Toute la vie est un yoga. Par ce yoga intégral, nous ne cherchons pas seulement l'Infini: nous appelons l'Infini à se révéler lui-même dans la vie humaine. Sri Aurobindo L'artiste indien

SRI AUROBINDO
. . YOGA INTÉGRAL


Les négations de Dieu sont aussi utiles pour nous que Ses affirmations. Sri Aurobindo
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C'est le Supramental qu'il nous faut faire descendre, manifester, réaliser.

L'artiste indien

L'artiste indien vivait dans la lumière d'une inspiration qui lui commandait de tendre vers un but supérieur; sa méthode jaillissait de ces hautes sources et servait ce dessein à l'exclusion de toute autre impulsion plus terrestrement sensuelle ou superficiellement imagi­native. Les six composantes de son art, les shadanga, s'appliquent à toute création utilisant la ligne et la couleur puisque les arts plastiques majeurs partout obéissent aux mêmes lois. Ces principes nécessaires sont la distinction des formes, roûpabheda ; la proportion, l'agence­ment des lignes et des masses, le dessin, l'harmonie, la perspective, pramâna; l'émotion ou le sentiment esthétique suscité par la forme, bhâva ; la recherche d'une beauté et d'un charme satisfaisant l'esprit esthétique, lâvanya ; la vérité et le pouvoir de suggestion de la forme, sâdrishya; la disposition, la combinaison, l'harmonie des couleurs, varnikâbhanga ; tels sont les éléments essentiels auxquels, en dernière analyse, se réduit toute oeuvre d'art réussie. Mais c'est la combinaison savante de chacune de ces composantes qui valorise l'intention et l'effet de la technique, de même que l'origine et le caractère de la vision intérieure guidant la main lorsqu'elle associe ces éléments garantissent le succès spirituel de l'œuvre accomplie; or, le caractère unique de la peinture indienne, le charme particulier de l'art d'Ajantâ, jaillissent de la remarquable orientation intérieure, spirituelle, psy­chique, que le génie pénétrant de la culture indienne a su donner à la conception et à la méthode artistiques. Pas plus que l'architecture ou la sculpture indiennes, la peinture ne pouvait se soustraire à ce mobile envoûtant, à cette atmosphère de transmutation, à cette obsession manifeste ou subtile d'une perception mentale étrangement ou secrètement modifiée – l'œil qui a appris à voir, non comme tout un chacun avec le seul regard extérieur, mais en faisant communier en permanence les facultés intellectuelles et la vision intérieure avec le moi derrière le mental comme avec l'esprit pour lequel les formes ne sont qu'un voile transparent ou une discrète suggestion (le sa haute splendeur. La beauté et la puissance des formes, la majesté du trait, la richesse des couleurs, l'élégance de cette peinture sont trop évidentes, trop criantes pour être ignorées, ce charme (lu psychique trouvant d'ordinaire un écho chez tout être sensible et cultivé; en outre, le peintre, contrairement au sculpteur, s'écarte avec moins de véhémence, moins d'intensité de la norme physique extérieure; restant fidèle aux exigences de son art il est, à juste titre, moins dédaigneux de la beauté et de la grâce formelles ; c'est pourquoi l'intellect occidental tend à faire plus de cas de la peinture indienne et, faute de l'apprécier vraiment, lui modère ses critiques. Elle ne provoque pas chez lui la même totale incompréhension, ni les mêmes violents malentendus, voire la même répulsion que l'œuvre sculptée. Et pourtant, il est clair que quelque chose semble lui échapper, obscurcir son jugement, ou n'être qu'imparfaitement compris, et ce quelque chose est précisément cette intention spirituelle plus profonde, qui relègue le sens esthétique et les images immédiatement perçues par l'œil au rang de simples médiateurs. Dans l'ensemble de la production indienne les oeuvres catégorisées moins fortes et moins frappantes manquent à première vue d'inspiration ou d'ima­gination ; cet art est, en conclue-t-on, conventionnel : lorsque l'esprit ne s'impose pas avec vigueur, il passe inaperçu, lui qu'on a déjà du mal à appréhender complètement lorsque la puissance transmise à l'expression est trop grande ou trop directe pour être contestée. La peinture indienne, tout comme l'architecture ou la sculpture, réclame, par-delà la perception physique et psychique, une autre vision, une vision spirituelle d'où l'œuvre procède ; ne pas l'acquérir, au même titre que nous développons le sens esthétique, nous condamne à ne pouvoir apprécier toute la profondeur et la signification de ses réalisations.

Sri Aurobindo, Les fondements de la culture indienne — L'art indien —

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