Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo SRI AUROBINDO - YOGA INTEGRAL: Pensées et Aphorismes

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

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PENSÉES ET APHORISMES

APHORISMES: BHAKTI (500-541)

Sri Aurobindo
PENSÉES ET APHORISMES
BHAKTI (500-541)

*
BHAKTI
(L’Amour et la Dévotion)


501 — La souffrance nous rend capables de supporter
la force complète du Maître des Délices ; elle
nous rend capables aussi de supporter l’autre jeu du
Maître du Pouvoir. La douleur est la clef qui ouvre les
portes de la force ; c’est le grand chemin qui mène à la
cité de la béatitude.

502 — Cependant, ô Âme de l’homme, ne recherche
point la douleur, car telle n’est pas Sa volonté,
recherche seulement Sa joie ; quant à la souffrance,
elle viendra sûrement à toi en Sa providence, autant et
aussi souvent qu’elle t’est nécessaire. Alors endure-la
afin de pouvoir découvrir enfin son âme de ravissement.

503 — Ô homme, n’inflige pas de douleur non plus à
ton semblable ; Dieu seul a le droit d’infliger la
douleur, ou ceux qu’Il en a chargés. Mais ne crois pas
fanatiquement, tel Torquémada, que tu es l’un d’eux.

504 — Dans les temps anciens, il existait une noble
manière d’affirmation pour les âmes uniquement pétries
de force et d’action : « Aussi sûrement que Dieu
vit. » Mais pour nos besoins modernes, une autre affirmation
serait plus appropriée : « Aussi sûrement que Dieu aime. »

505 — Le service est utile pour celui qui aime Dieu et
pour celui qui connaît Dieu, surtout parce qu’Il leur
donne l’occasion de comprendre en détail et d’admirer
les étranges merveilles de Son art matériel. L’un
s’instruit et s’écrie : « Admire comme l’Esprit s’est
manifesté dans la matière » ; l’autre : « Admire le
toucher de mon Amant et Maître, l’Artiste parfait, la
main toute-puissante. »

506 — Ô Aristophane de l’univers, tu observes le
monde et ris doucement en toi-même. Mais ne
me laisseras-tu pas voir aussi avec des yeux divins et
partager tes rires universels ?

507 — D’une image hardie, Kâlidâsa¹ dit que les
glaciers de Kaïlâsa² sont les bruyants rires
universels de Shiva empilés dans une absolue blancheur
pure sur les cimes. Ceci est vrai, et quand leur image
tombe sur le cœur, les soucis du monde fondent
comme les nuages d’en bas et se réduisent à leur réelle
inexistence.
¹Poète et auteur dramatique sanskritiste du IlIe siècle avant J.-C.,
que Sri Aurobindo comparait à Shakespeare.
²L’un des sommets de l’Himâlaya et la demeure de Shiva.

508 — La plus étrange des expériences de l’âme est
celle-ci : quand l’âme cesse de se soucier de
l’image et de la menace des afflictions, elle s’aperçoit
que les afflictions mêmes n’existent nulle part dans
notre voisinage. Alors, derrière ces nuages irréels, nous
entendons Dieu qui rit de nous.

509 — Ô Titan, ton effort a-t-il réussi ? Trônes-tu tels
Râvana et Hiranyakashipou* , servi par les
dieux et maître du monde ? Mais ce que ton âme
pourchassait vraiment t’a échappé.
*Deux rois démons.

510 — Le mental de Râvana pensait qu’il avait soif de
la souveraineté universelle et de la victoire sur
Râma, mais le but que son âme regardait tout le temps
était de retourner au ciel de l’âme le plus tôt possible
et d’être de nouveau le valet de Dieu. C’est pourquoi,
puisque c’était le chemin le plus court, il s’est précipité
contre Dieu dans la furieuse étreinte de l’ennemi* .
*Râvana a été détruit par Râma, l’Avatâr.

511 — La plus grande des joies est d’être l’esclave de
Dieu, tel Nârada ; le pire des enfers, d’être le
maître du monde, abandonné de Dieu. Ce qui semble
le plus proche de Lui selon notre ignorante conception
de Dieu, est réellement le plus loin de Lui.

512 — Le serviteur de Dieu est déjà quelqu’un ; l’esclave
de Dieu est plus grand.

513 — Être le maître du monde serait en vérité la
suprême félicité, si l’on était aimé universellement; 
mais pour cela, il faudrait être en même temps l’esclave 
de toute l’humanité.

514 — Après tout, si tu fais le compte de ton long
service de Dieu, tu t’apercevras que ton suprême
travail était le petit bien défectueux que tu avais fait
pour l’amour de l’humanité.

515 — Il est deux travaux qui plaisent parfaitement à
Dieu en Son serviteur : balayer en silencieuse
adoration le sol de Son temple, et combattre sur le
champ de bataille du monde pour Sa réalisation divine
dans l’humanité.

516 — Celui qui a fait ne serait-ce qu’un peu de bien
aux êtres humains, même s’il est le pire des
pécheurs, est accepté de Dieu dans les rangs de ceux
qui L’aiment et Le servent. Il verra la face de
l’Éternel.

517 — Ô dupe de ta faiblesse, ne couvre pas la face de
Dieu d’un voile de terreur, ne t’approche pas
de Lui avec une faiblesse suppliante. Regarde ! tu
verras sur Sa face non pas la solennité du Roi ni du
Juge, mais le sourire de l’Amant.

518 — Tant que tu n’auras pas appris à t’empoigner
avec Dieu comme un lutteur avec son camarade,
la force de ton âme te sera à jamais cachée.

519 — Tout d’abord, Soumbha* aima Kâlî avec son
cœur et son corps, puis il devint furieux et se
battit contre elle, enfin il l’emporta sur elle, la saisit
par les cheveux et la fit tournoyer trois fois autour de
lui dans les cieux ; le moment d’après, il était tué par
elle. Telles sont les quatre enjambées du Titan pour
parvenir à l’immortalité, et, des quatre, la dernière est
la plus longue et la plus puissante.
*Roi démon ou Titan.

520 — Kâlî est Krishna se révélant sous forme de
Pouvoir terrifiant et d’Amour courroucé. De
ses coups furieux, elle tue le moi dans le corps, dans le
vital et dans le mental afin de le libérer et d’en faire un
esprit éternel.

521 — Selon le profond apologue sémitique, nos
ancêtres déchurent parce qu’ils avaient goûté le fruit
de l’arbre du bien et du mal. S’ils avaient tout de suite
goûté à l’arbre de la vie éternelle, ils auraient échappé
à la conséquence immédiate ; mais le dessein de Dieu
dans l’humanité aurait été déjoué. Sa colère est notre
avantage éternel.

522 — Si l’enfer était possible, ce serait le plus court
chemin des plus hauts cieux. Car, en vérité, Dieu
aime.

523 — Dieu nous chasse de chaque Éden pour nous
forcer à traverser le désert et à atteindre un Paradis
plus divin. Si tu t’étonnes qu’un passage si desséché et
si féroce soit nécessaire, c’est que tu as été mystifié par
ton mental et n’as pas étudié ton âme derrière, ni ses
désirs muets ni ses ravissements secrets.

524 — Un mental sain hait la douleur, car le désir de
la douleur que parfois les hommes entretiennent
dans leur mental est morbide et contraire à la Nature.
Mais l’âme ne se soucie pas plus du mental et de ses
souffrances que le maître de forge de la douleur du
minerai dans la fournaise : elle suit ses propres besoins
et sa propre faim.

525 — La compassion sans distinction est le plus noble
don du caractère ; ne pas faire même le moindre
mal à une seule chose vivante est la plus haute de toutes
les vertus humaines ; mais Dieu ne pratique ni l’une ni
l’autre. L’homme est-il donc plus noble et meilleur que
le Tout-Aimant ?

526 — S’apercevoir que sauver de la souffrance le
corps ou le mental d’un homme n’est pas
toujours pour le bien de l’âme ni du mental ni du
corps, est l’une des expériences les plus amères pour
celui qui est humainement compatissant.

527 — La pitié humaine est issue de l’ignorance et de
la faiblesse, elle est l’esclave des impressions
sentimentales. La compassion divine comprend,
discerne et sauve.

528 — La pitié est parfois un bon substitut de l’amour,
mais ce n’est jamais rien de plus qu’un
substitut.

529 — La pitié de soi naît toujours de l’amour de soi ;
mais la pitié des autres ne naît pas toujours de
l’amour de son objet. C’est parfois un regard sur soi
qui recule à la vue de la douleur, et parfois l’aumône
dédaigneuse de l’homme riche pour le pauvre. Cultive
la compassion divine de Dieu plutôt que la pitié
humaine.

530 — Non pas la pitié qui pince le cœur et amollit la
substance intérieure, mais une compassion et
une charité divines, puissantes, sans trouble, telle est
la vertu que nous devons encourager.

531 — Aime et sers les hommes, mais prends garde de
ne pas désirer leur approbation. Obéis plutôt à
Dieu au-dedans de toi.

532 — Ne pas avoir entendu la voix de Dieu et de Ses
anges, c’est ce que le monde appelle avoir le
jugement sain.

533 — Vois Dieu partout et ne te laisse pas effrayer
par des masques. Crois que tout mensonge est
une vérité en construction ou une vérité en démolition ;
tout échec, une efficacité dissimulée ; toute faiblesse,
une force qui se cache à sa propre vue ; toute douleur,
une extase secrète et violente. Si tu le crois fermement
et inlassablement, à la fin tu verras le Tout-Vrai, le
Tout-Puissant et le Tout-Heureux et tu en auras
l’expérience.

534 — L’amour humain s’éteint par sa propre extase ;
la force humaine s’épuise par son propre effort ;
la connaissance humaine jette une ombre qui cache de
sa propre lumière solaire la moitié du globe de la
vérité ; mais la connaissance divine embrasse les vérités
opposées et les réconcilie, la force divine croît par la
prodigalité de sa propre dépense, l’amour divin peut
se dissiper complètement sans être jamais perdu ni
diminué.

535 — Le rejet du mensonge par le mental en quête de
la vérité absolue est l’une des causes principales de
son incapacité à atteindre à la vérité stable, ronde et
parfaite ; l’effort du mental divin n’est pas d’échapper
au mensonge, mais de saisir la vérité qui s’est masquée
derrière l’erreur, même la plus grotesque et la plus
divagante.

536 — La complète vérité sur un sujet quelconque est
un globe rond et contenant tout, qui tourne à jamais
autour du seul sujet et du seul objet de la connaissance
— Dieu — mais ne le touche jamais.

537 — Il est bien des vérités profondes qui sont comme
des armes dangereuses pour celui qui les manie sans
expérience. Maniées correctement, elles sont les plus
précieuses et les plus puissantes dans l’arsenal de
Dieu.

538 — La tenace obstination avec laquelle nous nous
accrochons à notre existence individuelle, mince, fragmentaire,
assaillie par la nuit et la douleur, alors que
la béatitude inviolable de notre vie universelle nous
appelle, est l’un des plus étonnants mystères de Dieu.
Il n’a d’égal que l’aveuglement infini avec lequel nous
projetons l’ombre de notre ego sur le monde entier et
appelons cela l’être universel. Ces deux obscurités
sont l’essence même et le pouvoir de Mâyâ.

539 — L’athéisme est l’ombre ou le côté sombre de la
suprême perception de Dieu. Chaque formule que
nous concevons de Dieu, bien que toujours vraie en
tant que symbole, devient fausse quand nous
l’acceptons comme une formule suffisante. L’athée et
l’agnostique sont là pour nous rappeler notre erreur.

540 — Les négations de Dieu sont aussi utiles pour
nous que Ses affirmations. C’est Lui qui, en tant
qu’athée, nie Sa propre existence pour perfectionner
la connaissance humaine. Il ne suffit pas de voir Dieu
dans le Christ et dans Râmakrishna ni d’entendre Ses
paroles ; nous devons aussi Le voir et L’entendre dans
Huxley et dans Haeckel.

541 — Peux-tu voir Dieu dans celui qui te torture et te
tue, à l’instant même de ta mort ou à l’heure de
ta torture ? Peux-tu Le voir dans ce que tu es en train
de tuer — voir et aimer même pendant que tu tues ?
Tu as posé ta main sur la connaissance suprême.
Comment peut-il atteindre Krishna celui qui n’a
jamais adoré Kâlî ?

APHORISMES: BHAKTI (451-500)

Sri Aurobindo
PENSÉES ET APHORISMES
BHAKTI (451-500)

*
BHAKTI
(L’Amour et la Dévotion)



451 — Aimer Dieu en excluant le monde, c’est Lui
donner une adoration intense mais imparfaite.

452 — Estce que l’amour est seulement la fille ou
la servante de la jalousie ? Si Krishna aime
Chandrâbali* , pourquoi ne l’aimerais-je point aussi ?
*Shrî Krishna aimait Râdhâ, mais il aimait aussi Chandrâbali et toutes les autres gôpîs.

453 — Parce que tu aimes Dieu uniquement, tu es
enclin à exiger qu’Il t’aime de préférence aux
autres ; mais c’est une exigence fausse, contraire à la
vérité et à la nature des choses. Car Il est l’Un, mais tu
es la multitude. Deviens plutôt un en ton cœur et en
ton âme avec tous les êtres, alors, dans le monde, il n’y
aura plus que toi seul qu’Il aime.

454 — Ma querelle s’adresse à ceux qui sont assez sots
pour ne pas aimer mon Amant, non à ceux qui
partagent Son amour avec moi.

455 — Trouve ton délice en ceux que Dieu aime ;
prends pitié de ceux qu’Il prétend ne pas
aimer.

456 — Hais-tu l’athée parce qu’il n’aime pas Dieu ?
Alors tu devrais être détesté, parce que tu
n’aimes pas Dieu parfaitement.

457 — Il est une chose surtout en laquelle les croyances
et les Églises succombent au diable, c’est dans
leurs anathèmes. Quand le prêtre psalmodie Anathema
Maranatha, je vois un diable qui prie.

458 — Nul doute, quand le prêtre jette une malédiction,
il appelle Dieu ; mais c’est au Dieu de fureur et
d’obscurité qu’il se voue, tout comme son ennemi ; car
selon qu’il s’approche de Dieu, Dieu le recevra.

459 — J’étais très harcelé par Satan, jusqu’à ce que
j’aie découvert que c’était Dieu qui me tentait ;
alors l’angoisse de Satan est sortie de mon âme pour
toujours.

460 — Je haïssais le diable et j’étais dégoûté de ses
tentations et de ses tortures ; et je ne pouvais
dire pourquoi sa voix et ses mots d’adieu étaient si
doux que quand il revenait et s’offrait à moi, c’est avec
chagrin que je le refusais. Puis je découvris que c’était
Krishna qui jouait Ses tours et ma haine s’est changée
en rire.

461 — Ils ont expliqué le mal dans le monde en disant
que Satan avait prévalu contre Dieu, mais j’ai
une plus fière opinion de mon Bien-Aimé, je crois que
rien n’est fait que par Sa volonté, dans le ciel ou dans
les enfers, sur la terre ou sur les eaux.

462 — Dans notre ignorance, nous sommes comme
des enfants fiers de réussir à marcher debout, sans
aide, et trop ardents pour nous apercevoir du doigt de
la mère qui nous touche l’épaule pour nous tenir
d’aplomb. Quand nous nous éveillons, nous regardons
derrière nous et nous voyons que Dieu nous conduisait
et nous soutenait tout le temps.

463 — Au début, chaque fois que je retombais dans le
péché, j’avais l’habitude de pleurer et de me mettre en
rage contre moi-même et contre Dieu pour l’avoir
permis. Plus tard, j’osais seulement demander, sans
plus : « Pourquoi m’as-tu encore roulé dans la boue,
ô mon camarade de jeu ? » Puis il me vint à l’esprit
que ceci aussi semblait trop impudent et présomptueux ;
je ne pouvais plus que me relever en silence, le regarder
du coin de l’œil et me nettoyer.

464 — Dieu a arrangé la vie de telle manière que le
monde est le mari de l’âme ; Krishna est son divin
amant. Nous avons une dette envers le monde et
devons le servir, et nous y sommes liés par une loi, une
opinion contraignante, une expérience commune de
douleur et de plaisir ; mais l’adoration de notre cœur,
notre force et notre joie secrète, sont pour notre Amant.

465 — La joie de Dieu est secrète et merveilleuse ; c’est
un mystère et un ravissement que tourne en
dérision le sens commun ; mais l’âme qui en a goûté
une fois ne peut plus jamais y renoncer, quels que
soient le discrédit mondain, la torture ou l’affliction
qu’elle puisse nous apporter.

466 — Dieu, le Guru du monde, est plus sage que ton
mental ; aie confiance en Lui et non dans cet
éternel égoïste et ce sceptique arrogant.

467 — Le mental sceptique doute toujours, parce qu’il
ne peut pas comprendre ; mais la foi de celui
qui aime Dieu persiste dans sa connaissance, bien
qu’elle ne puisse pas comprendre. L’un et l’autre sont
nécessaires à notre obscurité, mais il ne peut y avoir de
doute quant à celui qui est le plus puissant. Ce que je
ne puis pas comprendre maintenant, un jour je le
maîtriserai, mais si je perds la foi et l’amour, je déchois
complètement du but que Dieu m’a assigné.

468 — Je puis interroger Dieu, mon guide et instructeur,
et Lui demander : « Suis-je dans le vrai,
ou as-Tu permis, dans Ton amour et Ta sagesse, que
mon mental me trompe ? » Doute de ton mental si tu
veux, mais ne doute point que Dieu te guide.

469 — Parce que, tout d’abord, il te fut donné des
conceptions imparfaites de Dieu, tu rages
maintenant et tu Le nies. Homme, doutes-tu de ton
instructeur parce qu’il ne t’a pas donné la connaissance
tout entière dès le début ? Étudie plutôt cette
vérité imparfaite et mets-la à sa place afin de pouvoir
passer en sécurité à la connaissance plus vaste qui
s’ouvre maintenant devant toi.

470 — C’est ainsi que Dieu, en Son amour, enseigne
l’âme-enfant et le faible, les menant pas à pas et
refusant la vision de Ses sommets ultimes encore inaccessibles.
Et n’avons-nous pas tous quelque faiblesse ?
Ne sommes-nous pas tous, dans Sa vision, seulement
de petits enfants ?

471 — J’ai vu ceci, que tout ce que Dieu m’a refusé,
Il l’a refusé dans Son amour et Sa sagesse. Si
j’avais saisi, à ce moment-là, ce qu’Il me refusait,
j’aurais changé un grand bien en un grand poison.
Cependant, quand nous insistons, il nous donne
parfois du poison à boire afin que nous puissions
apprendre à l’écarter pour goûter avec connaissance
Son ambroisie et Son nectar.

472 — Même l’athée devrait être capable, maintenant,
de voir que la création est en marche vers un
dessein infini et puissant que la nature même de
l’évolution laisse deviner. Mais un dessein et un
accomplissement infinis présupposent une sagesse
infinie qui prépare, guide, façonne, protège et justifie.
Révère donc cette Sagesse et adore-la avec tes pensées
dans ton âme, sinon avec de l’encens dans un temple,
même si tu nies le cœur d’Amour infini et l’esprit de
Splendeur infinie. Alors, même si tu ne le sais pas,
c’est tout de même Krishna que tu révères et que tu
adores.

473 — Le Seigneur d’Amour a dit : « Ceux qui
recherchent l’Inconnaissable et l’Indéfinissable
Me recherchent et Je les accepte. » Par Sa parole, Il a
justifié l’illusionniste et l’agnostique. Pourquoi donc,
ô fanatique, railles-tu celui que ton Maître a accepté ?

474 — Calvin, qui justifiait l’Enfer éternel, ne
connaissait pas Dieu, mais il a fait d’un terrible
masque de Lui Son éternelle réalité. S’il y avait un
Enfer sans fin, ce ne pourrait être qu’un lieu d’extase
sans fin ; car Dieu est Ânanda et il n’est point d’autre
éternité que l’éternité de Sa béatitude.

475 — Quand Dante disait que l’amour parfait de
Dieu avait créé l’Enfer éternel, il écrivait peut-être
plus sagement qu’il ne le savait ; car, selon quelques
lueurs éparses, j’ai parfois pensé qu’il existe un enfer
où nos âmes souffrent des âges d’extase intolérable et
baignent comme à jamais dans l’embrassement absolu
de Rudra, le doux et le terrible.

476 — L’état de disciple de Dieu, notre Instructeur,
l’état de fils de Dieu, notre Père, la tendresse de
Dieu, notre Mère, la main du divin Ami, le rire et
l’amusement avec notre Camarade et Compagnon de
jeu, la servitude béatifique en Dieu, notre Maître,
l’amour extatique pour notre divin Amant, telles sont
les sept béatitudes de la vie dans un corps humain.
Peux-tu les unir toutes en une seule et suprême relation
aux couleurs d’arc-en-ciel ? Alors tu n’as besoin
d’aucun ciel et tu surpasses l’émancipation de l’adwaïtin.

477 — Quand donc le monde changera-t-il à l’image
du ciel ? Quand toute l’humanité deviendra
comme des garçons et des filles ensemble, Dieu se
révélant comme Krishna et Kâlî — le garçon le plus
joyeux et la fille la plus forte de la foule — jouant
ensemble dans le jardin du Paradis. L’Éden sémitique
était assez bien, mais Adam et Ève étaient trop âgés, et
même son Dieu était trop vieux et trop sévère et
solennel pour que l’on puisse résister à l’offre du
Serpent.

478 — Les Sémites ont affligé l’humanité avec la
conception d’un Dieu semblable à un roi sévère
et digne, un juge solennel qui ne connaît pas la gaieté.
Mais nous qui avons vu Krishna, nous savons que
c’est un garçon qui aime jouer et un enfant plein de
malice et de rire joyeux.

479 — Un Dieu qui ne peut pas sourire n’aurait pas
pu créer cet univers plein d’humour.

480 — Dieu a pris un enfant pour le choyer en Son
sein de délice, mais la mère a pleuré et refusé
d’être consolée parce que son enfant n’existait
plus.

481 — Quand je souffre de douleur ou de chagrin ou
de malchance, je dis : « Ainsi, mon vieux
Compagnon de jeu, tu recommences à me malmener »,
et je m’assois pour jouir du plaisir de la douleur, jouir
de la joie du chagrin et de la bonne fortune de la
malchance ; alors Il voit qu’Il est découvert et Il
emporte ses fantômes et ses épouvantails.

482 — Le chercheur de la connaissance divine découvre
en la description de Krishna qui vole les
robes des gôpîs l’une des paraboles les plus profondes
des voies de Dieu envers les âmes : celui qui a de la
dévotion y trouve la transcription parfaite, en acte
divin, des expériences mystiques de son cœur ; le lascif
et le puritain — deux visages d’un même tempérament
— n’y voient qu’une histoire sensuelle.
 Les hommes apportent ce qu’ils ont en eux-mêmes
et le voient réfléchi dans les Écritures.

483 — Mon amant m’a enlevé ma robe de péché, et je
l’ai laissée tomber avec joie, alors il s’est emparé
de ma robe de vertu, mais je me suis senti honteux et
alarmé et j’essayai de l’en empêcher. C’est seulement
quand il me l’eut arrachée de force que je vis combien
mon âme m’avait été cachée.

484 — Le péché est une ruse et un déguisement de
Krishna afin de se cacher du regard des vertueux.
Ô Pharisien, contemple Dieu dans le pécheur,
pèche en toi-même pour purifier ton cœur, et embrasse
ton frère.

485 — L’amour de Dieu et la charité envers les hommes
est le premier pas de la sagesse parfaite.

486 — Celui qui condamne l’échec et l’imperfection
condamne Dieu ; il limite sa propre âme et
dupe sa propre vision. Ne condamne point mais
observe la Nature, aide et guéris tes frères, fortifie
leurs capacités et leur courage par ta sympathie.

487 — L’amour de l’homme, l’amour de la femme,
l’amour des choses, l’amour de ton voisin,
l’amour de ton pays, l’amour des animaux, l’amour de
l’humanité sont tous l’amour de Dieu reflété en ces
vivantes images. Aimer et devenir puissant pour jouir
de tout, aider tout et aimer pour toujours.

488 — S’il est des choses qui refusent absolument
d’être transformées ou guéries et de devenir
une image plus parfaite de Dieu, elles peuvent être
détruites avec de la tendresse dans le cœur, mais sans
pitié dans le coup. Mais sois bien sûr, d’abord, que
Dieu t’a donné ton épée et cette mission.

489 — Je dois aimer mon voisin non pas parce qu’il
est le voisinage, car qu’y a-t-il dans le voisinage
et les distances ? Ni parce que les religions me disent
qu’il est mon frère, car où est la source de cette fraternité ?
Mais parce qu’il est moi-même. Le voisinage et
les distances touchent le corps — le cœur va au-delà.
La fraternité est celle du sang, du pays, de la religion
ou de l’humanité ; mais quand l’intérêt égoïste vocifère,
qu’advient-il de cette fraternité ? C’est seulement
en vivant en Dieu et en transformant le mental, le
cœur et le corps à l’image de Son unité universelle que
cet amour profond, désintéressé, inébranlable, devient
possible.

490 — Quand je vis en Krishna, l’ego et l’égoïsme
disparaissent ; alors Dieu seul lui-même peut
juger de mon amour sans fond et sans limite.

491 — Quand on vit en Krishna, même l’inimitié devient
un jeu de l’amour et une lutte entre frères.

492 — Pour l’âme qui a saisi la suprême béatitude, la
vie ne peut plus être un mal ni une illusion
douloureuse ; au contraire, toute la vie devient le
murmure d’amour et de rire d’un Amant et Compagnon
de jeu divin.

493 — Peux-tu voir Dieu comme un Infini sans corps
et pourtant L’aimer comme un homme aime sa
maîtresse ? Alors la suprême vérité de l’Infini t’a été
révélée. Peux-tu aussi vêtir l’Infini d’un corps secret
que l’on peut embrasser, et Le voir en chacun et en
tous ces corps visibles et saisissables ? Alors sa vérité
suprêmement vaste et profonde entre aussi en ta
possession.

494 — L’Amour divin poursuit simultanément deux
jeux : un mouvement universel, profond,
calme et sans fond comme l’Océan insondable, qui
recouvre le monde entier et chaque chose qui s’y
trouve comme une base uniforme et avec une pression
égale ; et un mouvement perpétuel, plein de force,
intense et extatique comme la surface dansante du
même Océan, qui varie la puissance et la force de ses
vagues et choisit ce sur quoi il tombera avec les baisers
de son écume et de ses embruns ou l’étreinte de ses
eaux engloutissantes.

495 — J’avais l’habitude de haïr et d’éviter la douleur,
j’étais offensé qu’elle me fût infligée ; mais à
présent, je découvre que si je n’avais pas souffert, je ne
posséderais pas, maintenant, forgée et complète, dans
mon mental, dans mon cœur et dans mon corps, cette
capacité de délices infinie et innombrablement
sensible. Dieu se justifie à la fin, même s’Il a pris le
masque du brutal et du tyran.

496 — J’avais juré que je ne souffrirais pas de la
tristesse du monde ni de la stupidité du monde,
de sa cruauté, son injustice, et je rendis mon cœur
aussi dur et endurant qu’une meule de moulin, puis je
donnai à mon mental le poli de l’acier. Je ne souffris
plus, mais la joie m’avait quitté. Alors Dieu a brisé
mon cœur et labouré mon mental. Par une angoisse
cruelle et incessante, je me suis élevé jusqu’à une
béatifique absence de douleur, et par le chagrin,
l’indignation et la révolte, jusqu’à une connaissance

497 — Quand j’eus découvert que la douleur était
l’envers du délice et son école, j’essayai
d’entasser sur moi les coups et de multiplier la
souffrance dans toutes les parties de mon être, car
même les tortures de Dieu me semblaient lentes,
légères et sans effet. Alors mon Amant a dû arrêter ma
main et s’écrier : « Cesse, car mes coups de fouet sont
suffisants pour toi. »

498 — Les tortures que s’infligeaient les anciens
moines et pénitents étaient perverses et
stupides ; cependant, il y avait une âme de connaissance
secrète derrière leurs perversités.

499 — Dieu est notre sage et parfait Ami, car Il sait
quand nous frapper et quand nous caresser, le
moment de nous tuer comme le moment de nous
secourir et de nous sauver.

500 — L’Ami divin de toutes les créatures cache Son
amitié sous le masque de l’ennemi, jusqu’à ce
qu’Il nous ait rendus prêts aux suprêmes cieux ; alors,
comme à Kurukshetra, la forme terrible du Maître de
la lutte et de la souffrance et de la destruction disparaît,
et le doux visage, la tendresse et le corps maintes fois
étreint de Krishna brillent sur l’âme ébranlée et dans
les yeux purifiés de Son éternel camarade et compagnon
de jeu.

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