spirituelle, mais il se formera au-dessus d'eux d'autres échelons acces­sibles par lesquels l'être mental incarné pourra, au fur et à mesure qu'il y sera prêt, monter jusqu'à la gnose et s'y transformer en un état supramental et spirituel incarné. Sur cette base serait manifesté, dans la Nature terrestre, le principe d'une vie divine ; même le monde d'ignorance et d'inconscience pourrait découvrir son propre secret maintenant submergé et commencer à réaliser, à chaque échelon inférieur, sa signification divine.

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