SRI AUROBINDO : Si vous estimez que
la vie n'a aucune finalité divine, il est inutile de vouloir aller au-delà de
la fuite dans le laya. Vous avez dès
lors tout à fait raison de sortir de la vie, car du point de vue du Brahman, la
vie et le corps sont un encombrement.
Mais ceux qui ont prêché la fuite
n'ont apporté aucune explication satisfaisante au pourquoi de la vie et du
corps. Ils ont attribué l'existence de la vie et du corps soit à la mâyâ [illusion cosmique], ce qui
signifie qu'ils sont inexplicables, soit à la lîlâ [jeu cosmique], ce qui veut dire que Dieu s'amuse tout simplement
à jouer, et l'on ne peut pas s'attendre à ce qu'un jeu ait un but. Mais je
serais plutôt enclin à croire que Dieu avait un but en créant ce monde.
NIROD : Quel but ?
UN DISCIPLE: La manifestation
progressive du Divin, peut-être. (À Sri Aurobindo) Mais ce que vous appelez le
Supramental, est-ce une conception qui vous est propre, une idée que vous avez
élaborée, ou vous a-t-elle été donnée d'en haut ?
SRI AUROBINDO : Ce n'est ni ma
conception ni mon idée. Je vous ai déjà dit qu'après mon expérience du nirvâna,
je n'ai plus eu de "pensées" personnelles.. Les pensées me venaient
d'en haut. Dès le commencement, j'ai senti que le nirvâna n'était pas le sommet
de la réalisation spirituelle. Quelque chose en moi voulait toujours aller plus
loin. Mais même alors, je n'ai pas demandé à avoir cette nouvelle expérience.
En fait, dans le nirvâna, avec cette paix, on ne demande rien du tout. Mais la
vérité du Supramental m'a été donnée. Je n'avais au départ aucune idée du
Supramental et pendant longtemps cela ne m'était pas très clair.
C'est l'esprit de Vivekânanda qui m'a
mis sur la voie du Supramental. Cette première indication m'a amené à voir
comment la Conscience-de-Vérité agit en toute chose.
NIROD : Avait-il connaissance du
Supramental ?
SRI AUROBINDO : Il ne l'appelait pas
le Supramental. Le terme est de moi. Il me disait simplement : "Voici
ceci, voilà cela," et ainsi de suite. C'est ainsi qu'il procédait, en me
montrant et en me donnant des indications. Il m'a rendu visite à la prison
d'Alipore pendant quinze jours de suite et tarit que je n'avais pas tout saisi,
il a continué à m'instruire et à graver dans mon esprit le fonctionnement de la
Conscience supérieure – la Conscience-de-Vérité en général – qui mène au
Supramental. Il n'a pas voulu me quitter avant que j'aie tout bien assimilé.
NIROD : Les gourous se
manifestent-ils de cette façon, en donnant un enseignement ?
SRI AUROBINDO : Pourquoi pas ? C'est
l'expérience traditionnelle des temps anciens. Un grand nombre de gourous confèrent
l'initiation après leur mort.
NIROD : Vous nous avez parlé un jour
de l'influence que Râmakrishna et Vivekânanda ont exercé sur votre vie. Est-ce
à cela que vous faisiez allusion ?
SRI AUROBINDO: Non. Je voulais parler
de l'influence de leurs paroles et de leurs écrits, quand je suis revenu d'Angleterre
pour m'installer à Baroda. Leur influence était très forte dans toute l'Inde.
Mais j'ai eu une autre expérience directe de la présence de Vivekânanda à
l'époque où je faisais du hatha yoga. J'ai senti sa présence derrière moi et
veillant sur moi. Par la suite cela a exercé une très grande influence sur ma
vie. (...)
Entretien avec Sri Aurobindo, vol I, Nirodbaran.
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