— Ma
première expérience majeure — radicale et submergeante, bien qu'elle ne soit,
comme il apparut plus tard, ni finale ni complète — est venue après l'exclusion
et la mise au silence de toute pensée et par cela même. Il y eut d'abord ce
qu'on pourrait appeler une conscience spirituellement substantielle ou concrète
du calme et du silence, puis la conscience de quelque Réalité unique et suprême
en présence de quoi les choses existaient seulement en tant que formes, mais
des formes qui n'étaient aucunement substantielles, ni réelles, ni concrètes.
Mais tout cela était apparent à une perception spirituelle, à un sens essentiel
et impersonnel, et il n'y avait pas le moindre concept ou idée de réalité ou
d'irréalité ou d'aucune autre notion, car tout concept ou idée était mis en
sourdine ou plutôt totalement absent dans le calme absolu. Ces choses m'étaient
connues directement par la pure conscience et non par le mental ; aussi n'y
avait-il aucun besoin de concepts ou de mots ou de noms. Par ailleurs, ce
caractère fondamental de l'expérience spirituelle n'est pas absolument
limitatif. Elle peut se passer de pensée, mais elle peut aussi s'en accommoder.
Naturellement, la première idée du mental serait que l'appel à la pensée nous
ramène aussitôt dans le domaine de l'intellect, et au début, et pendant
longtemps encore, il peut en être ainsi, mais d'après mon expérience ce n'est
pas inévitable. Cela se produit lorsqu'on essaie de faire un exposé intellectuel
de ce qu'on a éprouvé.
Sri Aurobindo, Lettres sur le Yoga
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