Du large une Vague...

Du large une Vague déferla, de l'Invisible jaillit un Pouvoir

immense, insaisissable, un Créateur voilé, masqué, qui allume le Feu : 

 à coups terribles le Forgeron du Monde

forgea la force dans les coeurs des faibles

avec la haine de la terre pour tranchant de la hache,

frappée par les dieux,

abattue, s'écrasa la Forme qui avait touché le ciel et les étoiles.

 Sri Aurobindo, Poèmes, Juillet 1930-1939

Comme si s'enflammaient les espaces

Comme si s'enflammaient les espaces

enroulés en spirales,

une épiphanie  de  visages

en longues boucles de feu,

la mascarade approcha

divin cortège des âges,

immense, aux profondes couleurs,

et le tonnerre de ses péans,

aux larges ailes, nus,

dans leur prodigieuse harmonie

frappa l'oreille de la terre.

 Sri Aurobindo, Poèmes,  1930-1939

La science et l'inconnaissable

Dans des profondeurs occultes poussent les racines secrètes de la Nature; chaque visible dissimule sa base dans l'invisible,

l'invisible lui-même protège ce qu'il peut signifier

dans un invisible plus profond encore, inconnu.

La science de l'homme bâtit des abstractions arides, austère   et découpe en formules le tout vivant ;

c'est un cerveau, c'est une main sans âme,

un œil perçant sous notre regard tourné vers l'extérieur.

Les objets ne sont point des formes, ils apparaissent comme une masse de forces

poursuivis et saisis, leurs lignes intérieures s'échappent dans une vaste conscience au-delà de nos normes.

Suivez-la et vous trouverez encore des abîmes infinis, sans voie, muets, inconnaissables.

Sri Aurobindo, Sonnets et autres poèmes, Juillet 1938- Octobre 1939