SHRI AUROBINDO
LA MANIFESTATION SUPRAMENTALE SUR LA TERRE
CHAPITRE II :
LE CORPS DIVIN
Une vie divine dans un corps
divin, telle est la formule idéale que nous envisageons. Mais que sera ce
corps divin? Quelle sera la nature de ce corps, sa structure, le principe de
son activité, la perfection
qui le distinguera du physique limité et imparfait où nous sommes maintenant
enfermés? Quelles
seront les conditions et le fonctionnement de sa vie - qui reste encore
physique de par sa base sur la
terre - permettant de reconnaître qu'il est divin?
Si ce corps divin doit être le fruit d'une évolution - et c'est ainsi que nous
devons l'entendre - , une
évolution qui est partie de notre imperfection et de notre ignorance humaines
pour s'élever à la
vérité supérieure de l'esprit et de la nature, par quel processus ou quelles
étapes ce corps peut-il se
former et apparaître, ou rapidement surgir? Le processus de l'évolution
terrestre a toujours été
lent, tardif - quel principe doit donc intervenir pour qu'une transformation,
un changement
progressif ou soudain puisse se produire?
En fait, c'est par l'effet de notre évolution que nous sommes parvenus à la
possibilité de cette
transformation. De même que la Nature évolutive a dépassé la Matière et
manifesté la Vie, dépassé
la Vie et manifesté le Mental, de même elle doit dépasser le Mental et manifester
une conscience et
un pouvoir d'existence délivrés de l'imperfection et des limitations de notre
existence mentale : une
conscience supramentale, une conscience-de-vérité capable d'exprimer le pouvoir
et la perfection de
l'esprit. Dès lors, la loi ou la méthode de notre évolution ne sera plus
nécessairement un lent
changement tardif, sauf dans la mesure où l'ignorance mentale s'accroche encore
plus ou moins
longtemps et entrave notre ascension, car, dès que nous aurons assez grandi
pour entrer en la
conscience-de-vérité, c'est son pouvoir de vérité essentielle, spirituelle, qui
déterminera tout. En
cette vérité, nous serons libérés : c'est elle qui transformera le mental, la
vie, le corps. La lumière, la
béatitude, la beauté et la perfection du fonctionnement juste et spontané de
tout l'être, tels sont les
pouvoirs naturels de la conscience-de-vérité supramentale; ils transformeront
donc tout
naturellement le mental, la vie et le corps ici même, sur cette terre, et en
feront une manifestation de l'esprit
conscient de la vérité. Les obscurcissements de la terre ne prévaudront pas
contre la
conscience-de-vérité supramentale, car, ici même, sur la terre, elle peut
apporter assez de lumière
omnisciente et de force toute-puissante de l'esprit pour conquérir. Il se peut
que tout le monde ne
s'ouvre pas à la totalité de sa lumière et de son pouvoir, mais tous ceux qui
s'ouvriront, et dans cette
mesure, devront subir le changement. Tel sera le principe de la transformation.
Il se pourrait qu'un changement psychologique, une maîtrise de l'âme sur la
nature, une
transformation du mental en un principe de lumière, une transformation de la
force de vie en un
pur pouvoir, fussent la première étape, un premier essai de solution du
problème afin d'échapper à
la formule purement humaine et d'établir quelque chose que l'on puisse appeler
une vie divine sur
la terre : une première ébauche de surhumanité ou de vie supramentale dans les
conditions de la
Nature terrestre. Mais tout cela n'est pas le changement complet, radical, dont
nous avons besoin; ce ne serait pas la
transformation totale, pas la plénitude d'une vie divine dans un corps divin.
Le
corps serait encore humain et, en fait, animal de par son origine et ses
caractéristiques
fondamentales; il imposerait encore aux parties supérieures de l'être incarné
ses limitations
inévitables. De même que les limitations de l'ignorance et de l'erreur sont le
défaut fondamental
d'un mental non transformé, que les limitations des impulsions imparfaites du
désir, de ses efforts,
ses tensions, ses besoins, sont le défaut d'une force de vie non transformée,
de même l'imperfection
du pouvoir d'action physique, les déficiences et les limitations des réponses
semi-conscientes du
corps à ce que l'on exige de lui, la grossièreté et les souillures de son
animalité originelle, sont les
défauts d'un corps non transformé ou imparfaitement transformé. Ces défauts
doivent
nécessairement entraver et même dégrader l'action des parties supérieures de
notre nature. La
transformation du corps est la condition indispensable d'une transformation
totale de la nature.
Il se pourrait aussi que la transformation se produise par étapes. Certains
pouvoirs de notre nature
- qui pourtant relèvent encore de la région mentale - sont des potentialités
d'une gnose en voie de
développement : ils s'élèvent au-delà de notre mentalité humaine, ils
participent déjà de la lumière
et du pouvoir du Divin, et il semblerait qu'une ascension par ces plans, leur
descente dans l'être
mental, dussent être la courbe évolutive naturelle. Mais pratiquement, il
pourrait se révéler que ces
niveaux intermédiaires sont insuffisants pour effectuer la transformation
totale, car, étant
eux-mêmes des potentialités illuminées de l'être mental, n'étant pas encore
supramentaux au sens
complet du terme, ils pourraient simplement faire descendre dans le mental une
divinité partielle,
ou seulement soulever le mental vers ces niveaux, mais non effectuer son
élévation à la complète
supramentalité de la conscience-de-vérité. Néanmoins, ces niveaux pourraient
jalonner les étapes de
l'ascension et certains êtres pourraient s'élever jusque-là, s'arrêter là,
tandis que d'autres
grimperaient plus haut et pourraient parvenir aux strates supérieures d'une
existence semi-divine et
y vivre. II ne faut pas s'attendre à ce que l'humanité tout entière s'élève en
bloc jusqu'au
supramental; au début, seuls pourraient atteindre aux cimes suprêmes ou à
quelque sommet
intermédiaire de l'ascension ceux qui ont été préparés à ce si vaste changement
par leur évolution
intérieure ou soulevés par le contact direct du Divin et transportés en sa
lumière, sa béatitude et son
pouvoir parfaits. Il se pourrait que la grande masse des êtres humains reste
encore longtemps
satisfaite d'une nature humaine normale ou simplement partiellement illuminée
et inspirée. Mais ce
serait déjà là un changement suffisamment radical, un commencement de
transformation de la vie
terrestre : le chemin serait ouvert pour tous ceux qui auraient la volonté de
s'élever; l'influence
supramentale de la conscience-de-vérité toucherait la vie terrestre et
influencerait même sa masse
non transformée - un espoir naîtrait, et aussi une promesse que tous finalement
pourront participer
à ce que seul le petit nombre peut maintenant partager ou réaliser.
En tout cas, ce ne serait qu'un début et cela ne saurait constituer
l'intégralité de la vie divine sur la
terre; ce serait un tournant nouveau de la vie terrestre mais non son
changement parfait. Pour cela,
le règne souverain de la conscience-de-vérité supramentale doit s'instaurer et
toutes les autres
formes de vie doivent se subordonner à elle, se référer à cette conscience
comme au principe
directeur et au pouvoir suprême, la considérer comme le but, mettre à profit
son influence, être
mues et soulevées par son illumination et par sa force clairvoyante. Notamment,
de même que le
corps humain a dû naître par une modification de la forme animale précédente et
que la position
verticale de son corps symbolisait un pouvoir de vie nouveau, que ses
mouvements et ses activités
étaient faits pour exprimer la vie d'un être mental et servir le principe
mental, de même un corps
nouveau doit se former avec de nouveaux pouvoirs, des activités ou des degrés
d'action divine
nouveaux qui seront faits pour exprimer un être conscient de la vérité, servir
une conscience
supramentale et manifester un esprit conscient. Certes, nous devons être
capables d'embrasser et de
sublimer toutes les activités de la vie terrestre qui sont susceptibles d'être
spiritualisées, mais en
même temps, nous devons transcender l'animalité originelle et les activités
incurablement
corrompues par elle, ou du moins leur faire subir une certaine transformation
régénératrice,
spiritualiser ou "psychiser" la conscience et les mobiles qui les
animent et nous dépouiller de tout ce
qui n'accepte pas d'être ainsi transformé; même un changement de ce que l'on
pourrait appeler la
structure instrumentale du corps, de son fonctionnement, son organisation, une
maîtrise complète
de l'organisme telle qu'on n'en a encore jamais vue, doivent accompagner ce
changement total ou en
découler. Dans une certaine mesure, ce genre de maîtrise existe déjà dans la
vie de bien des humains
qui ont acquis des pouvoirs spirituels, mais c'est là quelque chose
d'exceptionnel, des cas isolés, la
manifestation fortuite ou partielle d'une capacité acquise plutôt que
l'organisation d'une conscience
nouvelle, d'une vie nouvelle, d'une nature nouvelle. Jusqu'où cette
transformation physique
peut-elle être poussée? Quelles sont les limites où elle doit demeurer pour
être compatible avec la
vie sur la terre sans la faire basculer en dehors de la sphère terrestre ou la
pousser à une existence
supraterrestre? - La conscience supramentale n'est pas une quantité fixe; c'est
un pouvoir qui passe
par des niveaux de possibilités de plus en plus hauts, jusqu'à ce qu'il
parvienne aux sommets
suprêmes de l'existence spirituelle qui complètent le supramental en même temps
que le
supramental complète les étendues de la conscience spirituelle qui grimpent
jusqu'à lui depuis le
niveau humain ou mental. Dans cette progression, le corps peut, lui aussi,
parvenir à une forme plus
parfaite, découvrir une gamme de pouvoirs d'expression supérieure, devenir un
réceptacle de plus
en plus parfait de la divinité.
***
Dans le passé, pareille destinée du corps fut rarement envisagée, du moins pour
un corps ici-bas, sur
la terre; on imaginerait plutôt ou verrait des formes de ce genre comme le
privilège d'êtres célestes,
mais elles sembleraient impossibles comme une demeure physique pour une âme
encore liée à la
nature terrestre. Les vaïshnava (1) ont parlé d'un corps spiritualisé
conscient, chinmaya déha (2); on trouve aussi la, conception d'un corps radieux
ou lumineux qui serait peut-être le jyôtirmaya
déha védique. Certains ont vu une lumière irradier le corps de personnes
hautement développées
spirituellement, ceci pouvant aller jusqu'à l'émanation d'une aura
enveloppante; on relate un début
de phénomène de ce genre dans la vie d'une personnalité spirituelle aussi
grande que celle de
Râmakrishna. Mais ces phénomènes sont rares, fortuits, ou bien ils n'ont existé
qu'en concept, et la
plupart du temps on ne considérait pas que le corps eût des possibilités
spirituelles ni fût capable de
transformation. Il a bien été dit que le corps était le moyen de réaliser le dharma
(3) - et le dharma inclut tous les desseins élevés, les accomplissements ou
idéaux de la vie, sans en exclure le
changement spirituel -, mais c'était un instrument que l'on devait laisser
tomber une fois le travail
terminé; certes, il peut et il doit y avoir une réalisation spirituelle pendant
que nous sommes encore
dans un corps, mais elle ne peut parvenir à sa pleine fructification qu'après
l'abandon de cette
forme physique. D'une façon générale, la tradition spirituelle considérait le
corps comme un
obstacle, comme une substance incapable de spiritualisation ou de
transmutation, un poids lourd qui
attachait l'âme à la nature terrestre et empêchait, soit son ascension vers
l'accomplissement
spirituel en le Suprême, soit la dissolution de son être individuel en le Suprême.
Mais si cette
conception du rôle du corps dans notre destinée convient assez bien à une sâdhanâ
(4) qui considère
la terre simplement comme un lieu d'ignorance et la vie sur terre comme une
préparation à une
sortie salvatrice hors de la vie - qui serait la condition indispensable de la
libération spirituelle -,
elle est insuffisante pour une sâdhanâ qui conçoit une vie divine sur la terre
et qui estime que la
libération même de la nature terrestre fait partie du dessein total de
l'incarnation de l'esprit ici-bas.
Si une transformation totale de l'être est notre but, la transformation du
corps doit
indispensablement en faire partie. Sans elle, aucune vie divine intégrale n'est
possible sur la terre.
L'évolution passée du corps, et surtout sa nature animale, son histoire
animale, semblent être
l'obstacle à cet accomplissement. Le corps, nous l'avons vu, est le fruit ou la
création de
l'Inconscient, lui-même inconscient ou seulement semi-conscient; il a débuté
comme une forme de la
matière inconsciente, a donné naissance à la vie et, d'objet matériel, est
devenu une poussée vivante,
a façonné le mental et, de la subconscience de la plante et de la première
mentalité rudimentaire ou
de l'intelligence incomplète de l'animal, a façonné la mentalité intellectuelle
et l'intelligence plus
complète de l'homme; et maintenant il sert de base physique, de logement et
d'instrument à toute
notre entreprise spirituelle. Son caractère animal et ses limitations
grossières sont certainement un
obstacle à notre perfection spirituelle, mais le fait qu'il ait façonné une âme
et qu'il soit capable de
lui servir d'instrument peut indiquer aussi qu'il est capable d'un
développement ultérieur et qu'il
peut devenir un sanctuaire, une expression de l'esprit, révéler la spiritualité
secrète de la matière,
devenir conscient entièrement au lieu de l'être à moitié et parvenir à une
certaine unité avec
l'esprit. Ce progrès-là, au moins, il doit le faire; jusqu'à ce point, au
moins, il doit transcender sa
nature terrestre originelle, s'il veut devenir l'instrument complet de la vie
divine au lieu d'être un
obstacle.
***
Néanmoins, les inconvénients du corps animal, de sa nature animale, de ses
impulsions animales, et
les limitations du corps humain, même le meilleur, sont présentes au début et
persistent aussi
longtemps que n'intervient pas la libération complète et fondamentale; or, son
inconscience ou sa
semi-conscience, son empire sur l'âme, sur le mental et sur la force de vie
qu'il enchaîne à la
matière, enchaîne aux matérialités de toutes sortes et aux appels de la nature
terrestre non
régénérée s'opposent constamment à l'appel de l'Esprit et circonscrivent
l'ascension aux degrés plus
hauts. Il apporte à l'être physique l'esclavage des instruments matériels - du
cerveau, du coeur, des
sens - et leur obscur mariage à la matière et à toutes sortes de matérialismes,
l'esclavage du
mécanisme corporel et de ses besoins obligatoires, l'esclavage de la nécessité
impérieuse de la
nourriture et la préoccupation d'avoir les moyens de se la procurer et de
l'amasser - l'un des soucis
obsédants de la vie -, l'esclavage de la fatigue, du sommeil, de la
satisfaction des désirs corporels. De
même, la force de vie dans l'homme est enchaînée à ces petitesses; elle est contrainte
de restreindre
le champ de ses ambitions et de ses ardeurs plus larges, de refréner l'élan qui
la pousse à dépasser
l'attraction de la terre et à suivre les intuitions plus célestes de ses
facultés psychiques, l'idéal de son
coeur et les aspirations de son âme. Au mental, le corps impose les frontières
de l'être physique, de
la vie physique, et le sentiment que seules les choses physiques ont une réalité
complète tandis que le reste est
simplement une sorte de feu d'artifice brillant de l'imagination, un jeu de
lumières et de
gloires qui ne peuvent avoir d'existence complète que dans les cieux de
l'au-delà et sur des plans
d'existence supérieurs, mais certes pas ici-bas; il jette sur les idées et les
aspirations le poids du
doute, sur le témoignage des sens subtils et de l'intuition, l'incertitude, sur
l'immense étendue de la
conscience et de l'expérience supra-physiques, l'accusation d'irréalité, et il
accroche à ses racines
terrestres la poussée de l'esprit qui voudrait sortir des limites de son
humanité originelle pour
entrer en la vérité supramentale, en la nature divine. Ces obstacles peuvent
être surmontés; les
démentis et les résistances du corps peuvent être vaincus, sa transformation
est possible. Même la
partie animale et inconsciente en nous peut être illuminée et devenir capable
de manifester la
nature des dieux, tout autant que notre humanité mentale peut devenir capable
de manifester la
surhumanité de la conscience-de-vérité supramentale et la divinité de ce qui,
maintenant, pour nous,
est supraconscient - la transformation totale peut devenir une réalité ici-bas.
Mais, pour cela, les
obligations et les contraintes de son animalité doivent cesser d'être
obligatoires; une purification de
sa matérialité doit s'effectuer afin que cette matérialité même puisse se muer
en la solidité
matérielle de la manifestation de la nature divine. Car rien d'essentiel ne
doit être exclu de la
totalité du changement terrestre; la matière même peut devenir un instrument de
révélation de la
réalité spirituelle, du Divin.
La difficulté est double : psychologique et corporelle. La première tient à
l'animalité non régénérée
et à l'influence animale sur la vie, surtout par l'insistance des instincts,
des impulsions et désirs
grossiers du corps; la deuxième est l'effet de notre structure corporelle et de
nos instruments
organiques qui imposent leurs restrictions au dynamisme de la nature divine
supérieure. La
difficulté psychologique est plus facile à traiter et à vaincre, car, ici, la
volonté peut intervenir et
imposer, au corps le pouvoir de la nature supérieure. Certains instincts et
impulsions du corps se
révèlent particulièrement nocifs pour l'aspirant spirituel et viennent peser
considérablement en
faveur d'un rejet ascétique du corps. Le sexe et l'impulsion sexuelle, et tout
ce qui relève du sexe ou
témoigne de son existence, devaient être bannis et rejetés de la vie
spirituelle - ce n'est pas du tout
impossible, bien que ce soit difficile, et l'on peut en faire une condition
essentielle pour le chercheur
spirituel. Cette condition est naturelle et inévitable pour toute pratique
ascétique, et, bien qu'au
début il ne soit pas facile d'y satisfaire, elle se révèle tout à fait
praticable au bout d'un certain
temps. La conquête de l'instinct et du désir sexuels est certainement
impérative pour tous ceux qui
veulent arriver à la maîtrise de soi et mener une vie spirituelle. Il est
essentiel pour tout chercheur
spirituel de les maîtriser totalement et, pour les ascètes complets, de les
extirper. Ce principe doit
être admis et l'on ne saurait minimiser son importance obligatoire.
Mais, mis à part l'assouvissement physique grossier de l'impulsion sexuelle,
nous ne saurions
exclure ni refuser complètement de reconnaître le principe sexuel dans une vie
divine sur la terre; il
est là, dans la vie, il joue un rôle considérable et doit être pris en
considération; on ne peut pas
simplement faire semblant de ne pas le voir, le supprimer tout bonnement ni
l'étouffer, le chasser de nos yeux. Et tout d'abord, sous certains de ses
aspects, c'est un principe cosmique et même divin :
sous sa forme spirituelle, c'est l'Îshwara et la Shakti sans lesquels il ne
peut pas y avoir de création
cosmique ou de manifestation du principe cosmique de Pourousha et de Prakriti
(5), tous deux nécessaires à la création, - nécessaires aussi, par leur
association et leurs rapports, au jeu du
fonctionnement psychologique de l'univers, et, par leur manifestation en tant
qu'Âme et Nature,
essentiels au déroulement total de la lîlâ (6). Dans la vie divine elle-même,
une incarnation de ces deux pouvoirs, ou du moins leur présence sous une forme
ou une autre, ou leur influence
inspiratrice à travers leurs incarnations ou leurs représentants, serait
indispensable pour rendre
possible la création nouvelle. Dans son jeu humain, au niveau mental et vital,
le sexe n'est pas un
principe foncièrement non divin; il a ses aspects nobles et son idéalisme;
reste à voir de quelle
manière et dans quelle mesure ces éléments peuvent être admis dans la vie
nouvelle plus large. Tout
assouvissement animal grossier de l'impulsion et du désir sexuels devra être
éliminé; cela ne peut
continuer que chez ceux qui ne sont pas prêts à la vie supérieure ou pas encore
prêts à une existence
spirituelle complète. Chez tous ceux qui aspirent à la vie supérieure, sans
toutefois être encore
capables de l'adopter totalement, le sexe devra être raffiné, se soumettre à
l'influence psychique ou
spirituelle, à la direction du mental et du vital supérieurs, se dépouiller de
toutes ses formes légères,
frivoles ou dégradées et sentir l'appel de la pureté de l'idéal. L'amour
demeurera, de même que
toutes les formes de la pure vérité de l'amour à des degrés de plus en plus
hauts, jusqu'à ce qu'il
touche à sa nature suprême, s'élargisse en un amour universel et fusionne en
l'amour du Divin.
L'amour de l'homme et de la femme devra subir aussi cette sublimation, parvenir
à ce sommet, car
tout ce qui est capable de sentir l'appel de l'idéal et de l'esprit doit
pouvoir suivre le chemin de
l'ascension, jusqu'à ce que soit atteinte la divine Réalité. Le corps et ses
activités doivent être
acceptés et faire partie de la vie divine, passer sous la loi, mais, comme il
en fut des autres
transitions évolutives, ce qui ne peut pas accepter la loi de la vie divine ne
doit pas être accepté et
devra quitter notre nature en ascension.
Une autre difficulté à laquelle doit faire face la transformation du corps est
qu'il dépend de la
nourriture pour son existence même; ici aussi, nous sommes en présence des
instincts, impulsions et
désirs physiques grossiers qui accompagnent ce facteur difficile : les goûts
irrésistibles du palais,
l'avidité pour la nourriture et la gloutonnerie animale du ventre,
l'alourdissement du mental quand
il se vautre dans la boue des sens et obéit à la servitude des parties purement
animales pour
embrasser l'esclavage de la matière. L'homme supérieur en nous cherche refuge
dans la modération
et la tempérance, dans la frugalité, l'abstinence, à moins qu'il ne dédaigne le
corps et ses besoins, et
s'absorbe dans les poursuites supérieures. Souvent, à l'instar des ascètes
jaïn, les chercheurs
spirituels se réfugient en des jeûnes prolongés et fréquents qui les tirent des
griffes du corps et de ses exigences, du
moins temporairement, et les aident à sentir en eux-mêmes la pure vacuité des
grands espaces de l'esprit. Mais tout
cela n'est pas la libération - et l'on peut se demander si, non seulement à ses débuts mais toujours, la vie divine aussi
ne devra pas être soumise à ces nécessités. Pourtant, elle pourrait s'en délivrer complètement si
elle découvrait le moyen de puiser à l'énergie universelle afin de soutenir non
seulement les parties vitales de notre organisme mais aussi la matière qui
le constitue, sans avoir besoin de
recourir à une substance extérieure, matérielle, pour se nourrir.
Certes, il est possible, tout en jeûnant pendant de très longues périodes, de
garder toutes les
énergies et de continuer les activités de l'âme, du mental, de la vie, et même
du corps; de rester
éveillé et concentré tout le temps dans le yoga, ou de réfléchir profondément
et d'écrire jour et nuit;
de se passer de sommeil, de marcher huit heures par jour, et de poursuivre
toutes ces activités en
même temps ou séparément sans éprouver la moindre perte de force, fatigue,
défaillance ni
diminution. Il est même possible, à la fin du jeûne, de reprendre immédiatement
la quantité normale
de nourriture, ou même davantage, sans aucune des transitions ou précautions
prescrites par la
science médicale, comme si le jeûne complet ou le festin complet (alternant de
l'un à l'autre par une
transition immédiate et facile) étaient les conditions naturelles d'un corps
déjà entraîné à être
l'instrument des pouvoirs et des activités du yoga par une sorte de
transformation préliminaire.
Mais il est une difficulté à laquelle nous n'échappons pas : c'est l'usure des
tissus matériels du corps,
de sa chair, de sa substance. On peut concevoir, cependant, que si l'on pouvait
trouver un moyen
pratique, ce dernier obstacle apparemment invincible pourrait, lui aussi, être
surmonté et que le
corps pourrait se nourrir par un échange de forces avec les forces de la Nature
matérielle, le corps
donnant à la Nature ce qu'elle réclame de l'individu et prenant d'elle
directement les énergies
sustentatrices au sein de l'existence universelle. Il est concevable que l'on
puisse redécouvrir et
rétablir au sommet de l'évolution de la vie le phénomène que l'on observe à sa
base : le pouvoir de la
vie de puiser tout autour les moyens de se sustenter et de se renouveler. Ou
bien, l'être évolué
pourrait acquérir un pouvoir plus grand encore et tirer ses forces d'en haut au
lieu de les tirer d'en
bas ou de les puiser ça et là dans le milieu ambiant ou en dessous. Mais tant
qu'un pouvoir de ce
genre ne sera pas acquis ou rendu possible, nous devrons revenir à la
nourriture et aux forces
établies par la Nature matérielle.
En fait, bien qu'inconsciemment, nous puisons constamment à l'énergie
universelle ou à la force de
la matière pour réapprovisionner notre existence matérielle et les énergies
mentales, vitales ou
autres du corps : nous le faisons directement par d'invisibles processus
d'échanges que la Nature
fait jouer constamment et par les moyens spéciaux qu'elle a inventés - la
respiration est l'un deux, le
sommeil aussi et le repos. Mais le moyen de base choisi par la Nature pour
entretenir le corps
physique grossier et renouveler son fonctionnement et ses forces internes est
l'absorption de la
matière extérieure sous forme de nourriture, la digestion, l'assimilation de ce
qui est assimilable et
l'élimination de ce qui ne peut pas ou ne doit pas être assimilé. Ceci en soi
suffirait simplement à
subsister, mais pour assurer la santé et la vigueur du corps entretenu par ces
moyens, elle y a ajouté
la tendance innée aux exercices physiques, aux jeux de toutes sortes - qui sont
d'autres moyens de
dépenser et de renouveler les énergies - et le choix ou la nécessité d'agir et
de travailler de diverses
manières. Dans la vie nouvelle, du moins à ses débuts, il ne serait pas
nécessaire, ni recommandable,
de vouloir rejeter complètement et précipitamment le besoin de nourriture ou la
méthode
naturellement établie pour la conservation d'un corps encore imparfaitement
transformé. Si ces
moyens doivent être transcendés, ou quand ils devront l'être, il faudra que la
décision vienne d'un
éveil de la volonté de l'esprit, et aussi d'une volonté dans la matière
elle-même, d'une poussée
évolutive impérieuse, d'un acte issu des transmutations créatrices du temps ou
d'une descente des
transcendances. En attendant, il se peut fort bien que le puisage à l'énergie
universelle autour de
nous par un mouvement conscient des pouvoirs supérieurs de notre être, ou d'en
haut par un appel
à ce qui, pour nous, est encore une conscience transcendante, ou par une
invasion, une descente de
la Transcendance elle-même, devienne un phénomène occasionnel, fréquent, voire
constant, et que
l'on puisse même réduire la nourriture et son besoin à un rôle secondaire qui
ne préoccupe plus, à
une nécessité mineure et de moins en moins impérieuse. Pour le moment, nous
pouvons accepter la
nourriture et les moyens habituels de la Nature, mais leur usage doit être libre
d'attachement, de
désir, d'appétits grossiers et sans discernement, et de rapacité pour les
plaisirs de la chair, car telle
est la manière de l'Ignorance; les moyens physiques doivent être subtilisés, et
il faudra sans doute
éliminer les plus grossiers, découvrir des moyens nouveaux, ou qu'émergent de
nouveaux
instruments. Tant que l'on admet la nourriture, y prendre un plaisir raffiné
est permis, il se peut
même qu'un ânanda du goût sans désir remplace les saveurs physiques et nos
prédilections
humaines guidées par le goût et le dégoût, car telle est la façon imparfaite
dont nous répondons
actuellement aux invites de la Nature. Il faut se souvenir que si nous voulons
une vie divine sur la
terre, la terre et la matière ne doivent pas et ne peuvent pas être rejetées;
il faut seulement les
sublimer et qu'elles révèlent du fond d'elles-mêmes les possibilités de
l'esprit, qu'elles servent aux
usages les plus hauts de l'esprit et se transforment en instruments d'une
existence plus vaste.
Toujours, c'est l'élan vers la perfection qui doit animer la vie divine; or, la
perfection de la joie de la
vie fait partie de la vie divine, même une partie essentielle, le bonheur du
corps dans ce qu'il fait et
la joie de vivre du corps ne sont pas exclus de la vie divine; eux aussi
doivent devenir parfaits. Une
large totalité, telle est la nature même de ce nouveau mode d'existence
progressif : une plénitude des possibilités
du mental transmué en substance de lumière, une plénitude de la vie convertie
en force de joie et de pouvoir
spirituels, une plénitude du corps transformé en instrument de l'action
divine et de la connaissance divine, de
la béatitude divine. Tout ce qui est capable de se transformer peut faire partie de la vie divine - tout ce qui
peut être un instrument, un canal, un moyen d'expression de la totalité de l'Esprit qui se manifeste.
***
La sexualité pose un certain problème pour tous ceux qui veulent rejeter in
toto les obligations
qu'impose l'animalité du corps, et ce problème, l'animalité ne manque pas de le
soulever obstinément chaque fois qu'elle veut barrer le chemin de l'aspirant à
la vie supérieure : c'est la nécessité de la perpétuation de l'espèce, puisque
l'activité sexuelle est le seul moyen que la Nature ait jusqu'à présent fourni
aux êtres vivants et qu'il s'impose inéluctablement à l'espèce. En fait, pour
celui qui cherche individuellement la vie divine, il n'est pas nécessaire de se
préoccuper de ce
problème, ni même pour un groupe qui ne la recherche pas pour lui seul mais
désire la faire
accepter par l'humanité dans son ensemble, du moins comme un idéal. Il y aura
toujours la
multitude de ceux qui ne s'intéressent pas à la vie divine ou qui ne sont pas
prêts à la mettre
intégralement en pratique; ceux-là peuvent prendre soin de la conservation de
l'espèce. Le nombre
de ceux qui mènent la vie divine peut fort bien rester constant et même
s'accroître par l'adhésion
volontaire de ceux qui sont touchés par l'aspiration à mesure que l'idéal se
répand, et, pour cela, il
n'est pas nécessaire de recourir à des moyens physiques ni de s'écarter de la
stricte règle
d'abstinence sexuelle. Cependant, il peut exister des circonstances où l'on
trouverait peut-être
souhaitable, d'un autre point de vue, de créer volontairement des corps pour
certaines âmes qui
cherchent à entrer dans la vie terrestre afin d'aider à la création et à
l'expansion de la vie divine sur
la terre. Dans ce cas, la nécessité d'une procréation physique à cette fin ne
pourrait être évitée que
si l'on découvrait et disposait de moyens nouveaux d'ordre supraphysique. Ce
genre de phénomène
relève évidemment d'un domaine que l'on considère maintenant comme
"occulte" et il implique
l'usage de pouvoirs d'action ou de création cachés qui ne sont ni connus ni à
la disposition du mental
ordinaire de l'espèce. En fait, l'occultisme est un usage des pouvoirs
supérieurs de notre nature, de
notre âme, de notre mental, de notre force de vie et des facultés de la
conscience physique subtile
qui, par la pression de leur loi secrète et de leurs potentialités, peuvent
produire certaines
manifestations ou résultats sur leur propre plan ou sur le plan matériel, dans
le mental, dans la vie,
dans le corps humain ou terrestre, ou parmi les objets et les événements du
monde de la matière.
Déjà, certains penseurs réputés considèrent que la découverte ou l'extension de
ces pouvoirs peu
connus ou encore embryonnaires doit constituer la prochaine étape de l'humanité
dans son
évolution immédiate; une procréation du genre dont nous parlons ne figure pas
encore parmi leurs
prévisions, mais on pourrait fort bien l'envisager parmi les possibilités
nouvelles. La science
physique elle-même s'efforce de trouver des moyens physiques pour se dispenser
des méthodes et
des procédés ordinaires de la Nature aux fins de la reproduction ou du
renouvellement de la force de
vie physique chez l'être humain ou chez les animaux, mais l'usage de moyens
occultes et de procédés
physiques subtils, s'il s'avérait possible, ouvrirait une voie plus vaste et
permettrait d'éviter les
limitations, les dégradations, les insuffisances et la lourde imperfection des
moyens et des résultats
accessibles aux seules lois de la force matérielle. En Inde, depuis les temps
les plus reculés, on a
toujours très généralement cru en la possibilité et en l'usage effectif de ce
genre de pouvoirs par des
hommes très avancés en la connaissance des choses secrètes ou possédant une
connaissance
spirituelle, une expérience spirituelle développée et une force dynamique; on
trouve même dans les
Tantra (7) tout un système organisé exposant la méthode et la pratique de ces
pouvoirs. D'une façon courante, on croit que l'intervention d'un yogi, par
exemple, peut provoquer la naissance de la
progéniture désirée et l'on fait souvent appel à lui dans ce but; on lui
demande même, parfois,
d'accorder sa bénédiction ou de faire acte de volonté afin que l'enfant ainsi
conçu jouisse d'une
réalisation spirituelle ou d'une destinée spirituelle - des phénomènes de ce
genre sont relatés non
seulement dans la tradition du passé mais par des témoins du présent. Mais tous
ces cas supposent
encore nécessairement un recours aux moyens normaux de procréation et aux
méthodes grossières
de la Nature physique. Si nous voulons éviter cette nécessité, il faut qu'une
méthode purement
occulte devienne possible, un recours à des procédés supraphysiques agissant
par des moyens
supraphysiques en vue d'un résultat physique, sinon le recours à l'impulsion
sexuelle et au processus
animal ne saurait être transcendé. Si les phénomènes de matérialisation et de
dématérialisation ont
quelque vérité et les occultistes les déclarent possibles, ils sont attestés
par des incidents dont
beaucoup d'entre nous furent témoins (8)-, une méthode de ce genre ne sortirait
pas du domaine du possible. En fait, suivant la théorie occultiste et selon la
gradation des plans et étendues de notre
être tels que la science yoguique les décrit, il existe non seulement une force
physique subtile, mais
une matière physique subtile qui se situe entre la vie et la matière grossière;
créer dans cette
substance physique subtile et précipiter dans notre matérialité plus grossière
les formes ainsi créées
est faisable. Il devrait être possible (et nous croyons qu'il est possible)
qu'un objet formé dans cette
substance physique subtile puisse passer de cet état subtil à l'état de matière
grossière directement,
par l'intervention d'une force et d'une méthode occultes, avec, ou même sans
l'aide ni l'intervention d'un procédé matériel grossier. Une âme qui désirerait
entrer dans un corps ou se former un corps
pour elle-même afin de prendre part à la vie divine sur la terre pourrait ainsi
être aidée à le faire,
ou elle pourrait même se voir fournir une forme par ce procédé de transmutation
directe sans
passer par la naissance ou par les moyens sexuels et sans être soumise à aucune
des dégradations ni
des lourdes limitations qui accompagnent inévitablement notre croissance
mentale et le
développement de notre corps matériel selon notre mode actuel d'existence. De
la sorte, cette âme
pourrait immédiatement acquérir la structure, les pouvoirs et le fonctionnement
supérieurs d'un
corps matériel vraiment divin tel qu'il émergera un jour dans cette évolution
progressive qui
s'achemine vers une existence totalement transformée en sa vie comme dans ses
formes au sein
d'une nature terrestre divinisée.
Mais quelles seraient la forme, la structure interne et externe, les
instruments de ce corps divin?
L'histoire matérielle du développement du corps animal et humain fait que ce
corps est enchaîné à
un système compliqué d'organes minutieusement élaborés et à un fonctionnement
précaire qui à
tout moment peut se changer en désordre : un fonctionnement susceptible de
n'importe quelle
désorganisation générale ou locale, soumis à un système nerveux qu'un rien
dérange, commandé par
un cerveau dont les vibrations sont supposées mécaniques et automatiques et non
sous notre
contrôle conscient. Suivant les matérialistes, tout cela est exclusivement un
fonctionnement de la
matière, dont la réalité fondamentale est chimique. Nous devons croire que ce
corps est bâti par
l'action d'éléments chimiques qui échafaudent les atomes, molécules et
cellules, et qu'en outre
ceux-ci sont les seuls agents et les seuls pilotes à la base de cette structure
et de ces instruments
physiques compliqués, lesquels sont la seule cause mécanique de toutes nos
actions, toutes nos
pensées, tous nos sentiments; l'âme est une fiction; le mental et la vie, une
pure et simple
manifestation ou figuration matérielle et mécanique de cette machine, laquelle
est combinée et
automatiquement mise en mouvement par les forces inhérentes à la matière
inconsciente, avec une
illusion de conscience dedans. Si telle était la vérité, il est évident qu'une
divinisation ou une
transformation divine du corps, ou de quoi que ce soit d'autre, serait une pure
illusion, une
imagination, une chimère impossible et insensée. Mais même si nous supposons
qu'une âme, une
volonté consciente soit à l'oeuvre dans ce corps, elle ne pourrait pas parvenir
à une transformation
divine sans un changement radical dans l'instrument corporel lui-même et dans
l'organisation de
son fonctionnement matériel. L'agent transformateur, âme ou volonté, resterait
enchaîné, son
travail serait bloqué par les limitations immuables de l'organisme physique,
entravé par l'animal
originel inchangé en nous ou imparfaitement changé. Les possibilités de
désordres, de dérangements, de maladies,
qui sont naturelles à cette organisation physique, seraient toujours là et
ne pourraient être prévenues que par une vigilance constante ou par une
intervention obligatoire,
perpétuelle, de l'habitant et maître spirituel de l'instrument corporel. Ceci
ne saurait s'appeler un
corps vraiment divin - un corps divin serait naturellement et perpétuellement
libre de tous ces
troubles; cette liberté serait la vérité normale et naturelle de son être, et,
par conséquent elle serait
immanquable et invariable. Une transformation radicale du fonctionnement -
peut-être même de la
structure, en tout cas certainement des impulsions et des forces motrices trop
mécaniques et trop
matérielles du système corporel - est impérieusement nécessaire. Quel agent
trouverons-nous pour
opérer un changement si considérable et réaliser une libération si totale?
Quelque chose doit exister
en nous - ou doit se développer : peut-être une partie centrale et encore
occulte de notre être -, qui
contient des forces mais dont les pouvoirs dans notre constitution actuelle,
pratique, ne représentent qu'une petite
fraction de ce qu'ils pourraient être; s'ils prenaient toute leur stature et
le commandement, ils seraient vraiment
capables d'opérer la transformation physique nécessaire avec toutes ses conséquences, à condition qu'ils
fassent appel à l'aide de la lumière et de la force de l'âme et de la conscience-de-vérité supramentale.
Nous pourrions trouver certains indices à ce sujet dans le système des chakra tel , qu'il est révélé
par la connaissance tantrique et reconnu dans les divers systèmes de yoga; ces chakra, ou centres de
conscience, sont la source de tous les pouvoirs
dynamiques de notre être : ils organisent leur action à travers divers plexus
qui s'échelonnent en
une série ascendante depuis le centre physique le plus bas (9) jusqu'au centre
mental et spirituel le plus haut appelé "lotus aux mille pétales"(10)
où la Nature ascendante (le "Pouvoir" symbolisé par le
"Serpent" des Tantriques) rencontre le Brahman et se libère en l'Être
divin. Ces centres sont
fermés ou à demi fermés en nous et il faut les ouvrir pour que leurs
potentialités complètes puissent
se manifester dans notre nature physique; mais une fois ouverts et complètement
actifs, il n'est guère de limite que l'on puisse fixer au développement de leurs
puissances et à la possibilité d'une
transformation totale.
Mais quel serait l'effet de l'émergence de ces forces et de leur action
libérée, divine, sur le corps
lui-même? Quelle serait leur connexion dynamique avec le corps et leur action
transformatrice sur
la nature animale, qui est encore là avec ses impulsions animales et son
fonctionnement
grossièrement matériel? Nous pouvons considérer que le premier changement
inévitable serait la
libération du mental, de la force de vie, des instruments physiques subtils et
de la conscience
physique : leurs activités deviendraient plus libres, plus divines, les
opérations de leur conscience
seraient illimitées et s'étendraient à plusieurs dimensions, les pouvoirs
supérieurs jailliraient
largement au grand jour, la conscience corporelle elle-même se sublimerait avec
ses instruments et
ses facultés, elle deviendrait capable de manifester l'âme dans le monde de la
matière. Les sens
subtils, à présent cachés en nous, pourraient venir à la surface et fonctionner
librement; les sens
matériels eux-mêmes pourraient devenir des intermédiaires ou des canaux pour
percevoir ce qui est
maintenant invisible pour nous et découvrir bien des choses autour de nous qui,
pour le moment,
sont insaisissables et voilées à notre connaissance. Les impulsions de la
nature animale pourraient
être solidement contrôlées ou purifiées et subtilisées de manière à servir
d'auxiliaires au lieu d'être
un encombrement et, ainsi transformées, elles pourraient prendre part au
fonctionnement d'une vie
plus divine. Mais même tous ces changements laisseraient encore un résidu de
fonctionnements
matériels qui garderaient leurs vieilles habitudes et n'obéiraient pas à la
direction supérieure, et si
ce résidu ne peut pas être changé, tout le reste de la transformation risque
d'être mis en échec et
incomplet. Une transformation totale du corps semble exiger un changement
suffisant dans la partie
la plus matérielle de l'organisme, dans sa constitution, son fonctionnement et
dans la structure de sa
nature.
En outre, on pourrait croire qu'une maîtrise complète devrait suffire : une
connaissance de
l'organisme et une vision de son fonctionnement invisible, une maîtrise
effective qui règle ses
opérations conformément à la volonté consciente - ce genre de possibilité a
déjà été réalisé et l'on
affirme qu'il fait partie du développement des pouvoirs intérieurs chez
certains individus. Arrêter la
respiration tout en gardant l'équilibre de la vie du corps, sceller
hermétiquement et à volonté non
seulement le souffle mais toutes les manifestations vitales pendant de longues
périodes, arrêter
volontairement le coeur, également, tandis que la pensée, la parole et les
autres activités mentales
continuent sans interruption, tous ces phénomènes et bien d'autres témoignant
du pouvoir de la
volonté sur le corps sont des exemples connus et bien prouvés de ce genre de
maîtrise. Mais ce sont
là de simples succès intermittents et sporadiques, ce n'est pas la
transformation; il faut un contrôle
total, une maîtrise permanente, habituelle; en fait, il faut une maîtrise
naturelle. Mais même si l'on
y parvenait, il faudrait encore quelque chose de plus fondamental pour opérer
la libération
complète et changer notre corps en un corps divin.
On pourrait soutenir aussi que la structure organique du corps autant que sa
forme extérieure,
fondamentale, devraient continuer d'exister comme une base matérielle
indispensable pour garder
le lien avec la nature terrestre, faire la jonction entre la vie divine et la
vie de la terre, et assurer la
continuité du processus évolutif en empêchant une rupture vers le haut, un
éclatement hors de
l'évolution, dans un état d'être qui appartiendrait à un plan supérieur à
proprement parler et non à
une réalisation divine sur la terre. Prolonger l'existence même de l'animal
dans notre nature - en le
transformant suffisamment pour qu'il devienne un instrument de la manifestation
et non un obstacle-, serait indispensable à la préservation de la continuité, à
la totalité évolutive; l'animal serait
nécessaire en tant que véhicule vivant (vâhana) du dieu qui émerge dans le
monde matériel et qui
devrait accomplir les oeuvres et les merveilles de la vie nouvelle. Il est
certain qu'une forme
corporelle est nécessaire pour faire la jonction et qu'il faut un corps dont le
fonctionnement puisse
contenir le dynamisme terrestre et ses activités fondamentales; mais ce chaînon
ne doit pas être une
chaîne ni une limitation emprisonnante ni une contradiction de la totalité du
changement. Or,
précisément, garder notre organisme tel qu'il est sans la moindre
transformation serait assurément
une chaîne et un emprisonnement dans la vieille nature. Il y aurait bien une
base matérielle, mais
elle serait tout à fait terre à terre; ce serait la vieille terre et non une
terre nouvelle avec une
structure psychologique plus divine, car le vieil organisme ne serait pas en
harmonie avec cette
structure plus divine, il serait incapable de servir son évolution future ni
même de supporter cette
structure et de lui servir de base dans la matière. Il enchaînerait une partie
de l'être - la partie
inférieure - à une humanité non transformée, à un fonctionnement animal
inchangé, et empêcherait
sa libération en la surhumanité de la nature supramentale. Un changement est
donc nécessaire ici
aussi, cela fait indispensablement partie de la transformation totale du corps
qui divinisera l'homme
tout entier, du moins ultimement, au lieu de laisser son évolution incomplète.
Ce but, disons-le, ne serait pas loin d'être réalisé si les chakra, les centres
avec leurs instruments et
leurs forces, régnaient sur toutes les activités de notre nature, dominaient
entièrement le corps et
faisaient de sa forme structurale autant que de ses opérations organiques un
libre canal et un moyen
de communication, un instrument plastique de cognition et d'action dynamique
servant toutes leurs
opérations dans la vie matérielle et dans le monde de la matière. Il faudrait
un changement dans le
mode opératoire des organes matériels eux-mêmes, peut-être même dans leur
constitution et dans
leur importance - il ne leur serait plus permis d'imposer impérieusement leurs
limitations à la vie
physique nouvelle. Et tout d'abord, les organes matériels eux-mêmes pourraient
devenir plus
manifestement une sorte de terminaison extérieure des voies de communication et
d'action, servir
plus efficacement les desseins psychologiques de l'habitant intérieur, réagir
d'une façon moins
aveugle et moins matérielle, être plus conscients de l'action et du dessein des
mouvements intérieurs et des pouvoirs
intérieurs, car ce sont ceux-ci qui utilisent les organes et non les organes
qui les engendrent et les utilisent
comme le suppose à tort l'homme matériel en nous. Le cerveau
deviendrait un canal de communication de la forme des pensées, un accumulateur
de leur pression
sur le corps et sur le monde extérieur où elles pourraient, alors, se réaliser
directement, se
communiquer sans moyens matériels, d'esprit à esprit, et produire directement
aussi leurs effets sur
les pensées, les actions et la vie d'autrui, ou même sur des circonstances
matérielles. De même, le
coeur serait un transmetteur direct, un relais des sentiments et des émotions
projetés sur le monde
par les forces du centre psychique. Le coeur pourrait répondre directement au
coeur, la force de vie
venir en aide à d'autres vies et répondre à leur appel en dépit de leur
étrangeté et des distances - de
nombreux êtres pourraient vibrer du même message reçu sans la moindre
communication
extérieure et se rencontrer en la lumière secrète émanée par un même centre
divin. La volonté
pourrait commander aux organes nourriciers, protéger automatiquement la santé,
éliminer l'avidité
et le désir, substituer aux procédés matériels des procédés plus subtils ou
puiser l'énergie et la
substance dans la force de vie universelle de sorte que le corps pourrait
garder longtemps ses
propres énergies et sa substance sans perte ni usure et sans avoir besoin de se
sustenter par des
aliments matériels tout en pouvant continuer sans fatigue une activité intense
et sans qu'il soit
nécessaire de s'interrompre pour se reposer ou dormir. La volonté de l'âme ou
celle du mental
pourrait agir de sources plus hautes sur le centre sexuel et sur les organes
sexuels, maîtriser
solidement l'aiguillon du sexe ou même bannir l'impulsion sexuelle grossière
et, au lieu d'être au
service d'une excitation animale, d'une obscure poussée, d'un désir brutal,
s'en servir pour
emmagasiner, produire et diriger vers le cerveau, vers le coeur et vers la
force de vie l'énergie
essentielle, ôjas, dont cette région est l'usine, alimentant ainsi l'action du
mental, de l'âme, de
l'esprit et des pouvoirs supérieurs de la vie, et réduisant les dépenses
d'énergie à des fins inférieures.
L'âme, l'être psychique, pourrait alors plus facilement emplir tout l'être de
sa lumière et mettre la
matière elle-même du corps à un usage plus haut, au service des desseins
supérieurs de l'âme.
Ce serait déjà un premier et puissant changement, mais certes pas tout ce que
l'on peut obtenir ni
espérer. Il se pourrait bien que la poussée évolutive procédât à un changement
des organes
eux-mêmes, de leur fonctionnement matériel, de leur utilisation, et que
l'indispensabilité de leur
usage, voire de leur existence, soit considérablement diminuée. Les centres du
"corps subtil", soûkshma sharîra (dont nous deviendrions conscients
au point de percevoir tout ce qui se passe en
lui) déverseraient leurs énergies dans les nerfs, les plexus, les tissus
matériels, et irradieraient le
corps matériel tout entier. Dans cette existence nouvelle, toute la vie
physique et toutes les activités
nécessaires pourraient être alimentées et actionnées par ces instruments
supérieurs, avec une
liberté et une ampleur plus grandes, et par des méthodes moins encombrantes et
moins restrictives.
Ce changement pourrait aller si loin que les organes eux-mêmes pourraient
cesser d'être
indispensables; nous sentirions qu'ils sont trop obstructifs : la force
centrale aurait de moins en
moins recours à eux et, finalement, s'en dispenserait complètement. Si les
choses en arrivaient là, les
organes pourraient dépérir par atrophie, être réduits à un minimum
insignifiant, ou même
disparaître. La force centrale pourrait les remplacer par des organes subtils
d'un caractère tout
différent, ou, si quelque agent matériel restait nécessaire, par des
instruments qui seraient des
"dynamismes en forme" ou des "transmetteurs malléables"
plutôt que des organes tels que nous les
connaissons. Tout cela pourrait fort bien faire partie d'une transformation
totale et suprême du
corps, bien que ce ne soit pas là non plus le dernier mot. Envisager de tels
changements, c'est
regarder très loin en avant, et les esprits attachés à la forme présente des
choses seront peut-être
incapables d'ajouter foi à ces possibilités. Mais nulle limite, nulle
impossibilité de changement, s'il
est nécessaire, ne peut être imposée à la poussée évolutive. Il n'est pas
inévitable que tout soit
fondamentalement changé; au contraire, tout ce qui est encore nécessaire à la
totalité doit être
conservé, mais tout devra devenir parfait. Tout ce qui est utile au but
évolutif, tout ce qui est
susceptible d'accroître, d'élargir et de hausser la conscience - car tel semble
être le but de
l'évolution et sa volonté centrale ici-bas -, ou tout ce qui est nécessaire
pour faire progresser les
moyens d'action de l'évolution et son milieu protecteur doit être conservé et
encouragé; mais tout ce
qui doit être dépassé, tout ce qui n'a plus d'utilité ou qui est dégradé, qui
n'aide plus, qui retarde,
doit être rejeté et abandonné sur le chemin. C'est ce qu'illustre clairement
l'histoire de l'évolution
des corps depuis leurs premières formes élémentaires jusqu'au type le plus
développé : l'homme -
nous ne voyons pas de raison que ce processus ne continue pas pour la
transition du corps humain
au corps divin. Si un corps divin doit se manifester ou se bâtir sur la terre,
il faut un début de
transformation, l'apparition d'un type nouveau plus élevé et plus développé, et
non une simple
continuation sans grand changement de la forme physique actuelle et de ses
possibilités limitées. Ce
qui est à conserver doit l'être, certes, c'est-à-dire tout ce qui est
indispensable aux besoins de la vie
nouvelle sur la terre ou qui est parfaitement pratique; tout ce qui est encore
nécessaire et qui peut
être utile aux desseins de la vie nouvelle, quoique imparfaitement, devra être
retenu mais développé
et perfectionné; tout ce qui n'a plus d'utilité aux fins nouvelles ou qui est
une servitude doit être
rejeté. Les formes de matière et les instruments matériels indispensables
doivent rester, puisque
c'est dans un monde de matière que la vie divine doit se manifester, mais leur
matérialité doit être
raffinée, allégée, ennoblie, illuminée, puisque la matière et le monde de la
matière doivent
manifester de plus en plus l'Esprit qui les habite.
Le type nouveau, le corps divin, doit continuer la forme évolutive déjà
modelée; il doit y avoir une
continuation à partir du type formé par la Nature tout au long de son histoire,
une continuité du
corps humain au corps divin - pas de rupture brutale, pas de passage à un état
méconnaissable, mais
une haute suite de ce qui a déjà été accompli et en partie perfectionné. Le
corps humain recèle des
facultés et des instruments suffisamment évolués pour servir la vie divine;
ceux-ci doivent survivre
dans leur forme, mais leur perfection doit être poussée plus loin encore, les
limites de leur champ
d'action et de leur utilisation doivent disparaître, leurs tendances
défectueuses, leur sujétion à la
maladie et à la dégradation être éliminées et leurs capacités de cognition et
d'action dynamique
dépasser les limites présentes. Le corps devra acquérir de nouveaux pouvoirs -
que notre humanité
de maintenant peut difficilement espérer réaliser et dont elle ne peut même pas
rêver, ou qu'elle
peut seulement imaginer. Tant de choses maintenant qui ne peuvent être connues,
exécutées ou
créées qu'en se servant d'outils et de machines inventées pourraient alors être
accomplies par le
corps nouveau avec son propre pouvoir ou par l'esprit qui l'habite et par sa
force spirituelle directe.
Le corps lui-même pourrait acquérir de nouveaux moyens de communication avec
les autres corps,
trouver de nouvelles régions de communication, de nouveaux procédés pour
obtenir la
connaissance, une nouvelle sensibilité, de nouvelles forces pour se manoeuvrer
lui-même ou
manoeuvrer les objets. II ne serait pas impossible qu'il recèle et révèle des moyens
inhérents à sa
propre constitution et à sa substance, des instruments naturels pour rendre
proche ce qui est loin et
annuler les distances, pour connaître ce qui échappe maintenant à la perception
du corps, agir là où
maintenant l'action est hors de son atteinte et de son domaine, pour parvenir à
des subtilités et à des plasticités qu'interdisent la fixité dont la forme
matérielle a besoin dans les conditions présentes.
Ces possibilités, et bien d'autres, pourraient faire leur apparition et le corps
pourrait devenir un
instrument incomparablement supérieur à tout ce que nous pouvons imaginer de
possible
maintenant. Il pourrait se produire, une fois établie la première emprise de la
Conscience-
de-Vérité, une évolution qui parviendrait aux suprêmes hauteurs des degrés
ascendants du
supramental et qui pourrait peut-être même dépasser les frontières du
supramental proprement dit,
là où commencent à se silhouetter, se façonner, se délinéer les formes qui sont
l'expression d'une vie
touchée par la suprême et pure Existence-Conscience-Béatitude qui constitue les
mondes d'une
vérité d'existence souveraine : mondes du Tapas (11) dynamique, de la gloire et
de la douceur de la
béatitude - essence et cime absolue de l'Ânanda (12) créateur de tout. La transformation
de l'être physique pourrait suivre cette courbe de progression continue et le
corps divin réfléchir ou
reproduire ici-bas, dans une vie divine sur la terre, quelque éclat de cette
grandeur et de cette
gloire suprêmes de l'Esprit en manifestation.
(1) Vaïshnava : les fidèles de Vichnou (et particulièrement de Krishna,
incarnation de Vichnou).
(2) Chinmaya déha : le corps conscient ou corps doré.
(3) Dharma : la loi profonde qui gouverne l'individu.
(4) Sâdhanâ : discipline spirituelle, pratique du yoga.
(5) Îshwara, le Seigneur suprême, l'Éternel, la Transcendance divine, et
Shakti, la force créatrice, la
Mère divine. Au niveau de la création, Îshwara-Shakti (être double) deviennent
Pourousha-Prakriti:
Pourousha, l'Âme par opposition à la Nature (Prakriti), l'Être par opposition
au Devenir, la base
consciente sur laquelle se déroule le jeu de la Prakriti.
(6) Lîlâ : le jeu cosmique du Divin.
(7) Tantra : système de yoga qui, à la différence de l'illusionnisme et de ceux
qui poursuivent
exclusivement la voie de la Connaissance, fait du principe dynamique ou de la
Force créatrice,
Shakti, son principe central. Au lieu de rejeter le monde, il cherche à
maîtriser ses pouvoirs. (Note
de l'Éditeur)
(8) Sri Aurobindo fait allusion (entre autres choses) à un incident qui s'est
produit en 1921 à
Pondichéry, dans le "Guest House" où il habitait. Un cuisinier
congédié était allé trouver un
magicien local pour se venger, et une pluie de pierres s'est mise à tomber dans
la cour du "Guest
House" régulièrement, pendant plusieurs jours. Ceux qui étaient au premier
étage pouvaient voir
les pierres se former juste à hauteur de leurs yeux, puis tomber dans la cour.
Ces pierres étaient si
réelles qu'elles ont blessé un jeune serviteur et que l'on pouvait les ramasser
(certains disciples en
ont même gardé pendant plusieurs années, elles avaient la particularité d'être
toutes couvertes de
mousse). Enfin, les pierres se sont mises à tomber de plus en plus grosses,
dans les chambres
fermées. Il ne pouvait plus y avoir de doute sur leur origine occulte. La Mère
est alors intervenue
avec son pouvoir intérieur et la "pluie" a cessé ... Mais quelques
jours après, on vit accourir la fille
du cuisinier qui venait demander la grâce de Sri Aurobindo - le cuisinier était
en train de mourir à
l'hôpital, frappé par le "choc en retour" de sa pluie de pierres. Sri
Aurobindo a répondu avec un
sourire : "Oh! just for a few stones!" (oh! pour quelques pierres!).
Et tout est rentré dans l'ordre.
Cet incident est relaté en détail dans un Entretien de la Mère (du 10 mars
1954) et par A. B. Purani,
Life of Sri Aurobindo, p. 273.
(9) Le moûlâdhâra, à la base de la colonne vertébrale.